Pour dépenser plus dans la santé dépensons moins dans le coton

Le plan de santé d’Obama pourrait aussi être financé grâce à l’une des promesses électorales du candidat de 2008 : la diminution des subventions cotonnières destinées aux fermiers américains. Hélas, après l’élection, le lobby cotonnier américain et des membres du Congrès se sont immédiatement opposés à la mise en œuvre de cette mesure promise par le nouveau président.

Sur les 23,7 millions de tonnes de coton fibre produit dans le monde en 2008-2009, la production américaine se place troisième avec 2,83 millions, derrière la Chine (6,75 millions) et l’Inde (5,33 millions). Les subventions de Washington à ses agriculteurs permettent au coton du sud des Etats-Unis d’atteindre le marché de manière semi-gratuite.

Pourquoi est-elle semi-gratuite ? Une partie des 5,2 milliards de dollars de subventions allouées à l’agriculture américaine est payée aux 25.000 coton-culteurs (8.000 gros et 17.000 petits). Ces montants élevés déséquilibrent les revenus inférieurs des paysans d’autres nations. Les USA exportent entre 75 % et 100 % de cette production vers le premier consommateur, la Chine.

Mais les Etats-Unis ne sont pas seuls à subventionner. L’état chinois soutient ses paysans et entrepose du coton domestique acheté à des prix supérieurs aux prix mondiaux. L’Inde fait de même et en plus aide ses exportations de 2008 et 2009 à hauteur de 5 % vers la Chine. L’Europe subventionnait jusqu’à récemment ses derniers producteurs de coton grecs et espagnols à hauteur de 100 % ; dorénavant le mode est réduit car 100 % de la production provenant de seulement 35 % du sol consacré au coton reçoit des subventions européennes. Mais la Grèce produit un peu plus que le Burkina-Faso.
Conséquence : le prix du coton le plus cher à cultiver, l’américain, est moins cher en filature en Chine que le coton africain en filature en Afrique ou bien que le coton indien en filature en Inde.

Ne vous étonnez donc plus que les filatures indiennes souhaitent l’abolition des aides indiennes à l’export vers la Chine et que les 20 millions d’Africains francophones qui vivent du coton ne supportent plus les subventions américaines. Chez eux, c’est le monde à l’envers car la fibre de coton est vendue à perte et les co-produits du coton sont devenus le moyen de subsistance : le tourteau pour le bétail, l’amande pour de l’huile alimentaire, la coque de la graine pour l’énergie et le linter pour de multiples usages industriels.

Le poids du taux de change €/$ est l’autre problème des producteurs de coton des pays de la zone monétaire CFA. La force de l’euro réduit le revenu tiré du coton et on ne peut plus ignorer que le fermier africain de la zone CFA préfèrerait baigner dans des échanges « dollarisés » et vendre son coton à 70 cents$ comme ses voisins gambien, ghanéen, nigérian ou tanzanien au lieu de 46 cents€. Ceci explique largement la meilleure santé des sociétés cotonnières de ces pays par rapport à celles baignant dans la zone CFA.

Trois types de solutions existent.
Diplomatique. L’arrêt des subventions dans les pays développés permettra une remontée des cours.
Technique. L’autre possibilité consistera à copier les Chinois, Indiens, Américains, Pakistanais, Brésiliens et Sud-Africain qui tous sont passés au coton OGM. Une baisse des insecticides et une augmentation des rendements de 30 % sont attendues.
Politique. Jusqu’au milieu des années 80 les pays africains utilisaient des Caisses de Stabilisations des Matières Premières (CSMP) pour garantir un revenu aux fermiers. Elles recevaient 45 % à 75 % des recettes et investissaient les excédents dans l’immobilier et le développement. Cette assurance participait au développement.

A cette époque, les Ajustements Structurels avaient pour conséquence de dissoudre ces CSMP. Aujourd’hui, 25 ans après, les mêmes autorités financières supranationales demandent la constitution de « fonds de lissage » permettant de garantir des revenus minimum pour les agriculteurs. Entre temps la production africaine s’est écroulée à 500Kt en 2008-2009.

Enfin, dernière possibilité, une gestion locale de la politique monétaire et des taux de changes avec un franc CFA basé sur un panier de devises. Pour quelques arpents de coton ?
Publié dans Les Échos le 16 11 2009