Baisse de l’or et lien platine, palladium

La perturbation créatrice d’un produit est-elle érodée au point que l’on se demande s’il faut préférer un autre produit du secteur ou bien choisir un autre désordre innovateur ?

La situation sud africaine de l’été dernier était le résultat d’un schisme, d’une attrition quotidienne qui change la pureté de l’idée originelle en oppositions violentes. L’abolition de l’apartheid par Frederik de Klerk en 1991, les élections de 1994, la victoire de Nelson Mandela, la discrimination positive affirmèrent de nouveaux équilibrages dans les organigrammes politiques et d’entreprises. Hélas, cette exemplarité originelle de l’Afrique du Sud post-apartheid sombra à la mine de Marikana.

A l’extrémité haute de la société des oligarques bénéficiant largement de lois re-distributives, notamment celle des Black Economic Empowerment, sortaient des rangs de l’African National Congress ; plus bas, les mines de platine des états du Nord-Ouest ou du Limpopo n’arrivaient pas à suffisamment recruter localement et continuaient d’employer des travailleurs immigrés en provenance de la lointaine région du Cap Oriental et de l’étranger : Lesotho Mozambique…

Dans le passé, les entreprises minières logeaient ces mineurs émigrés mais les gouvernements rénovateurs ordonnèrent aux sociétés minières de subventionner les municipalités afin qu’elles modernisent et bâtissent des logements. Hélas, souvent, les fonds ne furent pas utilisés à ces fins. Pourquoi construire ces logis alors qu’il n’y en avait pas assez pour les locaux ? Les mines devenues otages d’un système dévoyé payèrent un supplément de primes aux mineurs, mais comment pouvaient-ils louer un logement jamais construit ?

Résultats : bidonvilles, pandémies, échec politique, sécession des mineurs de platine qui rompaient avec le syndicat de l’ANC, le National Union of Mineworkers, pour rejoindre un concurrent moins compromis, l’Association of Mineworkers and Construction Union. Quiconque a visité la zone du Bushveld a vu ces mines de platine cotes à cotes formant un Kraal : contagion facile. Ce contexte est une métaphore de la panne politique sud africaine. Révoltes et grèves paralysent l’ambition de leaders politiques éloignés du bréviaire qui guida leur ascension.

Toutes les mines n’ont pas connu les meurtrissures de Lonmin, Impala par exemple porte avec constance un soin aux logements de ses employés mais globalement la production de platinoïdes fut menacée : hausses de salaires, démissions de responsables, licenciement massifs, de15 à 18 tonnes de platine perdues et la correspondance en palladium et rhodium, mines en perte qui ferment car les prix ne montent pas assez vite et en tout cas moins vite que les coûts. Une mine de métaux précieux dans le rouge, cela parait étrange mais c’est une réalité sud africaine.
De son coté l’offre de platine des producteurs russes n’avait aucune chance de rattraper le retard Sud Africain. Cette production à ses propres limites naturelles.

L’Afrique du Sud produit à peu près le même volume de palladium que Norilsk Nickel en Russie et le stock de palladium du ministère des finances russe disponible à la vente est quasiment éteint. La configuration du marché de palladium s’est considérablement rapprochée de celle du platine mais pourquoi les prix des deux métaux précieux sont-ils distants de 1000 $, sachant qu’ils sont produits en quantité égale et que les consommateurs seraient également identiques ? Justement ils ne le sont pas et l’analyse les résultats des différents producteurs de platinoïdes est aussi une clef.

Du coté des investisseurs, les évènements sud africains, pourtant historiques dans les mines de platinoïdes, présageaient de fondamentaux déséquilibrés et d’une explosion des prix, par conséquent platine et palladium étaient sur le radar de tous les gérants. Il en fut l’inverse, aucun excès pour le platine, ils revenaient vers des prix inférieurs aux sommets de début 2011 et très largement en dessous des zéniths de début 2008 ; les prix du palladium connaissaient la même destinés : hausse des prix après l’été sans excès et bien en deçà des records du début du siècle.

Après ce grand désordre, nous pourrions nous interroger sur la capacité des gérants à s’étonner des conséquences d’une consommation globale en panne de dynamisme, notamment automobile et bijoutière, entre une baisse européenne, une hausse asiatique et un renouveau américain qui défavorisent le platine protègent le palladium ? S’étonner, en outre, des équilibres offre/demande passés qui connaissaient des surplus pas encore consommés, du recyclage des pots catalytique automobile loin d’avoir donné tout son potentiel, de la production sud-africaine qui redémarrait, des remaniements des accords de distribution, se demander enfin qui absorbera les stocks investisseurs correspondant à près d’un quart de la production mondiale si l’industrie dispose elle aussi de réserves ? Eléments perturbateurs.

Conclusion
A propos de perturbation, fin janvier 2013, et pour la première fois depuis septembre 2011, des prix du platine ordinaires dépassent des prix de l’or extraordinaires. C’est un indice supplémentaire de la fragilité et la dégradation des prix de l’or évoquées ici même depuis plus d’un an : les taux d’intérêt réels y sont favorables, l’économie mondiale est moins alarmante, le QE 4 est rebaptisée Chimère puisque nous serions rentré dans une guerre des monnaies, les volumes des ETF en or atteignent 140 milliards de dollars et baissent depuis le début 2013, les cours de l’or décroissent depuis septembre 2011 et le crash n’est sans doute plus très loin avec toujours le même objectif moyen de 1200$.
Désormais il faut être aussi culotté pour rentrer sur ce marché que pour acheter de l’Apple.
C’est ici que s’introduit le début d’une récente conversation avec une excellente gérante matières premières atypique, Béatrice Coquelin, à propos de : faut-il investir dans les matières premières après qu’elles furent dernières en 2013 ? Si oui comment en direct (ETF, ETP) ou bien actions des producteurs ? Par exemple les mines d’or.

Les deux actifs ne réagissant pas aux mêmes risques, le pari des fondamentaux du produit d’une part, le pari d’une participation aux bénéfices futur d’autre part, c’est donc entre le secteur et le désordre innovateur qu’il faut choisir. Lorsque la perturbation créatrice d’un produit est érodée on s’interroge s’il faut préférer un autre produit du secteur ou bien choisir un autre désordre innovateur ; c’est à dire rester dans l’électronique et préférer Samsung à Apple (la courbe est éloquente) ou bien choisir un autre désordre innovateur tel que la voiture électrique.

Le dernier graphique des mines d’or et des cours de l’or, indique que ces derniers baisserons encore cette année et nous avons le choix du secteur en vendant son lingot et en achetant la mine hedgée et au filon riche, ou bien choisir entre l’or et un autre métal, stratégique par exemple, parce qu’il porte la prochaine perturbation créatrice de valeur : le palladium, le platine ou bien le zinc ?
Publié dans Les Échos le 18 02 2013