L’énergie chinoise contrarie ma résilience

Le « tout est permis, tout peut arriver » caractérise la résilience de la néo-mondialisation, sera-t-il bénéfique pour tous ?

La production d’électricité charbonnière est pour beaucoup dans la pollution atmosphérique chinoise. Cette électricité est consommée dans l’industrie (sidérurgie, métallurgie, cimenterie, etc.), d’autres pollutions atmosphériques sont ainsi créées, car la Chine produit et/ou consomme plus de 50 % des volumes mondiaux des métaux de base, quant aux métaux stratégiques dont elle n’assure pas 80 % de la production mondiale, ils se comptent sur les doigts d’une main.

Le pays, traumatisé par sa propre pollution a anticipé le danger et entre en résilience : il audite, corrige, imagine et innove. Pour mieux respirer l’hiver il diminue l’usage du charbon et réduit sa consommation électrique industrielle selon deux tempos : qualitatif (fermetures d’usines illégalement construites ou bien à la vétusté prohibée) et quantitatif (production hivernale bridée). C’est la résilience « ciel bleu »

Quels sont les effets de cette résilience énergétique chinoise sur le pays et le monde ?

Premier rapport de force, au fur et à mesure de l’assainissement de l’air chinois et du déploiement concomitant de la transition électrique (nucléaire, énergie climatique, transport électrique, moteur électrique, batterie), la consommation de métaux s’accroît. La résilience énergétique chinoise signifie moins de pollution au-dessus de Pékin et plus de métaux dans l’électricité.

Deuxième affrontement, la résilience a été précédée d’une vaste stratégie internationale de prise de contrôle d’actifs miniers par la Chine pour subvenir à l’urbanisation, seconder la production minière nationale et répondre aux futurs besoins de la transition électrique. Parce que la terre est plus étroite que dans le passé, la résilience chinoise ne peut plus être amortie par le temps et l’espace. Son impact direct est immédiat au-delà de ses frontières. Pour ce contrôle des ressources, sa résilience est et sera en compétition frontale et immédiate avec celles d’autres nations.

Troisième confrontation, l’offre industrielle chinoise réduite élève les prix des métaux parce qu’elle est conjuguée à la demande métallurgique mondiale et aux anticipations des futures difficultés de la production minière. En effet, les freins rencontrés par les mineurs n’ont jamais été aussi forts : nouvelles découvertes de gisements (sauf exception) plus petits, plus pauvres ou plus inaccessibles pour des raisons géographiques, de nationalismes économiques (Grasberg et le cuivre) ou sociétales (d’où l’intérêt d’acheter des mines de zinc sur étagère). L’exploitation en sera d’autant plus coûteuse que l’électricité utilisée serait d’origine climatique. En 2017, la résilience chinoise initie à long terme un cycle élevé de prix des métaux.

Dernière friction, immanquablement, la finance asiatique substitue aux hydrocarbures les métaux dans ses livres. La taille du marché physique énergétique mondial (pétrole, gaz, charbon thermique) est 30 % plus élevée que celui de l’intégralité des métaux. Des chroniqueurs et médias dopés au palimpseste électronique soutiennent encore le marché des métaux de Londres alors que les fonds alternatifs chinois spécialisés ont déjà hissé plus haut celui de Shanghai. Résilience financière chinoise positive pour les prix des métaux et les structures locales en compétition avec l’occident.

Au final, s’il y a un secteur que cette résilience électrique enchante, c’est bien celui des métaux de base (cuivre, aluminium, nickel, plomb, zinc) et celui des métaux critiques et stratégiques. D’autant plus que l’instant où la transition électrique sera mise en difficulté par l’inflation des métaux n’est pas fixé. D’ailleurs, ce rendez-vous ne verra-t-il jamais le jour ? Il suffira que les futures hausses de prix de l’électricité soient toutes acceptées par des populations heureuses de payer le prix fort !

Terminons par un raccourci : moins de charbon (et de pétrole) à Pékin, c’est un ciel bleu avec plus de cuivre, de cobalt, d’aluminium, de lithium, de zinc…, et une cascade de résiliences : résilience électrique, résilience cyclique, résilience compétitive et résilience financière.

Anticipons comme la Chine sait le faire avec une résilience « tout terrain » : anticipation, imagination, innovation.

Quelles interactions, oppositions ou bien coopérations, aurons-nous entre résiliences de différents pays initiées en des points dissemblables (énergie, minéraux, agriculture, eau) et poursuivants des directions également différentes, voire contradictoires ?

Quelles interférences ou solidarités connaîtrons-nous entre puissance des producteurs de métaux et influence des consommateurs d’électricité, entre présences hégémoniques de pays consommateurs chez ces producteurs et droits de l’homme qui s’interposeront aux ouvertures de nouvelles mines ?

Électricité mondiale ordonnée, mais désordres des ressources naturelles seront-ils contradictoires ?

Qui régulera toutes ces résiliences, qui sera l’État dans ce contexte, quels seront ses rôles, ses souverainetés, ses interdépendances, ses frontières et le rôle de ses armées ?

Que serait une résilience commune ou partagée dans une Europe sans Union Européenne ?

L’intérêt vital d’un pays sera-t-il d’avoir les moyens de faire fonctionner la communauté (énergie, métaux, agriculture, eau) ou bien la sauvegarde voire la survie de l’intégralité de sa population (cf. les migrations climatique et économique) ?

Le « tout est permis, tout peut arriver » caractérise-t-il la résilience de la néo-mondialisation et sera-t-il bénéfique pour tous ?

Publié dans Les Échos le 05 10 2017