Tels des fantômes, de temps à autre des ressources naturelles reviennent inopinément apporter un message. C’est le cas du manganèse, un marché qui n’intéressera que les spécialistes. La production est dominée par l’Afrique du Sud, la Chine, l’Australie et le Gabon. La consommation est monovalente, à hauteur de 90 % dans la sidérurgie et sa proportion dans l’acier varie en général de 0,05 % à 2 % avec quelques exceptions proches de 9 % à 10 %.
Après un zénith des prix à plus de 18 $ en 2008, la dernière apparition spectrale du manganèse en 2015 anticipait un nadir des prix proche des 1,74 $. Comprenant le message la production minière énurétique s’autodisciplinait ; le leader mondial sud-africain réduisait sa production de sorte que l’année 2016 fut un feu d’artifice.
En effet, côté prix, ce cercle vertueux dérapa en démesure. Oubliant les 1,74 $, en quelques mois les prix furent multipliés par plus de 4 et retournèrent en 2016 aux niveaux de 2010, proches de 9 $. De tels excès peuvent précéder une future courbe des prix du manganèse similaire à celles d’autres composants de l’acier qui connurent un tel moment de gloire avant de s’enfoncer dans les feux de l’enfer. Ce plan est à l’œuvre pour le nickel. De fait, en 2017 les prix du manganèse ont d’ores et déjà diminué de plus de 40 %. Trois facteurs jouent en sa défaveur : le progrès technique diminue les volumes unitaires dans les aciers, la production sidérurgique perd de sa vigueur et les stocks sont actuellement à de hauts niveaux.
Comment faire pour ne pas tout perdre une nouvelle fois ? Le manganèse présente l’atout de s’être déjà discipliné en 2015, mais une contraction de la production en mode bis repetita deux ans plus tard, si elle devenait nécessaire, serait-elle possible sans aggraver la situation de sociétés fragilisées ? Cette stratégie peut s’équilibrer dans un portefeuille d’activités à connaissant des marchés prospères, tel celui du zinc ? Mais dans le cas contraire cela sera un mauvais signe de constater que plus on réfléchit au sujet plus les idées s’obscurcissent, car une solution est toujours là. C’est également un mauvais signal que le prix du minerai de fer ne soit plus une boussole pour le prix du manganèse. Faudrait-il regarder du côté des coûts aux avant-postes des prix marginaux ? Les routiers du Kalahari ou d’autres acteurs ?
En outre, la répétition d’une tactique de production malthusienne ferait cette fois face aux traders de manganèse. Ils eurent les mains brûlées en 2016, leurs stocks non seulement sont élevés, mais ils ont probablement une valeur éloignée des prix actuels et contiennent in pectore d’importantes moins-values. Ils ne laisseront pas passer l’occasion de se refaire ou se défaire. Dans les deux cas, c’est mauvais pour l’industrie.
En réunion à Miami la profession est face au sourire de l’alligator.
Publié dans Les Échos le 02 06 2017