In Les Échos le 07 04 2010
La politique minière nationale est dans les attributions du ministère de L’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer. C’est à lui que s’adressent les conclusions courageuses et ambitieuses que le Conseil général de l’industrie de l’énergie et des technologies (CGIET) livre dans son dernier rapport sur les stocks stratégiques de matières premières minérales non combustibles. Vous comprendrez : platine, palladium, rhodium, rhénium, cobalt, vanadium, hafnium, indium, niobium, tantale, terres rares…
Le CGIET tire les leçons du passé du stock stratégique français. Il fait des constats dérangeants sur l’attitude des entreprises, il réfléchit à la sclérose des filières industrielles françaises, il fait appel à l’intelligence économique et il livre des perspectives sur l’opportunité de stocks stratégiques nationaux.
Plusieurs aspects m’ont interpellé et j’en retiens les points suivants :
Premier élément. La France a perdu son influence dans les matières minérales non combustibles car ses leaders ont disparu : exit l’indium de Pennaroya, exit Péchiney et ses multiples ramifications, disparition du savoir faire du BRGM notamment son volet international et j’ajoute la disparition des platine, palladium, rhodium, iridium, ruthénium, or, argent et autres métaux critiques et stratégiques du Comptoir-Lyon-Alemand dans un trou noir…
Deuxième élément. A l’intérieur des filières industrielles (de la mine au consommateur) on ne se parle pas ; ni dialogue vertical ni transversal. Les grandes industries, par exemple l’automobile, ne sont pas totalement conscientes des dangers. Pour se prémunir de pénurie, de la force majeure, dont la cause peut parfois être ce que les contrats anglo-saxons appellent « Act of God », les entreprises se réfugient derrière le droit : le fournisseur défaillant payera les pertes d’exploitation. Difficile d’en être convaincu en cas de crise.
Troisième élément. La France a constitué un stock stratégique dans les années 70, il a été éliminé dans les années 90. Inquiétude puis quiétude et maintenant que dire ? Car, si le monde des matières a changé au cours de ces trente dernières années, des nations obstinées et constantes (l’Asie, les USA) ont continué d’entretenir des stocks stratégiques. Le trio industrie-R&D-diplomatie était et est toujours coordonné ; les constituants des stocks stratégiques n’ont pas été figés, ils ont évolué et vivent au gré des situations des marchés et des besoins industriels (y compris l’armement). Là, la France n’a que des retards à combler.
Quatrième élément. Avant que
de constituer des stocks nationaux et de répondre aux questions usuelles
(qui finance et combien, qui l’utilise, dans quelles circonstances…),
les entreprises devront anticiper et c’est aussi là que le rapport
marque des points.
· Dans les entreprises, les informations sur la « criticité »
des matières utilisées sont rarement misent en commun entre
R&D-Services Techniques-Achats. Parfois c’est mission impossible.
· Et donc à l’intérieur des filières industrielles l’information
sur la vulnérabilité ne circule pas. A-t-on en amont ou en aval les
mêmes conclusions, des solutions ? Impossible de le connaître.
· Pourtant les entreprises et les filières pourraient mobiliser
de nouvelles sources d’approvisionnement par des actions réellement
concertées entre les industries extractives, les transformatrices, les
consommatrices et celles du recyclage.
· Enfin puisque les entreprises ne le font pas naturellement,
l’état ne doit-il pas fédérer une surveillance autour d’un comité de
surveillance des matières critiques, d’un cycle du renseignement
regroupant dans la durée le CGIET, le Délégué Interministériel et le
coordonnateur ministériel à l’IE, du BRGM remusclé et des filières
industrielles ?
Je vous laisse découvrir les dernières conclusions du rapport sur l’opportunité de stocks stratégiques, et attendons des décisions sur un métier de la mine dont la récente actualité du minerai de fer nous renvoie la puissance.