Après l’or, toutes les ressources naturelles industrielles(énergie, minéraux, agriculture) demandent de l’intelligence économique (observer, décider, prévoir). Une mise à jour.
Les montants investis dans les produits structurés de métaux précieux (entre 100 et 150 milliards$) sont placés dans l’or, l’argent (qui rattrape un retard illustré dans le ratio or/argent) et le platine et le palladium sont historiquement plus faibles.
Gageons que le premier signal de sortie de notre crise mondiale en W (type Cassiopée avec une branche gauche plus basse que la droite, un mini double creux) était l’affaissement de l’or cette été, mais cette fuite des monnaies vers l’or était une idée en appelant une autre, d’une façon presque fractale. En effet, Les produits structurés consacrés aux autres matières premières (énergies, minéraux, agricultures) ont absorbé environ 250 milliards$. Très peu au regard des marches globaux mais beaucoup pour des marchés parfois très étroits.
C’est un retour en arrière et un jeu dangereux aux dimensions potentiellement infinies dans le cadre d’une population mondiale croissante. Loin de vouloir jouer au catastrophisme ambiant qui s’empare aussi vite des scénarii des films que des esprits des analystes, l’idée importante qui émerge derrière l’inflation des prix des matières est la nécessité d’un peu d’intelligence économique dans une réflexion sur les ressources naturelles.
L’intelligence économique offensive est consubstantielle au trading des matières car l’exploitation d’informations privilégiées n’est pas un délit lorsque vous prenez une position sur le palladium, sur le gaz naturel, le blé ou bien sur le caoutchouc… Elle a été créée par le négoce des matières premières, vous ne le pensez pas ?
Demandez aux spéculateurs romains sur le blé égyptien, aux importateurs vénitiens d’épices asiatiques, aux hollandais de la Compagnie des Indes, aux riziculteurs japonais de l’ère Tokugawa et son premier marché à terme mondial, aux négociants français, aux marchands anglais… et aujourd’hui aux ADM, Bunge, Cargill, Dreyfus, Vitol, Glencore, Trafigura, Noble, Itochu, Marubeni, Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo.
Demandez aux cinq meilleures banques au monde qui disposent de cette accroche au trading physique des ressources naturelles. Elles sont propriétaires d’excellents actifs, de moyens de transport (gazoduc, oléoduc, tankers…), de réseaux de stockage et commerciaux de métaux, de silos à grains, de fermes, de centrales électriques.
Rien ne vaut ce cocktail « information – physique – finance ». A chaque étape ces acteurs recueillent des informations, des renseignements privilégiés, de l’intelligence économique terrain, du renseignement humain sur les toutes nouvelles tendances émergentes. Chaque étape correspond à un marché et chaque information y sera exploitée bien avant les concurrents.
A l’inverse l’industriel, sauf exception, est généralement inactif lorsqu’il réfléchit aux matières et se contente du prix. Les entreprises qui ne prêtent pas garde à ses défis laissent les fournisseurs de rang 1 ou 2 se charger de la gestion de ces risques arguant qu’en cas de pénurie les pénalités inscrites au contrat rembourseront la perte d’exploitation. A voir.
En ce qui concerne les nations, des gouvernants plus que d’autres sont rentrés dans ce processus d’intelligence économique offensive. Notamment les pays producteurs et au moins deux grands pays consommateurs.
En effet, les relations d’Etats producteurs à Etats consommateurs ne sont plus des relations de marchés de matières mais de souveraineté. Pour les premiers, de souveraineté sur un sol ou bien un sous-sol et des stratégies de puissances qui y sont associées. Pour les seconds, de souveraineté sur une industrie, sur le développement de filières et des stratégies d’influences qui y sont associées.
