La révolution sauve ceux qui la font, notre héritage n’est précédé d’aucun testament.
Le choix des Doctrines Ressources Naturelles (énergie, minérale, agricole) et de ses variables (disponibilité des approvisionnements, prix compétitifs et préservation de l’environnement) est un débat politique qui doit être régulièrement posé notamment au moment d’une campagne présidentielle.
Et la problématique est simple. Si le territoire est riche, les hommes d’Etat dirigeront leurs pays vers l’indépendance énergétique, l’indépendance minérale et l’autosuffisance alimentaire. A l’inverse, rien n’est pire qu’une dépendance imprévue, non choisie, impréparée (être indépendant c’est choisir ses dépendances et ne pas les subir), et si le territoire national comporte des faiblesses dans l’un des trois domaines les hommes d’Etat relèveront le défi de ces dépendances en privilégiant la science à d’autres moyens. Ces modèles de dépendance ou bien d’indépendance choisies bâtissent la relation particulière et complexe entre les populations et l’idée de nation.
Les deux meilleurs exemples récents sont bien entendu, dans l’ordre chronologique, la dépendance imprévue après les chocs pétroliers de la fin du XX siècle, puis son inverse, l’impréparation aux conséquences de la fracturation horizontale qui permet le renouveau énergétique, mais aussi la croissance et l’emploi qui l’accompagnent, des pays qui choisissent l’exploitation des hydrocarbures de schiste.
« La révolution sauve ceux qui la font »
C’est pourquoi l’idée de la campagne présidentielle française de 2012, la transition énergétique, était une proposition logique. Cependant, les fantasmes sont un danger alors qu’ils sont rattrapés par la réalité du monde de 2013, c’est-à-dire l’immobilisme du changement immédiat : la réluctance des « mauvaises » énergies à disparaître d’elles-mêmes – le pétrole, le gaz, le nucléaire, le charbon- ; l’incapacité des « bonnes » énergies à les remplacer maintenant : vent, soleil, biomasse, géothermie…
Quel est le film de la dernière année ?
• L’objectif est moins de CO², moins de nucléaire et plus d’énergies climatiques,
• Mais bâtir 5.000 kilomètres d’éoliennes en France est-ce possible ? Le
solaire mondial n’est-il-pas en faillite ? les intermittences du soleil
et du vent ne persistent-elles pas ? La rupture technologique dans le
stockage électrique est-elle trouvée ? La baisse des prix du gaz ne
pesait-elle pas sur les prix du charbon ?
Conclusion, ces derniers mois l’électricité charbonnière française
s’accroissait, donc, plus de CO² : le fantasme a engendré des
contradictions que l’on détaille.
« La guerre ne détruit nul méchant de bon cœur – les meilleurs en revanche à coup sûr. »
Dans la guerre énergétique française anti CO²
le nucléaire est le meilleur. On fermera donc les deux réacteurs de la
centrale alsacienne (près de 3% de la production française non
intermittente qu’il faudra remplacer) et le reste des 56 autres
réacteurs plus tard.
Un autre argument de fermeture est : la fin des réserves d’uranium !
Baliverne ! De nouveaux gisements sont découverts dans le monde entier
(il en reste en France) et l’exploration n’est pas terminée. Cet aspect
est, en outre, minimisé par une diversification des approvisionnements :
Canada, Australie, Asie centrale, Afrique.
Enfin, les réacteurs-nettoyeurs de type RNR nous permettrons de
consommer nos réserves de combustibles (déjà sur notre sol) équivalentes
à 8.000 années de notre consommation électrique actuelle. Si un
ministre n’avait pas traité à l’explosif les installations pilotes de
combien n’aurions-nous pas déjà progressé ?
Et nous ne parlerons pas ici des possibilités du thorium, pas de problème de ressource …
Nous ne parlerons pas non plus de la fusion nucléaire dont la filière naissante dans le sud de la France nous donnera un jour une énergie infinie, sans intermittence, des emplois voire des exportations… le tout avec de l’eau. Un seau d’eau recèle suffisamment d’énergie pour assurer à un français ses 30 ans de consommation électrique actuelle.
Dans le nucléaire, nous sommes gentiment schizophrènes car la même France qui fermera les centrales est inquiète des conséquences sur l’emploi français des faillites commerciales à répétition du pavillon nucléaire national dans les Emirats, en Tchéquie, en Jordanie, en Finlande. A-la-la, aurons-nous une politique de communication « emploi » victorieuse « à la Airbus » lorsque nous enregistrerons un succès commercial rentable avec des risques acceptables à propos d’un centrale nucléaire en Grande-Bretagne, en Pologne, en Inde, en Chine ou en Arabie Saoudite ?
« J’aime mieux l’amitié d’un ignorant honnête que celle d’un méchant, fût-il plus éclairé. »
Vient le charbon. Très polluant. Mais étonnamment pas en Allemagne qui arrête le nucléaire et augmente le nombre de centrales à charbon et lignite et donc les émissions de CO². Cependant tout ne va pas bien outre-Rhin. Pourquoi ? Parce que de « mauvaises » compagnies électriques allemandes n’ont pas investi dans des lignes à haute tension conduisant la « bonne énergie » éolienne de la mer du nord vers les « gentils » consommateurs industriels du sud. Dès que les propriétaires permettront l’installation de pylônes haute tension au fond de leurs potagers et au dessus de leurs herbages tout ira mieux. C’est ça ou rien !
