Russie-Ukraine : quelles solutions aux dépendances européennes ?

Pétrole et gaz

Les deux dépendances énergétiques européennes  en gaz et pétrole russes ne sont pas substituables à court terme compte tenu de leurs importances en Allemagne et en Europe Orientale.

Pour le pétrole, les négociations pour atténuer les sanctions  qui visent l’Iran et le Venezuela sont les solutions dont le coût politique peut être géré.

Pour le gaz la crise est en revanche gérable dès le prochain hiver en maximisant la part d’électricité engendrée par le lignite allemand et le charbon en Europe centrale. Cette « économie de guerre » pollue plus que l’énergie de paix, et l’alerte de mars 2014 sera de nouveau dans les esprits« l’atmosphère française est-elle polluée par le charbon allemand ».

À moyen terme, l’Allemagne importera également plus de gaz de schiste et l’on reparlera moins à ce moment-là de « Gaz Russe-GNL étatsuniens : le nationalisme ou la paix en Europe ».

Puis Berlin doit faire sa révolution des idées en prolongeant puis en relançant un nucléaire moderne qui ferait office de nettoyeur des déchets nucléaires. Brûlés, ils deviennent un combustible et produisent de l’électricité sans faire appel à de l’uranium minier. On reparlera alors de « “si Angela ré atomisait l’Allemagne », du « Le thorium, nucléaire du futur »  et de « Pouvoir d’achat du nucléaire : ce que EELV devrait savoir ».

La France et l’Europe disposent de ces déchets nucléaires, c’est à dire de ce combustible et de cette électricité pilotable souveraine, bon marché, elle est donc à portée de main et pour les 5 000 et 10 000 prochaines années. Qu’attendons-nous ? Fessenheim, le programme Astrid, les petits réacteurs modulaires, les EPR et demain les réacteurs à neutrons rapides, la souveraineté électrique est une chose lourde et de long terme. Elle ne peut s’établir dans l’inconstance politique zigzagante autour des modes électorales.

Ces références sur le gaz et le nucléaire démontrent que l’ensemble de cette crise électrique et ses solutions étaient balisées depuis plusieurs an

Métaux

La crise ukrainienne démontre que la fake-news des « métaux rares » n’était qu’une mise en scène créée pour aveugler les néophytes. En effet, dans cette crise de guerre économique par des sanctions, tous les métaux deviennent stratégiques, et les craintes de pénurie se portent sur les « grands métaux » et non pas sur les « petits métaux ».

À ce jour, à l’exception de deux oligarques « métallurgiques » sanctionnés, qui impactent le marché de l’acier, du minerai de fer, de l’or ou du diamant, les grandes entreprises russes de l’aluminium au nickel, en passant par le palladium, le platine, le rhodium, le cuivre, le cobalt, le titane, l’uranium etc., ne sont pas sanctionnées. Mais, en cas de problème la substitution et l’écoconception sont des recours.

Un mot sur l’uranium, pourquoi cette matière énergétique n’est-elle pas sanctionnée? L’industrie nucléaire américaine est une mordue de l’uranium russe bon marché, la Russie, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan représentent 50% des besoins des centrales nucléaires états-uniennes et 20% de la production électrique alors que la part du gaz et le pétrole russes y est marginale. Des chiffres bien opposés à ceux de l’Europe et qui explique pourquoi Bruxelles aura une vision différente des ressources russes à sanctionner.

Toutefois, les autosanctions européennes en soutien à l’Ukraine sont aussi susceptibles de mettre en panne des industries européennes. Comment être certain de l’origine de tel ou tel métal lorsqu’il est passé par l’écran du trading, comment savoir s’il n’est pas passé par des mains sanctionnées et si l’acheteur européen devient complice sans le savoir ? L’acheteur crée la criticité en n’achetant pas.

Autre aspect, le soutien nécessaire pour la démocratie à l’Ukraine, c’est également le fournisseur occidental de bauxite qui ne livre pas l’usine d’alumine irlandaise de Rusal, dont le président-oligarque russe a pourtant critiqué la guerre. Nous ne nuançons pas en ne cherchant pas à diviser les belligérants entre pro et anti, pour le ramener de la raison. C’est le prix pour la démocratie et la paix.

De plus, compte tenu des développements militaires il nous faudra intensément soutenir l’Ukraine sur le très long terme. Mais la France démontre comment le zigzag peut rendre une politique minière illisible, et l’on reparlera de « Salau et Lannion : quelle politique minière ».

Nous devrons donc substituer aux importations une Doctrine Minière européenne solide avec des visions à long terme basées sur les mines, notamment pour la France avec ses gisements de tungstène, de titane, de lithium, de terres rares et de quelques tonnes de cuivre ou de bauxite. Ainsi l’Europe retrouvera une souveraineté métallurgique et minière à hauteur d’environ 50 %, ce qui est énorme comparé aux 5 % actuels.

Agriculture

L’Europe agricole n’est plus autosuffisante. Il est regrettable que l’amateurisme de pouvoirs publics n’ait pas résolument stoppé net les suicides d’agriculteurs, en osant rebâtir des souverainetés financières agricoles.

L’Ukraine est dans les premiers mondiaux dans de nombreux domaines : blé, huile de tournesol, orge, maïs, pommes de terre, seigle… La guerre tue l’agriculture aussi bien maintenant, au printemps pour l’emblavement, que plus tard pour les récoltes. La crise alimentaire frappera l’Afrique du Nord et l’Europe par ricochet, immanquablement, cette année et l’an prochain. Sous 18 mois, seule la paix ramènera les récoltes.

Ce tableau ne tient pas compte d’éventuelles sanctions qui seraient prises par la Russie à l’égard des pays qui la sanctionnent. Si Moscou perturbait volontairement ses propres exportations d’énergies, de métaux, de produits agricoles ou de son bois, au risque de troubles sociaux intérieurs, cet arrêt stopperait bon nombre d’usines occidentales, mais vraisemblablement pas les usines asiatiques. C’est ce renversement qui est le plus à craindre.

Ce rapide panorama interroge une nouvelle fois sur notre capacité à construire en temps de paix des souverainetés apportées par des Doctrines Matières Premières Nationales (métaux, énergies, agriculture), et sur l’incapacité de nos politiques qui les ont royalement ignorées malgré nos mises en garde.