Trump et les pitreries de la guerre des métaux

In Les Échos le 07 03 2018

Machiavel nous aide à tirer profit des guerres absurdes.

“Guerre des métaux” d’ignorants qui font écho à Hugo : « L’ignorance est une réalité dont on se nourrit ; la science est une réalité dont on jeûne. Être un savant et maigrir ; brouter, et être un âne un peu partout. »

“Guerre des métaux” d’ignorants qui ne sera pas gagnée parce que Dostoïevski nous a enseigné l’effet d’une mauvaise réforme: « Voilà ce que c’est que des réformes sur un terrain non préparé, et par surcroît copiées sur les institutions des autres, c’est pur préjudice. »

L’ignorant et les néophytes.

Le nationalisme économique c’est la guerre économique, puis cela peut devenir la guerre tout court.

Puisque continuellement quelqu’un la prépare, la guerre n’est jamais une surprise et la rétroprojection historique démontre toujours le pas-à-pas, le pourquoi et le comment.

« Une guerre commerciale est bonne et facile à gagner » dit le président américain ; il ajoute « sans acier ni aluminium votre pays n’est pas le même ».

La guerre commerciale des métaux non rares connaît ce nouvel épisode. Est-ce une singerie de faire avancer ses tanks tarifaires dans ce conflit de l’acier et de l’aluminium ? Tout comme est-ce une pitrerie de faire avancer un palimpseste dyslexique dans une bataille imaginaire des métaux stratégiques. Singeries, pitreries, les deux mêmes facettes des demi-habiles à la mode de Pascal véhiculent erreurs, approximations et caricatures : c’est l’ignorance célébrée chez les néophytes.

Pour qui seront préjudiciables les mesures tarifaires sur l’acier et l’aluminium ordonnées par le président Trump ?

Aux États-Unis, les importations d’acier sont faibles dans les qualités d’acier disposant de capacités de production disponibles. Pour l’aluminium les États-Unis sont un nain aussi bien dans la production que la consommation. Mais pas dans la transformation qui est une source d’importantes exportations. Un tarif douanier plus élevé ne peut avoir que des conséquences néfastes sur ces emplois exportateurs de produits « made in USA ».

Dans les deux cas, les quantités en jeu ne justifient nullement de nouveaux investissements, les barrières tarifaires n’engendreront donc que peu d’emplois nouveaux, bien au contraire. D’ailleurs qui construirait une aciérie ou une fonderie d’aluminium sur la seule incitation fragile d’une guerre tarifaire ? Personne ! Donc les importations étatsuniennes d’acier et d’aluminium en provenance du Canada, du Mexique, d’Asie et d’Europe perdureront. Mais elles seront accompagnées d’une inflation démesurée. En conséquence, c’est bien l’industrie transformatrice de Washington qui en sera fragilisée dans la construction automobile, les emballages pour boisson, la construction….

À un problème non résolu dans la production d’acier et d’aluminium, le Président Trump ajoute un nouveau problème dans la transformation. Au final les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium bruts tueront probablement des emplois dans l’industrie transformatrice ; à l’avenir les États-Unis importeront ces produits.

L’ignorant et les néophytes, mais revenons au préjudice de Dostoïevski. Les États-Unis et leurs alliés (devrons-nous dire un jour anciens alliés ?) seront les victimes du préjudice et l’un des bénéficiaires risque bien d’être le métal jaune, l’or.

En effet, chacun sourit à l’idée que les contre-mesures européennes, russes ou chinoises frappent les exportations étatsuniennes d’amandes, de bourbon, de jeans, de moto, de tee-shirts, de pieds de poulet, de soja (là on rigole moins), de pommes, d’airelles, de vin … Mais à l’inverse d’un séisme volcanique et de ses répliques décroissantes, le séisme initial du président Trump risque d’être accompagné de répliques aux amplitudes croissantes se terminant par des contraintes sur les flux monétaires et d’inflation. Auront-elles in fine des impacts sur les placements d’investisseurs en mal de nationalisme économique, c’est-à-dire sur les bons du Trésor des États-Unis. Dans ce cas c’est l’or qui en en bénéficiera.

Faut-il pour autant s’éloigner des États-Unis ? Probablement non.

Entre autres choses, Machiavel nous décrit le peu de temps qu’il reste au prince coupé de son peuple et de ses alliées. Nombreux sont aux États-Unis les gens raisonnables qui n’agitent pas les mots guerre des métaux à chaque petit-déjeuner, il faudra bien les aider à se sauver avant que leur monde ne s’écroule.