EDF doit sauver les mines d’Areva

Après le désastre d’UraMin, l’intérêt général doit reprendre ses droits dans les mines d’Areva.

L’observation de la production d’uranium d’Areva laisse cinq idées générales à l’esprit :
–  Les grands sites actuels de production sont liés à l’héritage du CEA puis de la Cogema, cette perspective remonte aux années 1960 puis au second envol de 1996.
–  Dévolue à l’origine au client EDF, l’offre d’uranium de la société nationale s’est détournée de cette raison d’être depuis 2007. Privilégier des ventes en dehors du périmètre national alors que la production d’Areva étaient et restent inférieures au besoin d’EDF est un objectif contre-nature.
–  La production d’aujourd’hui n’est pas la même que la production d’hier. Les nouveaux projets sont plus pauvres, plus coûteux que les anciens.
–  Les matières minérales rattrapent un retard sur le pétrole et le gaz dans les enjeux de souveraineté internationale : la production d’uranium se réalisera en coentreprise avec les sociétés minières nationales : le Canada, le Kazakhstan…
–  Les mines ne sont pas indispensables aux activités de service, cycle du combustible, et d’engineering, vente de réacteurs, d’Areva ; de plus le groupe ne produit pas d’électricité nucléaire. Dans son contexte financier tendu, conserver cette activité est aussi antithétique qu’exploiter une mine de fer et approvisionner un aciériste en briquettes de minerai de fer sous prétexte que l’on a conçu et construit son haut fourneau.

Comme le demandent les autorités, Areva peut durcir son bilan en versant ses mines d’uranium dans une filiale sans remettre en cause le bien fondé de la future enquête parlementaire sur UraMin.

Céder : ne pas compliquer si l’on peut simplifier.

L’actualité sur les erreurs et illusions d’UraMin a changé la situation, le projet de créer ensemble avec Eramet un « pôle minier » s’éloigne. En effet, malgré les synergies, une animadversion règnent désormais entre les deux activités extractives : messages séditieux, finances opposées, leadership à contre-courant, enquête parlementaire. Ce dernier événement rejette l’idée que les 26% détenus par Areva dans Eramet (un actif de stratégie gouvernementale) musclent la filiale. Au contraire, c’est une eau claire sur les dettes des mines et le goodwill des gisements d’uranium (UraMin) qui allégera la maison mère :

A qui céder la filiale ? Il existe deux hypothèses et une solution :
–  Un grand mineur diversifié peut être intéressé sauf s’il juge l’acquisition pesante, moins relutive que celle d’autres métaux et le chiffre d’affaires négligeable. De plus, la valorisation des mines liée au passé récent, UraMin et son environnement, favorise plus une stasis qu’un accord de prix.
–  La filiale est une belle pièce pour les électriciens chinois, russes ou coréens, tous sécurisent sans contrainte financière des accès aux gisements d’uranium depuis 2007. En octobre 2008, la cession avortée de 49 % d’UraMin à CGNPC était de cette logique.

Face à l’Histoire, ces deux hypothèses enténèbreraient la sécurité économique et l’indépendance énergétique de la nation alors qu’il existe une solution instinctive, un repreneur naturel, un électricien français en quête d’intégration verticale et susceptible d’offrir un juste prix : EDF.

Intégration verticale.
Céder, toute ou partie, des mines d’uranium à EDF c’est reproduire le modèle gagnant des mines de fer d’ArcelorMittal, mais aussi du coréen Posco (ferro-nickel de Nouvelle-Calédonie pour son acier inoxydable), celui de l’aciériste finlandais Outokumpu (mine de chrome pour son acier inoxydable) ou encore celui du français Vallourec (mine de fer et plantation d’eucalyptus au Brésil pour ses tubes en acier) ; celui de l’américain Alcoa ou du norvégien Norsk-Hydro (mine de bauxite pour leur aluminium) ; celui du français Michelin (plantation d’hévéa au Brésil pour ses pneumatiques) celui du français Lactalis (fidélisation des producteurs de lait pour ses produits lactés) ; celui du suisse Nestlé (fidélisation des producteurs de café pour ses capsules Nespresso) ; celui de GDF Suez (production de gaz naturel pour ses centrales électriques notamment), celui de l’électricien allemand RWE (mine de lignite pour ses centrales électriques), ceux des électriciens nucléaire russes, chinois, coréens et leurs mines d’uranium…

Tous trouvent dans l’intégration verticale une protection contre les hausses des prix spéculatives des matières premières, ils sécurisent aussi une indépendance, une autonomie de production. Pourquoi EDF n’en aurait-elle pas aussi le droit ?

Le prix.
Fixer le prix de la filiale, visualiser l’horizon d’une capitalisation est essentiel à l’Agence de Participation de l’Etat. EDF est seule capable d’offrir un prix attrayant et équilibré entre une valorisation comptable actuelle que l’on devine aisément excessive et l’attrait attaché à une intégration verticale autant nécessaire pour l’entreprise que stratégique pour le pays.

Conclusion.
L’Allemagne, la Suisse et l’Italie font le choix d’une électricité non-nucléaire chère (énergies renouvelables), dépendante (gaz – sauf gaz de schiste) voire écologiquement très coûteuse (charbon).
Cette conjonction d’évènements devient une chance historique pour la France d’exporter encore mieux son électricité et de bénéficier à plein d’une rente énergétique, c’est-à-dire renforcer sa place de « Moyen-Orient électrique » de l’Europe.
Pour le consommateur français c’est l’assurance de conserver un prix de l’électricité compétitif et prévisible (démantèlement inclus grâce au retour d’expérience en exploitation).
C’est pourquoi nous devons éviter un désastre à la Péchiney ou à la Pennaroya : EDF doit sauver et intégrer les mines d’uranium.
Publié dans Les Échos le 07 07 2011