In Cercle K2 22/01/2021
La Covid-19 nous a rappelé que ce n’est pas avec des contraventions, des taxes ou de la communication que l’on résoudra les problèmes de la planète, mais avec de nouvelles technologies et des actions.
Nos sociétés, bouleversées par la pandémie, ont vu nos vies économiques et sociales confinées tenir grâce aux technologies. Les familles ont gardé des liens à l’aide de connexions internet, les entreprises continué de fonctionner à partir des domiciles de leurs employés, les magasins et restaurants fonctionné a minima grâce au « click and collect », les villes et villages continué d’administrer grâce aux conseils municipaux par vidéo interposée.
Dans les matières premières, le plus grand évènement de l’année 2020 ne fut pas la hausse du marché de l’or qui réagissait comme à l’accoutumée en période incertaine, ni les prix du pétrole, du gaz ou du minerai de fer, mais le marché de la voiture électrique.
En Europe les ventes de véhicule électrique ont doublé en 2019, puis de nouveau en 2020 et, à l’aube de 2021, près d’une nouvelle immatriculation européenne sur dix est électrique. Ce même taux de pénétration de la propulsion électrique continuera d’augmenter en Europe, passant de 30 % en 2025 à 70 % avant 2040. Il sera d’autant plus élevé à l’échelle mondiale si les États-Unis de Joe Biden abandonnent la rhétorique pro-pétrole de son prédécesseur, rejoignent les accords de Paris de la COP 21, mettent en place des mesures incitatives et fixent une date, telle que 2050, au-delà de laquelle la vente de moteur thermique sera interdite.
L’engouement pour la motorisation électrique est un évènement industriel mondial de première importance car le secteur des transports construit des ramifications structurantes dans les marchés des métaux, d’une part, et pour plusieurs années dans l’ensemble des industries mondiales, d’autre part.
La fake-news des « métaux rares »
Cette nouvelle ère industrielle bénéficie aux industriels chinois, coréens, japonais et demain indonésiens qui profitent de leur avance dans la révolution électrique. Premiers dans la conception et la construction des batteries, ils détiennent 90 % du marché mondial. Face à l’Airbus des batteries européen, ils poursuivent leur conquête en répondant au retard industriel européen en implantant leurs usines en Europe orientale et en Allemagne pour mieux absorber de la future consommation de notre continent.
Si la Silicon Valley a étouffé le numérique européen avec comme résultat la domination des GAFA, le même scénario se déroule sous nos yeux dans l’électrique, mais cette fois au profit de l’Asie. L’une des causes du retard occidental a pour origine la fake-news des « métaux rares ».
Un film diffusé en 2020, « À Contresens : Voiture électrique, la grande intoxication », rappelait que les Frères Koch, milliardaires texans du pétrole, activistes et soutiens financiers de Donald Trump, ont investi 10 millions de dollars dans des documentaires contre la voiture électrique médiatisant des arguments tels que le bilan CO² des véhicules électriques est plus mauvais que celui des modèles thermiques, les « métaux rares » et les « terres rares » sont utilisés dans les batteries des voitures électriques et ces ressources minières seront épuisées, la voiture électrique est dépendante du travail d’enfants dans les mines de cobalt en République Démocratique du Congo, l’exploitation du lithium d’Amérique du Sud est dangereux pour les flamands roses, etc.
En Europe, les détracteurs de la motorisation électrique se sont emparés de cette infox des « métaux rares », et en ont largement exprimé et partagé les différents éléments, notamment en France, dans les médias grands publics, les chaînes d’information, les radios au travers d’études biaisées, de documentaires déformants ou de livres orientés privilégiant le sensationnalisme, l’émotion délétère, la caricature de l’anti-voiture électrique sans examiner, sans étudier le contradictoire, sans regarder les faits, sans s’interroger.
Autant de sentiments pro-ignorance que l’on retrouvait récemment autour des vaccins contre la Covid-19 et qui font écho à Victor Hugo : « l’ignorance est une réalité dont on se nourrit ; la science est une réalité dont on jeûne. Être un savant et maigrir ; brouter, et être un âne un peu partout ». Construite pour discréditer les usines et le progrès technique de la mobilité électrique européenne, l’infox des « métaux rares » a fait fuir les entrepreneurs, l’industriel y est a priori un voyou, la science y est un blasphème et la technologie une malédiction.
L’intelligence économique doit nous servir à déconstruire la fake-news anti-électrique
Laissons la caricature et regardons les faits. L’intelligence économique nous révélait que l’emploi d’enfants dans les institutions minières produisant du cobalt en République Démocratique du Congo n’existe pas ; le basculement énergétique du monde du pétrole vers les métaux est réel ; la majorité du lithium produit dans le monde provient d’Australie et non pas d’Amérique du Sud, le recyclage des batteries au lithium fonctionne déjà ; les « métaux rares » n’existent pas, c’est un canular sauvé par aucune géologie ni aucune science ; les « terres rares » ne sont pas rares et des véhicules électriques n’en ont aucune ni dans leurs batteries ni dans leur moteur, à l’inverse des véhicules thermiques qui en ont dans leurs pots catalytiques.
Cependant, embarrassé par une opinion gagnée par cette infox des « métaux rares », 2020 voyait le personnel politique sensibilisé à l’énergie verte proposer une autre alternative aux moteurs thermiques : la voiture à hydrogène. Sans révéler que le gaz naturel, matière première de l’hydrogène actuel, en serait le principal gagnant puisque l’hydrogène vert fabriqué à partir d’électricité renouvelable et de l’hydrolyse de l’eau ne sera jamais au rendez-vous en quantité suffisante. Une infox est toujours suivie d’une autre.
Démasquée, il ne reste aucun argument à l’alliance entre les pro-pétrole et les anti-voiture électrique pour tuer la voiture électrique, car quelle que soit l’origine de l’électricité, grâce à son rendement énergétique, le moteur électrique de sa construction à son recyclage pollue moins que le moteur thermique. De plus, son coût ne cessant de baisser, il sera à parité avec les moteurs thermiques à fin 2021.
C’est pourquoi 2020 restera l’année de l’intelligence économique pour les matières premières. Elle révélait l’alliance entre les pro-pétrole et les anti-électrique autour de la fake news des « métaux rares » contre les partisans de la mobilité électrique. Cette infox industrielle, de son début jusqu’à sa fin prochaine, restera sans doute une intéressante étude de cas de manipulation de l’information et de questionnements sur l’intégrité des médias qui sera probablement enseignée dans les écoles de journalisme et d’infoguerre.