Heureusement la France n’a plus la tentation du charbon car nos mines sont fermées. Sauf que la production de nos centrales électriques à charbon était en hausse de 35% ces derniers mois : elles brulent le charbon américain exporté en Europe sous la pression des baisses des prix hydrocarbures de schiste. Heureusement, ces centrales métropolitaines « scandaleusement » économiques fermeront parce qu’elles n’ont pas le bon charbon et le bon CO2. Ici on n’est ni en Allemagne (40% électricité au charbon) ni au Danemark (48% électricité au charbon), ni en Nouvelle-Calédonie, bien que là-bas c’est aussi la France, où le projet d’une centrale électrique urbaine (centre de Nouméa), industrielle (nickel), défiscalisée (pas d’impôt) et fonctionnant au charbon (australien ?) apporte une étonnante controverse.
« Il n’y a pas d’autres témoins que Malheur et Mystère. »
Ensuite il y a le gaz et le pétrole.
On avait échappé aux grandes centrales électriques à gaz en France. Mais il y a vingt ans des fous montraient que les cycles combines à gaz étaient propres et économiques et on avait commencé à en construire chez d’épouvantables étrangers qui voulaient consommer du gaz, en Italie par exemple. A la vue des résultats des gouvernements français ont fini par permettre d’en faire en France, alors que le gaz ne servait jusqu’alors qu’au chauffage et aux cuisines.
Heureusement après l’extinction du gisement de Lacq on ne produit plus de gaz en France. C’est un bien car il était appelé « naturel », un oxymore énergétique de plus. Mais au moment où cette mauvaise énergie naturelle disparaissait une catastrophe s’annonçait.
Il y aurait du gaz non conventionnel en France et le prix pourrait être compétitif, il réduirait le déficit, engendrerait des emplois et de la croissance ! Interdit ! Pareillement, il y aurait du pétrole de schiste dans le bassin parisien. Interdit ! Le pétrole c’est le démon. C’est à cause de lui que notre balance commerciale est déficitaire, et il a engendré des moteurs diesel. Explorer pour rechercher ces deux hydrocarbures dans notre sous sol donnerait l’idée d’exploiter une richesse nationale. Interdit !
Après cette nouvelle victoire, fermons les centrales électriques à gaz (d’ailleurs elles ferment toutes seules sous la pression du charbon), arrêtons l’importation de gaz étranger parce que la formule de prix est incompréhensible – le prix du gaz mondial baisse mais, à l’inverse, il monte en France ! Interdisons aussi les feux de bois dans les cheminées qui ne sont pas équipées d’un insert.
« Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres. »
L’objectif de réduire drastiquement notre consommation énergétique sera atteint en un tour de main puisque les 96% de notre production électrique seront arrêtés : métros, RER et TGV rouleront dès qu’il y aura une risée de vent ; sans pétrole les automobiles seront à l’arrêt sauf les véhicules photoélectriques qui fonctionneront dès que le soleil sera suffisant ; les avions seront au sol, les navires au port ; notre industrie pétrochimique aura disparu (Kem One), coulée par notre démembrement pétrolier et la compétition des pays qui auront investi dans l’énergie du schiste. Le reste de l’industrie et ses millions d’emplois n’auront pas survécu à la disparition de notre énergie électrique compétitive.
Une curiosité apparaitra : l’inutilité des tours, la rare électricité n’étant pas affectée aux ascenseurs, la sécurité des personnes ne sera plus assurée au delà du 6ème étage.
« Notre héritage n’est précédé d’aucun testament. »
Et dire que l’on affirme candidement, comme une découverte récente, que le défi énergétique c’est prévoir l’imprévisible :
• L’imprévisible croissance de la demande énergétique électrique,
• L’imprévisible disponibilité du stock de combustible électrique français égal à 8.000 ans de notre consommation,
• L’imprévisible démarrage du nucléaire en Arabie Saoudite et ailleurs et son imprévisible redémarrage en Grande-Bretagne,
• L’imprévisible croissance du charbon en Allemagne, l’imprévisible Fukushima, l’imprévisible marée noire
• L’imprévisible disparition de la théorie du « Peak oil » grâce au schiste et l’apparition de celle du « Peak demand »,
• Les imprévisibles tremblements de terre qui menacent la géothermie,
• L’imprévisible sécheresse qui assèche les barrages,
• L’imprévisible météorologie au delà de 15 jours et son imprévisible
impact sur la production électrique éolienne et électrique solaire,
• L’imprévisible impact de l’ouragan ou du tsunami sur les champs d’éoliennes,
• L’imprévisible prix des terres rares lourdes nécessaires aux éoliennes maritimes,
• L’imprévisible fusion d’une batterie au lithium dans un avion japonais ou l’imprévisible explosion d’une voiture électrique dans un parking au centre de Paris,
• L’imprévisible Skyonic et sa minéralisation industrielle du CO² atmosphérique en produits écologiques,
• L’imprévisible difficulté à financer le coût des économies d’énergies
de l’habitat et donc l’imprévisible précarité énergétique des citoyens,
• L’imprévisible dogme qui interdit de combiner le meilleur de chaque énergie : fossile, nucléaire, climatique, renouvelable,
• L’imprévisible seau d’eau d’Iter combattu par les imprévisibles doute et méfiance de l’anti-science,
• L’imprévisible divorce entre la réalité et la pensée et donc le
prévisible renouveau philosophico-politique démentant l’immortalité de
l’humanité et croyant au soleil éternel…
« Résistance »
Que faire ? Réorienter l’imprévisible, choisir sa dépendance, résister.
Publié dans Les Échos le 03 04 2013