Prenez par exemple un pays qui n’a pas encore atteint le taux de 50% de population citadine et qu’il décide comme objectif stratégique de le porter à 70-80%. Mettez vous un instant à sa place lorsqu’il doit gérer 8 – 10% de croissance annuelle alors que les pays développés sont en négatif depuis deux ans. Il décide de construire des villes et banlieues verticales plutôt qu’horizontales sinon comment nourrir sa population de manière durable s’il empiète sur les terres cultivables proches des villes. Puis il regarde les matières dont il dispose chez lui ; il évalue ce que ses voisins accepteront de lui vendre ou d’échanger tout en constituant des stocks stratégiques lorsque les prix des matières s’écroulent comme en 2008 ; cependant il doit faire face à la première bulle immobilière de son histoire, trouver un remplaçant à la pièce maîtresse du ciment social, le logement, maintenant que les jeux olympiques et l’exposition universelle sont derrière lui et que le défi de l’espace n’a pas encore pris le relais à pleine puissance. Cela sera le développement de l’intérieur du pays.
Puis ce pays se renseigne sur l’état des marchés et rapidement il s’aperçoit que nourrir sa population restera un problème d’autant plus que le premier fabricant de potasse au monde risque de se faire absorber par l’un de ceux qui lui tord déjà le bras dans le minerais de fer ; qu’il est en compétition pour devenir le premier consommateur de métaux industriels et de construction ; qu’il est déjà presque le premier consommateur d’énergie fossile, autosuffisant dans l’une, très polluante, mais pas dans les autres ; qu’il est très tenté par l’uranium, l’hydrogène ; qu’il prend des mesures de rétorsion sur l’exportation de terres rares, c’est la matière de son avenir, car il paye cher l’accès à d’autres matières à l’étranger. Ultime perspective, la stabilité du pays doit à tout prix être conservée au cours de cette grande mutation. Vaste programme.
Mais le pire, c’est qu’il n’est plus seul dans cette course. D’autre pays partagent la même vision stratégique des matières premières. Selon ces derniers voici quelques fondamentaux des marchés :
Les ressources naturelles nationales de subsistance permettent l’autosuffisance, nous les considérons comme secondaires mais d’autres pays nous envient car chez eux elles y sont insuffisantes. Notre agriculture est mal à l’aise car les prix du lait notamment sont défavorables et soudainement, tandis qu’un important pays producteur de blé impose un embargo sur l’exportation de ses récoltes après un désastre climatique cet été l’apparition d’une bulle spéculative sur les denrées alimentaires déstabilise des pays importateurs à nos portes. Des pays d’Asie nomment des coordinateurs nationaux matières premières et ils louent des terres agricoles en Afrique. Justement, l’Afrique se réveille et bientôt elle consommera ses richesses plutôt que de les exporter. Nos ressources halieutiques ne sont pas encore recensées que des bateaux étrangers les épuisent déjà ; bien que le marché international de l’eau ne se soit pas sérieusement mis en place l’équilibre entre les agricultures vivrière, industrielle et énergétique perturbent les attributions.
Des voisins développés protègent l’accès à d’anciens minéraux – fer, charbon, nickel, cuivre…- tandis que d’autres nations en développement affermissent des postures d’exportateurs intransigeants des matières du futur – terres rares, lithium… Justement un pays riche des ces matières les cède de manière exclusive à un fonds souverain étranger et perturbe l’avenir de nos industries. De même un pays paisible devient instable et des approvisionnement stratégiques en sont perturbés ; un embargo est imposé par le premier producteur mondial sur des composants essentiels des futures voitures électriques. Pour raison d’Etat l’exploitation minière devient interdite aux mineurs étrangers ; les géologues nous informent que les découvertes de grands gisements de minéraux sont terminées, les plus riches et plus faciles sont déjà connus, exploités voire épuisés et partout les coûts de production miniers se sont envolés. Les vols de métaux dans les entreprises ou sur les voies ferrées se multiplient. Nos stocks stratégiques énergétiques sont bons mais la situation de voisins fait frémir car récemment le flux import – export d’énergies entre eux sont mises à mal par des nouveaux venus.
Les grandes sociétés de commerce qui fonctionnent à l’intelligence sont toutes étrangères. Nos derniers prévisionnistes experts sont retraités, nos énergéticiens sont présents et à jour mais nos géologues, nos mineurs expérimentés ont disparu. Nos alliances politiques imposent des restrictions de nos mouvements ; ce qui est stratégique pour nous ne l’est pas nécessairement pour l’autre et vice versa…
Bref, nous sommes dans le Grand Jeu des ressources Nouvelle Génération et nous n’y prêtons pas garde.