In Les Échos le 27 02 2015
Une petite rubrique de BFM business consacrée à l’investissement dans les terres rares captait l’attention. Est-ce une bonne idée d’imaginer y investir ? Comparaison avec l’or.
Les terres rares sont au nombre de 15 lanthanides auxquelles certains ajoutent l’yttrium. Le nom commun « terres rares » ne provient pas d’une rareté mais, dès l’origine, de la difficulté d’isoler ces métalloïdes de l’uranium ou du thorium, puis de les séparer les uns des autres au cours du processus d’affinage.
Les terres rares ne sont donc pas rares mais au contraire pour la
plupart abondantes dans la croute terrestre. D’une présence quasiment
égale au cuivre ou bien supérieure au plomb, à l’étain, l’argent ou
l’or, c’est l’économie minière des gisements de terres rares qui est
différente.
La comparaison avec l’or permet de fixer quelques idées.
La production minière aurifère mondiale progresse, elle est aux environs de 3000 tonnes par an. La production des terres rares est stable, environ 130 000 tonnes par an, la plupart en Chine. Avec optimisme, elle augmentera à 200 000 tonnes d’ici à 5 à 10 ans. Toutefois, certains de ces métalloïdes ne sont produits qu’à hauteur de quelques centaines de tonnes par an.
En 2008, le volume de la production minière des terres rares équivalait à 1-2 milliards de dollars. En pleine crise spéculative de 2011-2012 , les prix s’envolèrent et pendant un bref moment la valeur du marché augmenta jusqu’à environ 15 milliards de dollars, c’est à dire l’équivalent d’environ à peine 8% du marché de l’or de l’époque. Depuis, les prix se sont écroulés, ils sont revenus aux niveaux d’avant la crise et la valeur de la production minière évolue entre 2.5 et 3 milliards de dollars ; au même moment, celui de l’or était divisé par moins de deux aux environs de 100 milliards de dollars. Le marché des terres rares représente un petit volume.
En général, au cours de la dernière décennie, l’investisseur choisissait d’acheter un lingot ou quelques pièces d’or en lieu et place d’une mine d’or. Si le lingot d’or reste un investissement industriellement discutable, il se désinvestit facilement car le vendeur trouve toujours un acheteur. En dernier recours il existe un intérêt des banques centrales.
À l’inverse de l’or, ces dernières n’ont pas de terres rares dans leurs réserves. Comment mesurer la sécurité de contrepartie sur ce marché de niche sinon que par l’expérience ? Avec L’Inde, la Chine est le premier marché mondial de l’investissement or, seront-ils également investis dans les oxydes de terres rares chinoises ou cela n’est-il réservé qu’aux investisseurs européens ?
En outre, désinvestir son or ne nécessite qu’une interrogation : le zénith de la dynamique prix de ses deux principales utilisations, la joaillerie et la thésaurisation, est-il atteint ? Désinvestir de l’une ou de plusieurs des terres rares signifie réfléchir aux cycles de leurs différentes applications industrielles. Certaines font appel à leurs caractéristiques magnétiques, ou bien à leurs qualités luminophores, de haute résistance, de polissage, de catalyse, de dépollution… Cette synthèse industrielle sera d’autant moins aisée dans le contexte industriel actuel de redesign to cost, d’écoconception et de recyclage.
Côté mine d’or, les prix actuels de l’or atteignaient temporairement
un plancher qui mettait en péril de nombreuses mines. Mais la
dépréciation des monnaies des pays producteurs face au dollar et la
déflation des prix énergétiques amélioraient le moral des propriétaires
de titres miniers. Le rebond des cotations de nombreuses mines d’or
cotées sur les non moins très nombreux marchés mondiaux depuis le début
de cette année en porte la marque.
Une amélioration des coûts miniers des terres rares est attendue pour les mêmes raisons, mais les prix actuels des métalloïdes comparés à ceux de la période 2011-2012, ouvrent des perspectives plus laborieuses. Toutefois, le choix de l’investisseur est numériquement plus simple que pour les mines d’or : quelques mines de terres rares chinoises sont intégrées à des groupes miniers diversifiés, parfois ils sont cotés, en Chine ; deux mines australienne et californienne sont cotées sur les marchés occidentaux ; un certain nombre de juniors plus ou moins risquées sont offertes aux investisseurs.
Au final, la sécurité d’un investissement dans un marché rompu aux crises tel que celui de l’or est-il comparable à celui des terres rare ? Le succès de l’or au cours des siècles repose dans ce qu’il n’est la dette de personne, l’innovation dans ce domaine est à manier avec précaution et plus de précision.