Dognin sera-t-il le nouvel Hermès, Prada, Coach ou Gucci ?

Parlons d’une matière première du luxe, le cuir, et du maroquinier Dognin.

La mode

La philosophie de la mode est celle d’une mixité d’idées parlant un langage que peu de personnes entendent, mais que tous utilisent. Cette pensée est en creux de la mythique scène du bleu céruléen dans « Le diable s’habille en Prada » (minute 22 : 40 -24 : 27). Avec une certaine magie, cette créativité cristallise des allers et retours d’explorateurs de la mode dans les strates de la société. Autant de navigations qui révèlent des exigences sociales aboutissent à des innovations techniques et à de nouveaux imaginaires.

C’est ainsi que Mademoiselle Chanel répondit à un besoin social par son style, ses nouveautés de couture et d’entoilage ; délivrée par cette garde-robe, la femme du 20ème siècle exposa moins la réussite de son mari. La mode progressa également par l’invention technique lorsqu’Hermès industrialisa son artisanat d’art en l’adaptant de la sellerie à la maroquinerie. Enfin des imaginaires sont créés, par exemple lorsque Dolce & Gabbana apportèrent d’Italie le sud, chaud, gourmand, familial, opulent, baroque et social pour fertiliser de nouveau une mode épuisée par la domination d’un univers nordique.

Depuis quelques années la mode est mondialisée. Cette globalisation asphyxie-t-elle définitivement les créateurs en s’opposant à leurs inspirations émanant elles-mêmes de cultures locales ? Doit-on les considérer freinés, voire empêchés, si leur création ne naît plus de l’idée de l’artisan et de son fait main, mais du marketing et de la finance ? La mode a-t-elle muté en une conversation horizontale, celle d’un monde plat imperméable à sa propre verticalité ? Privées de ce dialogue en gravitation, les marques tentent-elles de se revivifier en apesanteur, par l’arrivée de nouveaux stylistes ? Hélas, si ces derniers rafraîchissent un style qui sera ensuite copié, où peut-il trouver l’audace du créateur qui renouvelle une inimitable technique ? Enfin, lorsqu’une Maison intègre un nouveau styliste pour remplacer un ancien, combien de ceux-ci réussissent à “réexister” ?

C’est pourquoi si des produits sont une surenchère, ils restent muets quant aux nouveaux besoins sociaux, sans innovation ni poésie. En un mot, ils lassent les consommateurs. Ces derniers compensent l’absence de créativité du producteur en créant à leur manière. Une illustration ? Cette richissime collectionneuse de sacs, la marque restera respectueusement un mystère, détourna sa collection pour la transformer en cache-pots. Les fleurs de ses maisons ainsi disposées prospéraient dans sa maroquinerie.

Dognin, un prochain Hermès, Prada, Coach ou Gucci ?

En général, le design des sacs répond à deux écoles : le sac rigide et le sac souple. Le succès de Dognin est lié à une invention, une nouvelle technique, une troisième norme, le « souple structuré » : un renouvellement des formes grâce un millefeuille de cuirs et de tissus breveté et labellisé par l’Observeur du design. À partir de ce nouveau territoire, des sacs en cuir sont créés avec 40 % de poids en moins, des volumes novateurs et une souplesse équilibrée par une mémoire de forme.

Les premières créations de Dognin, le Vendôme et le Marivaux, furent kidnappées par le Palais Galliera, la Musée de la Mode de la Ville de Paris, pour son exposition permanente. Son premier sac à succès, le Polochon, se retrouva dans sa version initiale et artisanale au bras de Samantha Jones dans « Sex & the City ». Vinrent ensuite le Ma, le Raspail, le Goum, et tant d’autres. Puis les prochains de la collection Renaissance : le Sologne s’inspirant de l’architecture du château de Chambord, le Diane travaillant les vitraux et la lumière, le Clouet directement lié au tableau de François 1er.

La production Dognin est donc de style français, c’est-à-dire un équilibre entre le nord et le sud. Et, chaque sac, à sa façon, renouvelle la mode en répondant à un besoin social — comme Mademoiselle Chanel —, avec un savoir-faire — comme Hermès — et avec un univers original – comme Dolce & Gabbana.

Dognin rencontre depuis 10 ans un formidable succès. Où voir ses créations ? Elles sont toutes « fabriquées à Paris », à la Goutte d’Or, et le showroom est dans le 18ème arrondissement. Mais, plus facilement, la prochaine exposition d’une collection de pièces uniques aura lieu à Paris chez le galeriste Pierre-Yves Caër (décembre 2018 – janvier 2019), autour du thème : la Renaissance Contemporaine. Plus loin, début 2019, Dognin exposera à Tokyo.

Ce billet serait incomplet s’il n’effleurait pas les nombreuses applications industrielles du « souple structuré ». Il ne se limite pas aux sacs pour femmes ou hommes. Participer à la réindustrialisation de la France, c’est pour Dognin adapter sa technologie au confort ou à la sécurité dans l’automobile (discussions en Allemagne), l’aviation, le cinéma, le militaire, la médecine, l’ameublement, les luminaires, l’électronique (protection des téléphones mobiles, ordinateurs portables…). La chasse au partenariat est ouverte !

Palmarès Dognin dans le monde 2018, Salon Transformation au Musée des Arts Décoratifs de Berlin 2018, Représentant la France à l’International Handwerkmesse, Munich 2017, Salon du Patrimoine Culturel, Geste d’or, Paris 2017, Paris Artistes Design, Paris 2017, Octobre Rose, Paris 2017, Design et Artisanat d’Art, Paris 2017, Paris design Week, Paris 2017, Mitsukoshi, Tokyo 2017, Futurotextiles, Moscou, Le Caire, Buenos Aires, Izmir, Berlin, Lille 2017, Journée Européenne des Métiers d’Art, Paris 2016, Parlement Européen, Bruxelles 2015, Acturial, vente aux enchères, Paris 2015, Regards croisés entre Dognin et 50 artistes d’art contemporain, Paris 2013, Finaliste du prix Franco-Allemand des Industries et Commerces, Paris

Publié le 03 11 2018 dans Les Echos