Et si le thorium remplaçait l’uranium

Je regardais l’autre jour les nouvelles en provenance d’Iran.

La communication qui accompagne cette progression d’enrichissement uranium de 4% (centrales électriques) à 20% (applications pharmaceutiques) puis à 80% (mais ne pas le souhaiter le faire) est la démonstration d’une doctrine de dissuasion déjà parfaitement maîtrisée. Mais laissons cette diagonale aux négociateurs ; je crois qu’en la matière suivre le fil rouge de la diplomatie russe est intéressant car nous sommes en plein dans l’Eurasie. Les russes en sont l’une des composantes avec les iraniens et l’aigle à deux têtes les comprend depuis toujours mieux que personne.

La vrai question est de comprendre si des pays souhaitant acquérir une énergie électrique nucléaire pourront l’obtenir sans uranium, sans ajouter aux frayeurs proliférantes ambiantes ? Nous en parlions récemment, pour simplifier, cette conversation s’orientait sur l’énergie du futur avec comme point de départ non pas la centrale électrique mais le client, sa population, son réseau électrique. Dialogue qui se concluait sur la facture énergétique et opposait dans ce débat du futur le thorium à l’uranium ?

A l’envers, de bas en haut, une approche du consommateur vers le générateur d’électricité permet d’anticiper que bientôt les fabricants de centrale électriques répondront à des besoins de petites populations (petits pays) ou groupes de population en confettis (grands territoires), équipés de petits réseaux électriques avec de petites centrales. Plus le réseau électrique est court et épars plus la centrale électrique en son milieu est de capacité limitée et inversement.

La question du combustible vient ensuite et les bouleversements attendus viennent de deux directions : du gaz et du thorium. Mettons de coté le débat économico-écologique entre le nucléaire et le gaz car le prix du carbone sur le marché du CO² est encore trop politique et pas assez mondial pour être totalement efficace.

Pour le gaz les cartes sont rebattues en ce moment, la rareté est une notion battue en brèche. Sans que l’on ne connaisse encore l’ampleur des nouvelles réserves de gaz, il semble acquis que l’horizon énergétique de la planète ait une nouvelle fois changé. Les centrales électriques fonctionnant au gaz avaient déjà des couts et des délais de construction attrayants, elles deviendront encore plus attractives grâce au nouveau prix du combustible. Ponctuellement, les prix du gaz spot, 1/3 moins cher que les contrats à long terme européens permettent lorsqu’ils sont introduits dans les formulations de prix (disons 20%) de réduire la facture énergétique.

Le thorium, non utilisé dans les centrales nucléaires et donc sans réel prix de marché est trois plus abondant que l’uranium, 40 fois plus énergétique, tout en étant relativement bien dispersé sur la planète. Les gisements sont aux 2/3 situés en Australie, USA, Turquie, Inde. A l’heure actuelle son avantage sur l’uranium est d’être résistant à la prolifération et ses déchets (dont on ne maitrise pas encore la totalité du traitement) ont une durée de vie bien inférieure à celle des déchets d’uranium. D’autre part les centrales nucléaires fonctionnant à l’uranium fonctionneront aussi avec ce nouveau combustible.

A l’avenir si nous voulons moins de souci de prolifération le thorium semble une solution pour que de nouveaux pays accède à cette nouvelle énergie nucléaire moins duale. Pour équiper ces nouveaux pays, ces plus petites populations, ces petits réseaux, notre horizon de temps est de 10-15 ans avec de nouvelles centrales électriques dimensionnées, peut être, autour des 0.3 – 0.5 GW.

La règle d’aujourd’hui ne sera-t-elle pas l’exception de demain ? Aurons nous comme aujourd’hui d’immenses centrales électriques, véritables monuments à l’ambition énergétique ou bien small sera-t-il beautiful ?
Publié dans Les Échos le 14 02 2010