La production et la consommation d’aluminium sont en pleine santé, cela n’est pas reflété par les prix qui restent sous les menaces des stocks, du contango, du redémarrage des capacités sous cocon et des exportations chinoises.
A 54 Mt d’aluminium en 2014 le marché a doublé depuis les 25 Mt de 2000. Plus d’un million de tonnes par semaine. D’ici à 2020 la production mondiale atteindra les 70Mt
La Chine domine la production. Elle dispose de plus de 50% des
capacités mondiales, elle ajoutait une capacité additionnelle de 2.4 Mt
en 2014. En deuxième position vient le Golfe qui ajoutait lui aussi 1
Mt. En dehors de ces deux pôles de croissance toutes les autres régions
du monde réduisent leur production avec des niveaux au plus bas depuis
20 ans.
Ces grandes variations ont provoquées des mises sous cocon d’usines à
hauteur d’environ 6 millions de tonnes. Une moitié est répartie entre
l’Afrique, l’Europe et les Amériques, l’autre moitié correspond
d’anciennes et coûteuses usines Chinoises. Cependant les unes comme les
autres redémarreront si l’embellie des prix de 2014 se confirmait en
2015. Comment anticiper le redémarrage de telle ou telle usines ?
Comme toujours la réponse est dans l’électricité. La bauxite est
transformée par électrolyse en alumine et celle-ci en aluminium. Par
conséquent, chacun sait que l’aluminium est de l’électricité solide et
que moins celle-ci est onéreuse plus le coût de l’aluminium est
avantageux. En moyenne, le coût de fabrication de l’alumine est à 30%
bauxite et 37% électricité, à son tour l’aluminium est à 36% alumine et
35% électricité. Notons que l’importation de bauxite indonésien en Chine
a cessé depuis l’embargo décrété par en janvier 2014, et l’Australie
est devenu le premier exportateur de bauxite vers la Chine suivit de la
Malaisie et l’Inde. En moyenne la bauxite importée représente 30% à 40%
des besoins chinois.
La production d’aluminium ne se marie pas avec une électricité chère ou
trop intermittente. Le coût de l’électricité brésilienne est en hausse
car l’eau manque dans les barrages cette année ; en Allemagne
l’intermittence électrique permet de spéculer : un producteur transforme
ses fours à électrolyse d’alumine en batteries géantes lorsque
l’électricité climatique y est gratuite (en cas de grands vents ou de
canicules l’été) puis il revendra 90% de cette électricité quelques
jours plus tard aux ménages lorsque les prix auront remonté. Cela est-il
un nouveau concept industriel : produire de l’aluminium par
intermittence… en fonction de la météo ?
A l’opposé, l’électricité russe de Rusal est moins coûteuse et est
accompagnée par la baisse du rouble ; l’électricité du Golfe produite à
partir du pétrole est un avantage incontestable ; l’électricité indienne
produite à partir du charbon local permet une hausse de la production
indienne ; les producteurs d’aluminium chinois ont à hauteur de 60% des
centrales électriques intégrées fonctionnant au charbon dont le prix est
en baisse, ou bien ils bénéficient de contrats sans intermédiaire et
avantageux avec les électriciens extérieurs tels que l’hydroélectricité
du Yunnan.
En résumé, là où l’électricité est bon marché la production d’aluminium
augmente et inversement. Aux Etats-Unis, lorsque l’offre américaine
était en baisse mais la demande est en hausse, cette dernière était
comblée par le Brésil. Mais si les réservoirs sont au plus bas en
Amazonie, qui fournira les avionneurs ou constructeurs d’automobile
américains ? Celui qui aura l’électricité la moins couteuse : Saint Jean
de Maurienne, l’usine de Rusal à Sayanogorsk ou bien Weiqiao Aluminium
en Chine? En France, une transition énergétique coûteuse sera-t-elle un
problème pour l’emploi ?
Côté consommation, en Chine les 80 milliards d’euros d’investissement
du plan 2013-2020 de construction des 27 lignes ultra haute tension
nécessiteront 94 000 km de câbles aluminium à âme d’acier ou âme
composite d’une capacité d’environ 460 GW. Les plans d’infrastructure
chinois transfrontaliers du type « route de la soie » seront également
favorables à l’aluminium par exemple les lignes UHT avec la Mongolie,
la Russie, le Kazakhstan et le Pakistan, ou bien le chemin de fer
intérieur et transfrontalier. En dehors de Chine la demande reste
robuste en Inde pour les infrastructures et l’automobile mais également
dans le Golfe et aux Etats-Unis, Rusal envisage plus de 3%.
Forte demande, offre dynamique et cependant les prix de l’aluminium baissent pour trois raisons. Les stocks baissent, notamment ceux du LME parce que la nouvelle règlementation accroit considérablement la rapidité des sorties d’entrepôts ; les opérations financières sont déconstruites car le contango est moins avantageux ; les exportations chinoises sont croissantes et dérangeront davantage, dès que la taxe frappant les exportations à hauteur de 15% sera éliminée.
Publié dans Les Échos le 18 03 2015