Il existe trois réponses aux problèmes posés par l’accès aux ressources stratégiques.
– L’Allemagne se mobilise au cours du mois
d’avril 2010 (gouvernement Merkel 2) en créant au BMWI (le Minefi
allemand) dans le BGR – l’institut fédéral des géosciences et des
ressources naturelles (un grand BRGM français lorsqu’il était au zénith
et avant qu’il ne soit accablé) une agence des matières premières
stratégiques, la Rohstoffagentur.
Elle a pour mission de répondre à la stratégie nationale
d’approvisionnement en matières stratégiques et les entreprises
allemandes – souvent des PME-PMI – réclament et obtiennent un appui
politique et d’accompagnement.
Les intérêts économiques qui la conduisent sont liés à des profils
d’emploi clairement défini : action politique et économique, plate-forme
d’information centralisée, conseils d’experts, réservoir de
connaissances pour les métaux de haute technologie tels que : terres
rares, germanium, titane, cobalt, lithium, rhénium…
– La deuxième réponse concerne l’approvisionnement. En Allemagne, ce n’est pas le rôle de la Rohstoffagentur car le tissu industriel et commercial s’en occupe. En revanche, c’est une société de négoce étatique nouvellement créée qui s’occupe de l’indépendance de denrées stratégiques à Abou Dhabi (Abu Dhabi Sources). En effet, il y a quelques semaines, cet émirat lançait sa société de trading nationale. Elle souhaite préparer une réponse aux besoins en nourriture et en métaux en cas de blocage du détroit d’Ormouz, si un conflit se déclarait dans la région.
– La troisième réponse recoupe la notion de stock stratégique.
La Chine est une « agence des matières premières géante », pas moins de
deux entités concentrent des moyens sur les ressources stratégiques au
sein de la commission de la réforme et du développement national.
De son coté, le Bureau national de la réserve stratégique anticipe
les besoins et amortit les chocs. Il achetait de nombreuses matières
lorsqu’elles étaient bon marché en 2008-2009 (cuivre, aluminium, zinc,
indium, titane) et il en revend en période de tension. Cette année il
vend du zinc, du magnésium, du maïs, du coton, du sucre, de la pâte à
papier et de l’aluminium. Il veut stabiliser les cours du pétrole, du
blé, du coton, du sucre, du riz et autres matières agricoles.
Sauf erreur de ma part, à ce jour, à aucun moment la réserve stratégique ne revendait du cuivre…
Ce qui est stratégique pour nous ne l’est pas nécessairement pour
d’autres et vice-versa. Et, je ne parlerai pas du stock du Japon.
Permettez-moi ici une légère digression. La
Rohstoffagentur précise que les risques d’approvisionnement des métaux
de haute technologie sont souvent plus élevés que pour les ressources
énergétiques comme le pétrole et le gaz.
En effet, je crois aussi que le pétrole est un sujet déjà très largement
balisé et un thème captant moins l’attention. L’OPEP et les sociétés
étatiques des pays non-OPEP réglementent et anesthésient le contexte.
Comme l’illustre l’exclusivité accordée à Petrobras sur les nouveaux
champs pétroliers au large du Brésil (un nouveau « Golfe du Mexique »),
la production d’hydrocarbures est l’affaire de sociétés pétrolières
nationales dominantes et les multinationales privées sont marginalisées.
De ce point de vue, le gaz est plus vivant, comme le démontre l’effervescence autour des gaz de schistes.
Mais revenons à l’Allemagne et aussi la France. En résumé, la Rohstoffagentur est créée au cœur des filières industrielles et, faut-il le rappeler, celles-ci commencent par la transformation d’une matière qu’il faut avoir en main. Les entreprises françaises, comme les allemandes, souvent d’une taille moyenne, voient leurs exportations handicapées par un accès difficile aux ressources stratégiques.
Pourtant, il y a longtemps, en France, nous disposions des trois réponses décrites ci-dessus. Mais des abandons, parfois désespérants, avaient lieu aussi bien dans le secteur privé (Péchiney, les métaux stratégiques du Comptoir Lyon Alemand Louyot, Arcelor, Pennaroya) que dans le secteur public (Caisse française des matières premières, Girm, BRGM, Coframines, DGEMP).
Il y a quelques mois, l’Etat communiquait autour de la création d’un Comité pour les Métaux Stratégiques (Comes). Sa mission ? Renforcer la sécurité d’approvisionnement nécessaire à la compétitivité durable de l’économique française. Ce comité n’a pas encore réellement vu le jour et c’est heureux car l’une des idées pivots du Comes semble être le recyclage.
Certes, le thème de recycler des ressources dites stratégiques pour subvenir aux approvisionnements est louable et conserve la couleur filiale du Ministère de l’Environnement. Cependant, il atteint rapidement, et pour quelques temps encore, les limites naturelles d’une récupération de matières situées dans des applications récentes voire immatures. Quand recyclerons-nous les terres rares utilisées dans les éoliennes ou bien des voitures électriques ?
Quid du reste en France ?
Grâce au gouvernement Fillon 3, ce thème des ressources stratégiques est
passé sous l’autorité du Ministère de l’Industrie. Au même moment la
France parle de manière positive de l’industrie minière. Il est à
espérer que nos dispositifs administratifs, industriels et miniers
transmutent intensément et qu’ils adopteront un format pragmatique.
Le marché ne fait pas tout et, en effet, des pays ont décidé d’agir. La France ne veut pas subir mais agir, l’administration et l’industrie souhaitent identifier les domaines en difficultés et sont désireuses de diagnostics communs et d’actions collectives. Mais, le temps presse car des compétences inexploitées ne sont certainement pas aux bons endroits et d’autres disparaissent