In La Tribune 30/08/2021
L’orgueil écologique veut implanter des champs d’éoliennes sur les façades maritimes françaises. N’en parlons pas.
Il engendre un labourage des fonds marins, des bouleversements de la faune et de la flore marines, des tragédies humaines dans les populations qui vivent de la mer. N’en discutons pas.
N’évoquons pas non plus la concertation, les études d’impact, le rendement laborieux de ces usines électriques éoliennes qu’il soit exprimé en euros ou bien en quantité de métaux utilisés par KWh.
Ne parlons pas non plus ni des potentielles compromissions politico-mafieuses et encore moins, par solidarité, des désastres visuels des éoliennes terrestres.
Rien de tout cela. Interrogeons-nous simplement si Iberdrola n’est pas en train de faire la même erreur qu’Areva ?
Le sous-sol marin est Terra Incognita
Chacun se souvient du désastre d’Uramin. Des propriétés minières achetées par Areva à prix d’or en 2007, alors que l’entreprise restait sourde aux avertissements de ses propres géologues qui lui disaient qu’aucun uranium économiquement exploitable n’en sortirait. Par la suite, elle investissait dans des procédés, des infrastructures et, en Namibie, dans une usine de production d’eau douce à partir d’eau de mer. Résultat, Areva a disparu.
Le sous-sol marin est Terra Incognita. Forer le sous-sol de la baie de Saint-Brieuc pour y planter des éoliennes sur un tripode, c’est percer avec précision mais dans l’inconnu 196 trous de 3 mètres de diamètre et 40 mètres de profondeur, trois pour chacune des 62 éoliennes.
Sans surprise, il semble que les forages d’Iberdrola rencontrent de manière inattendue des boulets de dolérite. Cette roche magmatique qui aura souvent refroidi sous une couche de granite dispose d’un coefficient de Los Angeles élevé, témoignant d’une grande résistance aux chocs et aux frottements.
Cette caractéristique est, par exemple, idéale pour stabiliser les ballasts de chemin de fer. La roche y encaissera mieux que d’autres les chocs répétés créés par les passages de trains. Ici, la résistance à l’érosion de la dolérite est un gage de sécurité, mais elle est un sérieux problème lorsqu’un trépan doit la transpercer.
La confrontation entre la dolérite et le système de forage d’Iberdrola a donc jusqu’à présent penché en faveur de la première avec pour conséquence deux fuites d’huile du second. C’est pourquoi, bien que les données soient encore incomplètes au large de Saint-Quay-Portrieux, Erquy et du Cap Fréhel, le navire d’Iberdrola est en échec : aucun tripode n’est viable, l’entreprise est en retard, quelques éoliennes seront peut-être un jour installées, mais probablement jamais les 62 prévues, financièrement le projet n’est donc plus sain.
On ne fait pas de trou dans le granit
Areva échoua parce que les gisements d’Uramin étaient pauvres et qu’elle fut imprudente de ne pas écouter la nature au travers des alertes de ses géologues maison.
Face au risque géologique inverse, une richesse de dolérite en baie de Saint-Brieuc, qu’on dit les géologues d’Iberdrola de la présence de ce taxon magmatique coriace, résistant et diffus ? Que révélaient les repérages qu’imposaient la prudence et les sondages préalables
Afin d’éviter le spectre d’une catastrophe industrielle à la Areva, Iberdrola devrait méditer l’ancien dicton breton : « on ne fait pas de trou dans le granit », surtout si la dolérite est dessous; et commencer à ouvrir des portes de sortie.