J’ai fait un songe.
J’étais sur la rive droite du Pactole lorsqu’une grande vague (masse monétaire) arriva, chargée de gens (investisseurs) surnageant avec difficulté, les bras chargés de lingots d’or.
Ils flottaient vers une grande chute d’eau et là, les premiers nageurs, qui parlaient la langue du forum de Boursorama avec un fort accent du Midwest, arrivaient à s’échapper rive gauche les bras chargés en marchant sur un gué de pierres fragiles en bordure du vide (le moment de vendre). Mais au fur et à mesure, ce passage s’écroulait et les suivants, parlant des langues plus gréco-latines, devaient ou bien sombrer avec leurs lingots dans l’immense cataracte ou bien les lâcher dans le vide pour se rattraper aux branches qui la surplombaient (là on n’a plus rien). Aucun ne choisissait de chuter dans le vide ; après une telle chute, impossible de rester en vie et de récupérer son or et celui de ses camarades.
En remontant le fleuve, j’arrivais à une immense mine. Le filon de plus en plus mince était disputé par de petits investisseurs qui continuaient de plonger dans cette vague chargés du précieux, et de dignitaires (banques centrales) chargeant des bateaux qui restaient à quai, immobiles. Sur le coté, des bijoutiers désœuvrés regardaient ce spectacle l’œil amer. Soudain, un groupe d’autorités surgissant d’une immense jonque rentra dans une conversation animée avec les propriétaires des autres bateaux à propos de la valeur relative des précieuses cargaisons exprimées en différentes monnaies.
Redescendant le long fleuve soudain, je me vois rattrapé puis dépassé par un ami, vendeur à terme de son état, qui en courant emprunte résolument à pied un sentier escarpé, réservé, gardé et exclusif descendant vers le bas de la chute d’eau. C’est alors que je me remémore la phrase d’octobre dans Corrélations, le nickel et Cassiopée : « Si l’or est toujours aussi indomptable à l’heure ou vous lirez ces lignes, nous n’aurons pas totalement parcouru la ligature du W et nous rechuterons légèrement avant le rebond ». La ligature est elle derrière nous ? Est-ce le moment du vrai rebond ?
Une chose est certaine l’or est ennuyeux exprimé en euro, de plus en plus amusant en dollar et très bientôt passionnant en yuan.
Publié dans Les Échos le 5 12 2009