Comment entretenir la relation client quand il n’y a rien à proposer ? En travaux depuis trois ans, le palace parisien a proposé une réponse originale en ouvrant son chantier à quelques privilégiés. Récit.
Depuis combien de temps n’êtes-vous pas retourné au Ritz Paris, 15 place Vendôme à Paris ? La question est provocante parce que l’établissement est en travaux depuis trois ans ; mais question intéressante car le « chantier interdit au public » combattait son inaccessibilité en ouvrant ses portes à quelques rares Centurions d’American Express la semaine dernière. Qu’avons-nous appris ?
La transfiguration du Ritz Paris sera au sens propre un cas d’école de l’industrie hôtelière. Bientôt chaque cours de management aura son étude de cas « Ritz Paris » sur des thèmes aussi divers que la relation client alors qu’il n’y a plus de produit à leur proposer ; dans le management de la communication avec ces clients fidèles alors qu’ils ne descendent plus Place Vendôme ; dans le management d’évènements marketing réguliers en dehors des murs, à travers le monde, par exemple sur les grandes lignes d’Air-France pour faire vivre l’esprit de la légende Ritz Paris ; toujours en l’absence des habitués, comment l’hébergement se sera-t-il reconverti dans les choix architecturaux, les couleurs, le mobilier, la connectique… en fonction de sa connaissances des clients ?
Un chantier hors norme
Cette étape d’enseignement est encore éloignée. Pour l’instant, le Ritz Paris est encore un chantier impénétrable au centre de Paris. Un chantier au budget secret et hors norme puisque sont à l’œuvre 800 constructeurs et artisans représentant 45 corps de métiers: du tailleur de pierre aux doreurs à la feuille d’or jusqu’aux experts en connectiques.
La porte tourniquet reliant la Place Vendôme au lobby reste l’entrée accueillante de l’hôtel, mais elle sera secondée par un passage souterrain et discret donnant sur le parking Vendôme. Il permet par exemple de rejoindre le spa : le Ritz Club. Celui-ci associe les bien-être d’équipements sportifs dernier cri, de la légendaire piscine ornée d’une nouvelle mosaïque ainsi que du nouvel espace Chanel unique au monde et dédié à l’art du soin.
Au rez-de-chaussée, l’ancienne célèbre galerie reliant le petit salon dédié à Proust au Bar Hemingway obéira au nouveau motto
du bâtiment, la lumière du soleil. La galerie a en effet trouvé ses
propres fenêtres sur le jardin à la française qui est redevenu un jardin
isolé des tables des restaurants et des salles de réception. Idéal pour
une conversation, un rendez-vous en marchant quelques pas, une
promenade au soleil entre buis et l’ombre des magnolias, il sera sans
aucun doute le lieu de la flânerie gratuite la plus coûteuse au monde.
Les étages, liés par un ascenseur «tube de verre » gravés aux motifs de la Colonne Vendôme, accueillent 142 chambres et suites dont 8 avec terrasses, contre 159 précédemment. Elles sont donc chacune plus spacieuses et nous en avons visité quelques-unes. Le décorum, le mobilier et les couleurs sont ceux de l’histoire de l’établissement. Dans les salles de bains agrandies et « au goût du jour », on retrouvera la robinetterie cygnes or et, rare à Paris, elles auront pour la plupart leurs fenêtres et la lumière naturelle. L’ensemble est connecté mais efficacement, pas besoin d’une demi-heure pour comprendre comment allumer la lampe de chevet : l’invisible connectique sera simple.
Si l’occasion se présente, n’hésitez pas à visiter l’immense suite Coco Chanel au 1er étage, au dernier étage la suite Opéra avec une vue à couper le souffle sur l’œuvre de Garnier, et, juste à côté, la suite Mansart et sa terrasse de 40 m² située sur le toit du bâtiment. Offrant une vue plongeante inégalable sur l’œuvre de Mansart, la Place Vendôme, elle regarde dans les yeux la Colonne éponyme.
Les restaurants
Si le Bar Vendôme fut également votre cantine sachez qu’il est agrandi
d’une verrière. L’Espadon, le plat favori de César Ritz, gagne enfin une
majestueuse entrée centrale et les repas y seront dirigés par le
célèbre et toujours souriant Philippe Cousseau. Les deux restaurants
seront équipés, tout comme le room service, des vaisselles historiques
du Ritz Paris élargies de 3 millions d’euros consacrés à une nouvelle
porcelaine de Haviland, de nouveaux verres de chez Riedel, de vermeil,
d’argenterie…
Au Ritz Paris, l’échanson est une femme, Estelle Touzet , qui vient de
terminer un inventaire d’une semaine de ses 40.000 bouteilles
entreposées secrètement pendant les 3 années de travaux. Certains
alcools remontent à 1815, comme le fameux cognac César Ritz. Nicolas
Sale, le silencieux Directeur des Cuisines, les étoiles parlent pour
lui, dispose d’une brigade de 120 personnes, cela n’est pas de trop pour
les restaurants, les bars, le room service ainsi que les réceptions et
les 9 salons de l’hôtel.
Femmes et hommes
Sur les 500 employés qui quittèrent le Ritz, la moitié confirmait qu’elle serait présente à la réouverture. Les autres auront trouvé d’autres situations en France et à l’étranger. Les recrutements ne sont donc pas terminés, près de 300 places sont à prendre et pour rejoindre la « légende » les candidats postulent en ligne sur le site internet de l’établissement ritzparis.com. Cette visite était le plaisir de retrouver des têtes connues sous d’autres ors, dans d’autres palaces…et pour certains d’entre eux, après plus de 30 ans d’expérience dans l’industrie hôtelière, c’est une première d’ouvrir ou de ré-ouvrir un établissement.
Justement, quand va-t-il rouvrir ? Les réservations sont déjà ouvertes et accessibles à partir de mars 2016, mais il n’est pas impossible que cela soit début février, la date exacte est encore secrète, de façon à éviter un mouvement de foule proche du Ministère de la Justice. Nul doute cependant que cela sera l’évènement planétaire du moment et l’équipe aux commandes du Ritz Paris subira son baptême du feu : consécration pour Philippe et l’Espadon, pour Estelle et la cave, pour Nicolas et la cuisine, pour Colin et les cocktails, mais surtout pour Anne et la communication, Stéphanie et le commercial, et Manfred, Laurent et Christian pour l’accueil et tout le reste dont l’invisible et l’indicible.
Ultimo, si de votre bureau Place Vendôme vous tutoyâtes vous aussi le regard de Napoléon, vous comprendrez que l’altitude de la terrasse de la suite Mansart permettra de vouvoyer son profil. C’est légitime : le Ritz Paris est mécène de la restauration de la Colonne Vendôme.