Comment est la reprise mondiale ? En V, W ? Je la vois en W oblique comme la constellation de Cassiopée. Et où en sommes-nous de la reprise ? Si l’or (voir mon billet « l’or et la fin du $ ») est toujours aussi indomptable à l’heure ou vous lirez ces lignes, nous n’aurons pas totalement parcouru la ligature du W et nous rechuterons légèrement avant le rebond.
Je voudrais en tous cas attirer votre attention sur les corrélations d’indices, synthèses des cohérences (certains diront des incohérences) sur les marchés. Hélas, elles éclairent de lumières de plus en plus vacillantes le débat alphabétique (V, W) sur la croissance. Nous n’imaginons pas que l’un des paradoxes de notre crise de la mondialisation est la nécessité de cesser de raisonner sur des globalités. Les anciennes corrélations globales sont devenues beaucoup moins pertinentes et pour tout dire… anciennes dans notre nouvel ordre mondial.
Prenons l’exemple des prix du nickel. Ils sont liés à la santé des aciers inoxydables (qui consomment 75% du nickel). Les inox sont l’un des substituts des aciers au carbone : s’ils sont trop chers, on choisira de l’inox. Les prix des carbones reflètent l’évolution des cours du minerai de fer (l’un de ses composants). Il est lui-même transporté par bateau, donc son prix est anticipé par les indices du fret maritime.
Cette filière, du nickel au fret, est-elle cohérente et est-elle en V ou un W ?
Parmi les douze indices de fret maritime qui composent le Baltic Freight Main, il y a celui des navires « capesize ». Il est composé de dix autoroutes trans-océaniques distinctes. Ces bateaux transportent entre autres choses le minerai de fer des aciers. Cet indice fait des vagues depuis l’an dernier. Sa volatilité mute. La demande chinoise est là, les spéculateurs aussi, donc c’est la hausse. Mais l’offre de navires augmente rapidement ainsi que les flottes privées des mineurs brésiliens et australiens, donc c’est la baisse. Résultat : les courbes des prix des routes maritimes aux départs des deux producteurs de minerai (Brésil, Australie) vers le consommateur (Chine) sont sans réelle direction et sécantes.
V ou W ? Cet indice de prix est en W, car des dynamiques s’opposent, les prix du fret vont baisser en 2010 avant de remonter. Dans ce domaine les statistiques d’affrètements de navires diffusés par AXSMarine seront plus parlantes.
En Chine les transports du minerai de fer sont au zénith, les ports sont embouteillés, les stocks élevés, les mines de fer locales rouvrent. Cette semaine les négociations annuelles reprennent et les clients chinois préfèrent le prix flottant si les prix fixes sont trop hauts. Dans l’ensemble du monde le destockage se termine et dans le monde ex-Chine les aciéries reprennent partout.
V ou W ? V, pourtant les prix du minerai de fer sont stables depuis août mais ils augmenteront de 10 à 15% début 2010. Sur le court terme, ce n’est pas une indication très lisible.
Et les prix du nickel V ou W ? Les prix
suivaient la même hausse que le fer mais à l’inverse du fret ils
progressent après la rentrée.
Depuis la crise, les prix du nickel évoluent entre deux limites. Un
seuil à 9000$ la tonne grâce à la baisse de sa production minière (-5%
en 2008 et -15% en 2009) et l’absence de déchets inox. L’autre extrême
est bornée à 18 000$ la tonne par le coût de traitement économique (sans
parler du coût écologique) du ferro-nickel par les producteurs chinois à
partir de latérites en provenance d’Indonésie et des Philippines. Si
cette dernière étape est franchie, c’est la spéculation et l’emballement
des prix.
V ou W ? W oblique comme la constellation de Cassiopée : les stocks de nickel en bourse (LME) sont élevés mais les prix de l’inox remontent aux moyennes historiques. En fait, les prix du nickel n’attendent que le consommateur marginal, celui qui fait bouger les lignes, pour exploser à nouveau. Ce dernier ne sera ni brésilien, ni russe, ni indien, ni chinois, vraisemblablement pas européen mais nord-américain.
Ainsi, cette filière, essentielle à l’économie chinoise et un socle de la croissance mondiale, se décompose en un W, un V et le W Cassiopée. Ce n’est plus de la corrélation mais un syllogisme aléatoire.
Publié dans Les Échos le 20 10 2009