Je me souviens
du président d’une banque française, qui vient de terminer son mandat,
me déclarer lapidairement : le trader est un joueur de PMU farci de
dérivées mais sans l’éducation du Gentleman d’Epsom. Ambiance.
La lecture d’une dépêche Reuters sur les résultats d’une banque
française me rappelait aussi que la profession de trader n’était pas
historique – comprenez qu’elle ne fabrique pas l’histoire. Toutefois,
certains travaillent dans des banques s’inspirant du négoce et lui il
fabrique des dynasties. Pourquoi ces dernières sont-elles les meilleurs
établissements sinon parce qu’elles gèrent mieux l’information ?
Il y a les traders sur métaux avec une élite
dans les platinoïdes et une super élite pour les opérateurs rhodium, une
caste dans l’or, des malins dans l’argent et le gros de la troupe dans
les métaux de base. La tradition pendant le dîner du LME n’est-elle pas
de traîter table par table des options sur la durée du discours ? Le
trader sur cuivre a le côté médo de la couleur rouge du métal ; celui du nickel est plus lues ; celui de l’aluminium a une tessiture franchement psore (voir l’edito).
Ceux qui traitent les métaux mineurs (béryllium, titane, germanium,
indium, rhénium…) sont attachants car ils fonctionnent sur l’humain.
Dans l’énergie, le trader pétrole a écrit l’histoire du monde… plusieurs
fois ; celui du gaz est placide tandis que celui de l’électricité est
abstrait comme son produit.
Les traders honnêtes reconnaissent avoir de la chance avant les
autres, ou bien n’avoir pas été assez rapides lorsqu’ils perdaient. Rien
ne remplace la rigueur des principes et trouver, comprendre avant les
autres la bonne information. Ecumez pendant des années les platinum weeks, les gold weeks , les LME weeks, les IPE weeks et vous apprécierez les nuances.
Une autre caractéristique n’est-elle pas que des traders ignorent quelques peu les fondamentaux des marchés commodities ? Lorsque tombe une nouvelle imprévue, aussitôt l’analyste commodities se trouve submergé de questions, de cris, de chats sur la signification de ces éléments. Une culture qui regroupait connaissances des matières et techniques financières a sans doute disparu dans certaines banques.
Pourtant, quelques banques disposent de cette accroche au monde réel, au trading physique des ressources naturelles. Cela n’a rien à voir avec des co-entreprises aux performances incertaines et à la qualité informative improbable entre établissements financiers et opérateurs industriels. Non, dans mon propos ces banques sont propriétaires d’excellents actifs, de moyens de transport (gazoduc, oléoduc, tankers…), de réseaux de stockage et commerciaux de métaux, de silos à grains, de fermes, de centrales électriques. Rien ne vaut ce cocktail physique-finance, meilleur qu’une banque de réseau qui d’ailleurs ne sait pas comment l’interroger… son réseau.
Ces banques, par exemple, aident une mine de charbon ou un champ de gaz, elles en achètent la production, elles la transportent pour fournir leurs centrales puis elles commercialiseront leur électricité. A chaque étape elles recueillent des informations, des renseignements privilégiés, de l’intelligence économique terrain, du renseignement humain sur les toutes nouvelles tendances émergentes. Chaque étape correspond à un marché et chaque information y sera exploitée bien avant les concurrents. Au final elles participeront plus agréablement aux marchés que d’autres. Qui sont-elles ? Tout simplement les cinq banques les plus adulées au monde.
Publié dans Les Échos le 24 02 2010