Depuis quelques semaines une chose m’échappait. Pourquoi le prix du minerai de fer destination Chine est-il toujours aussi ferme voire augmente alors que le prix de l’acier chinois destiné à l’exportation est aussi faible voire baisse ? Est-ce encore l’une des conséquences de la bulle du dollar ou bien une histoire de stock ?
Importations de minerai de fer en Chine – source Reuters
Selon Reuters, les importations de minerai de fer en Chine sont en hausse en 2009. Prix spot du minerai fer – source Reuters
Les prix spot du minerai, qui étaient hauts et stables fin octobre et s’apprécient de 10% vers les 100$/t début novembre. Minerai de fer et bandes acier – source Reuters
Ces prix ne sont plus corrélés notamment avec ceux des bandes d’acier laminées à chaud chinoises destinées à l’exportation toujours sous les 500$/t, en baisse de 10% par rapport au début 2009.
L’explication n’est pas à chercher dans les prix de l’acier qui évoluent en ce moment en fonction des surcapacités chinoises tant que les économies des pays de l’OCDE n’ont pas redémarré. L’astuce réside dans le stockage et dans le désormais bien connu investissement dans les matières premières.
Non content d’avoir phagocyté l’or, au
désespoir de l’industrie bijoutière, les vendeurs de dollars
investissent dans le cycle physique des métaux. Comment ?
Depuis cet été de nouvelles zones d’entreposage asiatiques
dédiées aux minéraux sont en concurrence notamment avec celles du London
Metal Exchange (LME) qui sont, étaient, la zone d’emmagasinage
des métaux de non ferreux des situations désespérées, le dernier
recours. Ce n’est plus le cas.
En effet, le propriétaire de ces nouvelles
zones de stockage offre des prix inférieurs à celui des entrepôts du LME
et il dispose d’un nouveau revenu.
L’investisseur y stocke un actif « réel, physique », contrariant du
dollar, sans nécessité de le consommer dans l’immédiat. Il a un coût
compétitif par rapport au portage de sa position en contango jusqu’au
moment ou il cèdera son actif au consommateur. Il s’est créé son ETF
personnalisé. Cette nouvelle demande non industrielle permet aux
producteurs de métaux de produire plus que ce que les fondamentaux
n’exigent. Aux faiseurs de liquidité de favoriser une hausse des prix –
ou bien de les soutenir- tout en sachant que si ces quantités ne sont
pas dans leurs livres « marchés » elles sont disponibles dans ces sortes
de SPV (« special purpose vehicules »).
Cette nouvelle possibilité a trouvé une place originale et, en dehors du fer qui n’est pas coté au LME, les métaux cotés tels que le zinc, le nickel, ou le cuivre y trouvent une place hors marché.
Quel est l’avenir de ce contournement ? Tentons deux anticipations.
Concernant le minerai de fer, les négociations annuelles entre consommateurs chinois et mineurs australiens et brésiliens sont en cours ; les seconds demandent une hausse des prix de 33%, les premiers envisagent peut-être une petite hausse. Les stocks chinois sont aussi un moyen de pression, une possibilité de faire durer cette négociation un peu plus longtemps.
Pour les autres métaux, la valeur du dollar et la quantité de monnaie disponible dirigent tout. Le plan de retrait des banques centrales n’interviendra qu’au moment d’une reprise sérieuse de l’économie réelle et il n’affectera probablement pas de manière uniforme tout les pays ni tous les établissements de crédits. Mais dès qu’une restriction viendra tendre les taux d’intérêts cet édifice sera en péril sans toutefois signifier une baisse mécanique du prix des matières. En effet, une sorte de relais est en place entre le spéculatif d’aujourd’hui et la demande industrielle de demain. Le prix de transfert entre ces deux mondes sera déterminant.
Publié dans Les Échos le 10 11 2009