Pourquoi la Chine ne peut pas envahir Taïwan ?

In La Tribune 20/03/2023

La Chine est ennuyée. Elle bénéficie de la guerre en Ukraine, car elle paye ses importations de métaux, de gaz et de pétrole russes avec des rabais importants par rapport à ses concurrents, notamment les pays occidentaux. À plus long terme, la Russie réorientera la construction de ses gazoducs vers l’Orient au bénéfice de Pékin. Sans insulter l’avenir, il est illusoire d’imaginer la réparation des gazoducs Nord Stream dirigés vers l’Allemagne, ce sont des East Stream qui sont dans les esprits.

Pékin n’a pas reconnu officiellement les annexions russes

Mais Pékin n’est pas heureux de l’invasion de l’Ukraine, car c’est justement l’inverse de ce qu’elle souhaite pour Taïwan. Un bis repetita de Marioupol à Hsinchu serait un cauchemar pour Pékin. En Ukraine, le nom de Marioupol résonne avec la destruction de l’aciérie d’Azovstal. À Taiwan, la ville d’Hsinchu a pour écho TSMC, le leader mondial des semi-conducteurs. Si l’Armée populaire de Chine envahissait Taïwan elle ne pourrait pas ne pas endommager les usines taiwanaises de TSMC et cela serait une guerre à l’image d’Azovstal, c’est-à-dire sans aucun bénéfice industriel tant TSMC est stratégique pour Pékin.

Ce qui est vrai pour les semi-conducteurs est également exact pour tout le reste de l’industrie taïwanaise. La prise de Taïwan est une guerre autant pour la politique que pour l’économie. Pour Pékin, à quoi lui servirait une île dévastée ? L’Armée populaire ne peut pas envisager d’autre stratégie qu’un retour volontaire pacifique de Taïwan vers la Chine continentale plutôt qu’une invasion belliqueuse et destructrice de l’industrie insulaire. L’invasion de l’Ukraine n’est pas un exemple pour Pékin.

Comme l’a dit Sun Tzu : « L’art suprême de la guerre est de soumettre l’ennemi sans combattre » car «  »La plus grande victoire est celle qui ne nécessite aucune bataille » donc «  »Toute guerre est basée sur la tromperie. Par conséquent, lorsque nous sommes capables d’attaquer, nous devons sembler incapables ; lorsque nous utilisons nos forces, nous devons paraître inactifs ; quand nous sommes proches, nous devons faire croire à l’ennemi que nous sommes loin ; quand on est loin, il faut lui faire croire qu’on est près. »

Pékin est donc ennuyé, car son intérêt économique est de continuer de bénéficier de prix attractifs pour les matières premières russes, mais son intérêt politique est de montrer que le paradigme des ignobles destructions russes en Ukraine n’est pas ce qu’elle souhaite pour Taiwan. D’ailleurs Pékin n’a officiellement reconnu aucune des annexions des territoires de Crimée, Lougansk ou Donetsk.

Taïwan n’a pas envie de rejoindre le camp des dictatures

C’est pourquoi son intérêt en Ukraine est un cessez-le-feu, mais qui ne résoudra pas le conflit. Pourquoi ?

Elle souhaite un cessez-le-feu, pour que les combats s’arrêtent et apaisent les perspectives politiques dans le détroit de Taïwan d’une part. Mais, d’autre part, pas de résolution de conflit, pour que les sanctions économiques occidentales contre la Russie continuent d’orienter massivement les flux de métaux, gaz et pétrole vers l’Orient.

L’idée est simple et la diplomatie va être à l’œuvre pour la complexifier en lui donnant les couleurs de l’acceptable. À une chose près toutefois, Taïwan n’a pas envie de rejoindre le camp des dictatures. Mais il paraîtrait que Pékin a le temps. Jusqu’à quand ? Jusqu’au moment de l’écroulement de la Russie et de l’invasion de la Sibérie jusqu’à Krasnoïarsk par l’Armée populaire ?