La guerre juste

Canicule, palladium, platine, cuivre, acier, cobalt, aluminium, lithium, pétrole, guerre économique, aluminium, acier… Quels développements après l’été 2018 ?

Au-delà de la commission d’enquête sénatoriale, plusieurs affaires occupaient notre été.

Thème proème, la canicule aux multiples conséquences agricoles. Premièrement, les marchés des grains s’en portent mieux. Les prix sont élevés et le revenu agricole en bénéficie à plein si la quantité de récolte reste dans la moyenne. Encore très retard sur l’Europe de l’Ouest (1-7), les rendements des terres d’Ukraine et de Russie continuent de progresser. La perspective de nourrir 10 milliards de terriens n’est plus un cauchemar.

Deuxièmement, l’énergie. En France, la production électrique « de canicule » révélait le 26 juillet et le 2 août ses futures faiblesses structurelles. L’éolien en panne démontrait son inutilité. C’est bien vers le solaire qu’il faut concentrer plus d’efforts ainsi que vers le nucléaire du futur, et non pas, à la manière de l’Allemagne, le leader mondial de la transition énergétique, en brûlant plus de charbon en période de canicule. L’avenir du nucléaire c’est en effet son économie circulaire, c’est-à-dire produire de l’électricité pendant au moins 10 000 ans, en ne consommant (en les réduisant)  que les déchets des centrales actuelles stockés en France depuis près de 50 ans.

Troisièmement : l’économie de guerre cyber.

Lorsqu’elle est classique, la guerre guide l’économie via la filière armement, logistique, équipements des troupes, et le butin pris à l’ennemi. Cet été, avec entêtement, le président des États-Unis était en guerre économique avec la planète entière. Ses hausses de tarifs douaniers ? Un butin de misère, qui comporte le danger de la prochaine étape : la fusion définitive de la guerre économique avec la cyber guerre et ses armes qui seront employées pour tout, par tous et à très grande échelle. Le marché l’a bien compris puisqu’il assiège redoutablement les titres des entreprises du secteur de la Tech. Elles et leurs produits sont la valeur refuge de l’Homo Novus du temps de guerre économique. À l’inverse, les actions des minières sont au tapis, et dans certains cas à la suite d’opérations commando de guerre économique.  Si le rôle d’un écrit est bien d’informer sur ce l’on ignore, un prochain phylactère trumpien pourrait-être : « le cyber est la meilleure arme de la guerre économique, elle-même la meilleure des économies ».

Autre thème estival : la guerre juste

Les présidents états-uniens oscillent périodiquement entre interventionniste et isolationniste. Le grand chambardement actuel, l’anti-global isolationniste en est une phase pour aboutir à des États-Unis plus forts et une population plus heureuse. Nous sommes au milieu de la réplique de Tancrède dans le film « le Guépard », tout changer pour que tout demeure : changer de guerre — privilégier la guerre économique — pour demeurer les plus forts. De fait, la conjoncture économique des États-Unis est bonne ; mais en corollaire, son image intérieure et sa politique extérieure sont détestables, car à l’inverse de la Sicile, la révolution isolationniste échappe au révolté de Washington. Le moyen employé, le « tout est permis psychotique » sous couvert d’une « guerre économique juste » est un immense dérapage isolationniste mondial. Chacun s’isole un peu plus chaque jour ; gardons notre Union Européenne ouverte !

Qui gagnera ce conflit ? La guerre juste est un combat contre des conditions de vie que les peuples n’acceptent plus. Pour qui cette guerre économique d’été était-elle juste lorsque s’affrontent les nationalismes de Washington contre ceux de la Chine, de l’Iran, de la Turquie, de la Russie, du Canada, et par contagion de Riad contre Toronto, puis par ricochet entre le dollar de Washington et toutes les économies dollarisées des pays émergents ? Est-elle juste lorsque ces derniers voient leurs exportations en dollars de palladium, platine, cuivre, acier, cobalt, aluminium, lithium, pétrole…, profiter des taux de change dépréciés et augmenter leurs recettes en monnaie nationale au détriment de concurrents, notamment états-uniens ? Cette inflation importée est-elle l’équivalent d’escadrilles de bombardiers ?  Pour qui aura-t-elle enfin été juste lorsque les États-Unis seront définitivement isolés, ses alliances réduites en lambeaux et d’un côté une Europe affermie, de l’autre la signature de nouvelles alliances asiatiques ?

Qui gagnera cette guerre ? Probablement ceux qui préfèrent la liberté ! Soyons heureux d’avoir profité de la canicule, car ce patchwork estival promet une rentrée passionnante.

Publié dans Les Échos le 15 10 2018