Le retour de l’or valeur refuge

In Les Échos le 07 01 2019

Annoncée début septembre, la hausse de l’or n’est pas une surprise.

C’est fait ! Annoncée ici même le 9 septembre 2018, il ne fallait attendre qu’un mois, début octobre,  pour voir le prix de l’or démarrer son ascension, puis monter sans discontinuer jusqu’à la fin de l’année 2018, et poursuivre sa progression début 2019.

Inférieur à 1200 $ en septembre, l’or flirte avec les 1300 $ depuis quelques jours, +10 % en 4 mois.

Deux raisons, déjà listées en septembre dans « Crises, mais pas d’or valeur refuge, pas encore… », se sont confirmées.

Bien au-delà de la déroute du Bitcoin, Les FAANG, ou les Tech, affichaient de superbes rendements qui couvraient fermement toute hausse de l’or. Mais le couvercle s’est renversé. Les flux allaient de l’or vers Apple, ils se sont inversés d’Apple vers l’or.

Le deuxième évènement est lié aux taux d’intérêt réels. La pause de la phase restrictive étatsunienne témoigne d’une mise en oeuvre dans un contexte inattendu, perturbé et imprévisible.

Ajoutons les conséquences du Brexit qui, comme personne ne l’ignore, ne se passe pas très bien et encourage une protection aurifère outre-Manche ; et ne parlons pas des achats renforcés des banques centrales.

Une fois encore, l’espoir de la croissance ou la peur de la crise sont les deux éléments du bipolarisme consubstantiel des marchés de l’or. Côté crise nous sommes servis : guerre commerciale Washington-Pékin, crise identitaire européenne, gouvernements qui ne tiennent plus la route, ou empruntent des voies nationalistes sans horizon, tensions diverses liées au nouvel ordre mondial moins solidaire et plus solitaire en occident, plus organisé et groupé en orient…

La peur d’une crise s’exprimant par une hausse de l’or, valant mieux qu’une crainte qui s’émeut sans démonstration (ou par des violences), de ce côté-là nous sommes également comblés.

Depuis octobre, les obligations allemandes, japonaises et étasuniennes sont autant demandées que les ETF Or, dont les volumes sont en nette hausse.

Parce que l’or n’est la monnaie d’aucun pays, n’est la dette de personne,  ne souffre d’aucune sanction économique, juridique ou géopolitique, à Pékin, les prix de l’or en yuan se rapprochent des plus hauts de 2016; en dollar australien, ils sont aux plus hauts historiques et indiquent qu’il n’a jamais été aussi profitable de produire de l’or en Australie ; à Londres, les prix dépassent les 1000 £ alors qu’au plus haut de 2011 ils culminaient juste au-dessus de 1180 £ ; à Delhi, les prix sont proches de 90 000 roupies alors qu’ils culminaient au-dessus de 95 000 roupies en 2012. Face à cette agitation, l’or en euro est placide, renforçant ainsi son assise internationale ; mais qu’en sera-t-il lors des élections européennes ?

Le recours contre une hausse des prix de l’or serait une baisse de la demande et/ou une hausse de la production.

Une partie de la demande est sujette aux crises précitées, elle ne sera d’aucune aide.

La production minière moderne résulte d’un pacte entre industrie, droits de l’homme et environnement. Pacte enrichi dans les grands codes miniers par les obligations environnementales, sociales et de gouvernance des entreprises minières. Toutefois, puisqu’il est de plus en plus embarrassant de justifier le déplacement d’une communauté à cause d’une future mine d’or, les réserves d’or (au sens minier) sont basses, et dans ce contexte une interrogation : ont-elles une chance de remonter à court terme (c’est à dire à 10 ans) ? Probablement non.

En conclusion, si ni la demande ni l’offre n’offrent de secours, la hausse des prix de l’or n’est-elle pas le signal faible d’une prochaine grande hausse des cours de mines d’or ?