L’aluminium c’est de l’électricité solide
Comme du temps de Pierre Berthier qui nomma la bauxite d’après le village des Baux de Provence, il y a pléthore de bauxite dans la croute terrestre et la concurrence pèse sur les prix. En Chine –premier importateur mondial- les importations de bauxite se sont considérablement diversifiées : Australie, Inde, Malaisie, Ghana, Guinée, Fidji, Salomon, Vietnam… sans oublier la production nationale. Comme pour le minerai de fer, la bauxite la plus compétitive est celle du bassin Pacifique, elle est à la porte de la Chine et à l’inverse de celle d’Afrique elle n’endure pas le test permanent du coût du fret maritime de l’Atlantique vers la Chine.
Une fois transformés, entre quatre à sept éléments de bauxite font deux
éléments d’alumine puis par électrolyse un élément d’aluminium.
L’aluminium c’est de l’électricité solide. Il y a quelques mois, le coût
de fabrication de l’alumine était à hauteur de 30% de la bauxite et 37%
de l’électricité, à son tour le coût de l’aluminium comptait 36%
d’alumine et 35% d’électricité. Le prix de la bauxite a baissé et si
l’électricité était trop chère ou trop intermittente, la production
d’aluminium s’est déplacée vers les grandes zones de consommation
d’aluminium (plus de 50% de la production est en Chine) et les zones
d’électricité compétitive ; en Arabie Saoudite par exemple ou en Chine
au fur et à mesure que les prix de l’électricité comptabilisaient la
baisse des prix du charbon.
Si le prix de l’aluminium s’affermissait récemment sous l’effet de
restockage il est à présent en retrait et dans ce contexte, une
surproduction d’aluminium devrait engendrer une baisse de l’offre, mais
ce n’est pas encore le cas pour plusieurs raisons.
Premièrement, peu de producteurs chinois sont en difficulté aux prix
actuels et rouvrir une usine d’aluminium est très long et coûte cher,
beaucoup plus qu’une aciérie par exemple, donc elles ne ferment pas.
Deuxièmement, la production chinoise répond à des demandes locales et
internationales via les routes de la soie, elle continue d’augmenter.
Troisièmement, en Chine le coût de l’électricité baisse avec les prix du
charbon et produire de l’aluminium est rentable dès lors que les
contrats énergétiques ont été habilement négociés. Quatrièmement,
l’évolution du taux de change du Renminbi est favorable. Enfin la
prééminence de la bourse des métaux de Shanghai implique que de nombreux
producteurs locaux y sont « bonne livraison »; ils y livreront
directement leur production sous forme de lingots sauf s’ils continuent
d’abaisser le coût de la chaine d’approvisionnement en livrant
directement au consommateur de l’aluminium liquide ; ces stocks
échappent au marché et plus que le passé ils ont un impact financier
très observé par les spéculateurs.
Par conséquent bauxite et alumine semblent s’orienter vers une seule
direction : flux d’exportations de bauxite vers la Chine à prix cassés,
grande production et consommation d’aluminium en Chine, coût de
l’électricité chinoise en baisse et hausse des exportations d’aluminium
chinois.
Les prix de l’aluminium et de la bauxite continueront de diverger. Les producteurs d’aluminium ont des comptes positifs car le coût de l’électricité est maitrisé, la bauxite baisse sous l’effet de la concurrence et devrait voir son prix sombrer vers les coûts de production les plus bas.
Publié dans Les Échos le 14 06 2016