Au cours de la
dixième conférence sur l’énergie organisée par le Club de Nice,
j’intervenais sur les minerais capteurs des énergies en compagnie, entre
autres, de plusieurs membres de l’Académie des Sciences de la
Fédération de Russie.
On ne dialogue pas avec ces académiciens sans parler de géopolitique du gaz, du pétrole et du nucléaire.
La géopolitique des ressources énergétiques est binaire : dépendance ou indépendance. Pour la Russie, le débat gazier se résume en une question : qui est dépendant de l’autre ? Tout est une question de point de vue, au sens littéral du terme. Coté ouest, est-ce l’Europe qui importe 30% de sa consommation de gaz de Russie, coté est, est-ce la Russie qui exporte 80% de sa production vers l’Europe ?
Au delà de ce petit poker, le point de friction supplémentaire reste le prix du gaz. Selon les consommateurs européens, il doit se rapprocher du prix du marché libre européen parce que ce dernier est peu élevé. Selon l’opinion du producteur russe, il doit tenir compte des coûts d’extraction et d’acheminement et donc continuer de se baser sur le calcul d’inspiration hollandaise, c’est à dire sur les prix du pétrole.
Il est vrai que les coûts de production et d’acheminement du gaz russe continueront d’être élevés parce les nouveaux gisements sont très lointains dans le grand nord. Ils sont au dessus du cercle polaire, là où il faut construire des routes, des voies ferrées et des ponts (4km pour le plus long au delà du cercle polaire) dans un environnement hostile de -50° où la clarté du jour ne dépasse pas une heure et sept minutes en hiver (lorsque la consommation est à son pic)… Impossible d’anticiper ces investissements sans une garantie de prix à long terme qui se différencieront des spasmes des prix spot.
Dit autrement, le gaz russe aura vraisemblablement des coûts supérieurs au GNL en provenance du Qatar mais cette mise en concurrence serait complète lorsque l’aspect prix fera face aux perspectives géopolitiques et de sécurité, pour ne pas dire politiques tout court.
Des échanges restreints entre conférenciers étaient aussi l’occasion d’approfondir des points novateurs tels que :
– La modernisation des infrastructures et des réseaux électriques
et donc l’amélioration de l’efficacité énergétique en Russie ;
– La réorientation des flux de gaz vers la consommation domestique
pour faciliter le développement économique intérieur et donc la fin de
la politique d’exportation des hydrocarbures à tout prix ;
– L’influence à terme du printemps arabe et les projets Desertec et Medgrid ;
– La régionalisation des marchés énergétiques et la livraison de la
Chine à partir des gisements de gaz orientaux et donc la compétition
charbon chinois contre gaz russe ;
– La part du nucléaire dans le mix énergétique et donc le débat uranium-thorium ;
– Les nouvelles dépendances créées par les énergies renouvelables
et donc la situation allemande dans ce contexte … Sur ce dernier sujet,
peut-on se poser la question suivante : baser son développement
économique sur des énergies renouvelables immatures (éolien, solaire)
alors que le climat se dérègle, est-ce une idée politiquement
dangereuse ?
Autant de sujets absents de la lumière jetée sur Moscou par la dernière élection législative du 4 décembre et qui gagneraient à s’intégrer dans la prochaine vision des élections présidentielles.
Publié dans Les Échos le 09 12 2011