Le divorce à l’italienne du pétrole et du gaz non-conventionnel

L’interdiction du divorce justifie l’organisation d’un adultère puis un crime commis par le mari jaloux dans la comédie « Divorce à l’Italienne ». De même, le couple formé par le prix du gaz long terme avec le prix du pétrole semble remis en cause par la promotion du prix du gaz spot bon marché. Mais l’histoire ne nous dit pas si les acteurs seront plus heureux avec cette nouvelle formule.

Tout commence par la crise économique mondiale et une consommation énergétique en baisse, puis la maturation et l’émergence de techniques de forages horizontales dans les gisements de gaz non conventionnels aux USA (les réserves de gaz mondiales exploitables en seraient quadruplées), enfin la mise sur le marché spot de GNL en quantité croissante.
Le décor est planté et le rideau s’ouvre sur des prix de gaz spot très bon marché tandis que les prix des contrats gaz long terme, toujours liés aux prix du pétrole, résistent à la baisse. Les consommateurs se frottent les mains, les distributeurs s’échauffent, les producteurs réfléchissent.

Cette pièce, qui se joue depuis quelques mois, s’incarnait sous nos yeux lors d’une récente réunion organisée par l’Association Française du Gaz. Qu’y avons-nous appris de nouveau ?

1) Comme le faisait remarquer la salle, les organismes spécialisés chargés des prévisions n’avaient aucunement envisagés l’émergence des gaz non-conventionnels, qui révolutionnent pourtant le marché planétaire du gaz.
2) Les distributeurs maîtrisent une argumentation frileuse. Ils n’osent montrer leurs cartes, mais ils poussent les producteurs à le faire.
3) Ces derniers expliquent en toute transparence que les consommateurs refusent de basculer tous leurs approvisionnements long terme (comprenez prix liés au pétrole) vers le court terme (comprenez prix spot). En effet, le marché spot n’est ni assez profond, ni assez liquide ni assez stable pour représenter un signal représentatif et fiable du marché du gaz.

A la lumière d’autres ressources naturelles, le producteur a raison. A ce jour, sur une longue durée, il n’est pas prouvé que le consommateur bénéficie totalement d’une situation où le prix producteur aura disparu au profit d’un prix spot. Qu’en sera-t-il lorsque le prix spot sera de nouveau au dessus du long terme ? Les investisseurs n’auront-ils pas plus d’intérêt à s’emparer de ce marché s’il est totalement spot ?

A ce stade il manque au débat :
1) Un éclairage exhaustif sur les dommages écologiques consubstantiels aux forages du gaz non-conventionnel. Je ne souhaite pas à la nappe phréatique de mon pire ennemi de subir les conséquences d’un forage horizontal.
2) Les nouvelles opportunités de consommation gazière offertes par un marché américain autoporté. Aux Etats-Unis, la nouvelle configuration donne des idées au marché automobile, rouler au gaz en Louisiane donne des crédits d’impôts. Dans les centrales électriques : si le charbon pollue plus qu’un gaz bon marché…
3) Et donc l’impact sur les prix spot, si de nouvelles consommation se font jour, ainsi que les conséquences sur les autres sources d’énergies : pétrole, charbon, uranium…
Publié dans Les Échos le 03 02 2010