Les provinces hériteraient de chômeurs. La Chine sait-elle gérer le chômage ?
L’industrie mondiale de l’acier a doublé de taille entre 2000 et 2014 : une consommation de 1.7 milliard de tonnes et des capacités de production supérieures, 2.4 Milliards de tonnes. Désormais, le marché international de l’acier à une taille qui talonne celui du pétrole avec un baril à 30$. Ce n’est pas rien.
En 2015, La consommation d’acier mondiale a baissé de 3% en moyenne sous la
pression de fortes décroissances notamment au Brésil, en Russie, en
Chine.
La Chine justement est le premier producteur (~ 900Mt, capacité 1225 Mt) et le
premier consommateur au monde (~700Mt). Concomitamment à la baisse de la
consommation chinoise d’environ 4% en 2014, 6% en 2015, et anticipée à 4% en
2016, la production chinoise baissait pour la première fois en 30 ans en
2015, 2.4%. Le solde démontre une insuffisance de cette baisse, autant de
capacités disponibles provoquent un choc de l’offre difficile à absorber : en
moyenne, à l’échelle mondiale, les usines tournent à 75% de capacité,
c’est bien trop peu.
Toutefois, -3% est une moyenne mondiale. Il existe des pôles en croissance de
consommation : l’Inde ~+11% l’Asie du sud-est ~+8%, l’Afrique ~+15% ou
l’Europe ~+2%. Ces marchés aspirent les exportations chinoises. La Chine est
donc devenue le premier exportateur mondial surpassant en 2015 par son unique
volume d’exportation le second producteur mondial qu’est le Japon, surpassant
également la consommation totale de l’Inde ou des USA ; c’est-à-dire que
l’intégralité des exportations chinoises est supérieure à la consommation des
USA.
Depuis juin 2013, les prix ont chuté de 50% en Chine. Ils sont en dessous des prix du début du cycle chinois de la fin des années 90. La chute est également grave en Europe même si les prix ont connu une prime par rapport aux prix chinois. Aux USA la chute de prix était également moins brutale parce que le marché est mieux protégé qu’en Europe et d’autre part la consommation d’acier pour l’industrie du pétrole était très active. Avec le pétrole à 30$ elle est moins dynamique.
Pourquoi faut-il faire quelque chose ?
C’est une question de souveraineté. Les USA sont plus dynamiques dans leur
politique d’anti-dumping vis-à-vis de la Chine. L’Inde annonçait des hausses de
taxes d’importation d’acier pour 6 mois le 8 février. L’Europe en annonçait
également le 12 février. Bien évidemment si l’Europe réagissait trop petitement
et trop tard, elle sera envahie plus qu’elle ne l’est déjà par les volumes
d’aciers déroutés des USA ou de l’Inde vers l’Europe.
Comment s’en sortir
Les mesures d’Anti-dumping ne résolvent pas le problème. Un acier peu
rapidement changer de nomenclature douanière ou bien maquiller son origine sous
une autre origine.
Un marché en large surcapacité nécessite de réduire le nombre d’usines. L’Europe a déjà payé son lourd tribut.
Par conséquent, diminuer les capacités sidérurgiques chinoises est une nécessité à présent que le pays aurait terminé une partie de sa formidable croissance. Il existe un nombre important d’aciéries chinoises en faillite virtuelle ou en crise de liquidité liée à la frilosité des banques locales. La Chine indique avoir réduit ses capacités de 90MT, elle promet de continuer cette réduction d’ici à 2020 de 100 à 150 Mt. Ce chiffre est insuffisant ; il faudrait le doubler de façon à ce que la production locale soit au niveau du marché local.
Toutefois, des éléments contraignent ces fermetures
• Les futures exportations d’acier vers les routes de soie justifieraient
des surcapacités. Au regard des volumes en jeu qui demandent plus d’éclairage,
cet argument est un débat
• L’acier chinois a été particulièrement polluant et donc la diminution de
capacité aurait l’environnement comme moteur. Toutefois, parfois une vieille
usine polluante ferme et une neuve moins polluante ouvre.
• La désunion entre les intérêts de l’État et ceux des provinces elles-mêmes
propriétaires des aciéries empêcherait parfois la fermeture d’usines. Là
est la clef du problème : Les provinces ne souhaitent pas fermer leurs
usines parce qu’elles hériteraient de chômeurs. D’où la question
brutale qui taraude : la Chine sait-elle gérer le chômage ? Pékin sait-il gérer
les chômeurs de ses provinces ?
Il n’existe pas de réponse sur ce dernier point. Espérons le succès des
actions du Premier Ministre qui aurait personnellement pris à cœur cette
réforme avec l’aide d’un très important fond de restructurations sociales.
Cette rénovation sensible doit être menée notamment pour le bien de l’Europe.
Toutefois la délicatesse est essentielle, le délitement du lien entre Pékin et
les provinces via le parti signifierait l’implosion d’un pays de 1.35 milliards
d’habitants, un immense danger que personne ne peut souhaiter.
En Chine également, La responsabilité est un labyrinthe.
Publié dans Les Échos le 23 02 2016