In la Tribune 1/7/ 2019
Sur les six derniers Présidents et Premiers ministres chinois, tous sauf un, reçurent une formation thématique d’ingénieur. De 1993-2003 le Président Jiang Zemin était ingénieur électrique tout comme son Premier ministre Zhu Rongji, de 2003-2012 Hu Jintao était ingénieur hydro-électrique et Wen Jiabao était ingénieur géologue, depuis 2012 Xi Jinping est ingénieur chimiste des procédés et l’exception est Li Keqiang, juriste de formation.
Il est plus simple d’atteindre l’objectif national lorsqu’on en comprend le chemin, et cette chronologie thématique des dirigeants chinois le démontre. Elle correspond à la stratégie du développement du pays : centrales électriques et charbon ; hydroélectricité et projection d’entreprises minières et d’hydrocarbures outremer en Afrique, Amérique du Sud, Australie… ; chimie des procédés et investissement agroalimentaire.
Intelligence économique
Certes, l’emploi de l’intelligence économique, une arme désormais largement utilisée par toutes les nations, a été favorable à Pékin dans de nombreux domaines, notamment en Afrique et dans les Tech, mais souvent parce que nous avons été naïfs. Toutefois, quelle jubilation cela dû être pour Pékin de voir ses trois stratégies énergétique, minière et agroalimentaire être couronnées de succès lui permettant d’étendre son empire industriel et son influence au monde entier. La dernière avancée correspond aux progrès chinois sans précédent dans les matériaux de l’éolien et du solaire, et la prochaine dans ceux de la voiture électrique connectée en auto partage et bus et camions à hydrogène.
Sans la Chine, cette prochaine révolution de la mobilité ne serait pas possible, et peu importe la source actuelle d’électricité utilisée pour charger la batterie et pour fabriquer de l’hydrogène, car à l’avenir elle sera décarbonée, comme cela est déjà le cas en France. Au final, sous certaines conditions, ces deux mobilités seront les deux solutions les plus indolores pour la planète, et pourtant elles sont combattues. De la même manière que les orages font éclore des insectes, sous cette révolution naissent des impostures rampantes transformant l’épopée industrielle chinoise en des infox anti-Pékin. Elles accusent la Chine d’une part d’avoir effrontément guerroyé pour des métaux, d’autre part avec son slogan « voiture verte, batterie rouge » elles taclent son hégémonie dans la voiture électrique connectée. Comme souvent, bâties par l’ignorance et sur l’émotion, ces deux infox confortent des croyances, exigent la célébrité, courtisent les lobbies et s’insinuent dans des cerveaux identiques à des nids d’oiseaux absents.
Pourquoi laisser la Chine prendre 20 ans d’avance
La Chine est assez grande pour se défendre seule, mais essayons d’y voir plus clair. La vérité étant toujours plus complexe et contraignante qu’une infox, pour la révéler interrogeons la fake-news. S’il y avait réellement une telle guerre avec la Chine, pourquoi les États-Unis n’ont-ils pas aidé une société minière américaine contrainte de vendre la plus grande mine de cobalt au monde située en RDC en Afrique, à une société chinoise ? Si guerre il y avait entre la Chine et l’Occident, pourquoi Washington ou l’Europe n’ont-ils pas bataillé lorsqu’une société chinoise rachetait à une société canadienne ses participations dans SQM, le leader mondial chilien du lithium ? Puisque les terres rares ne sont pas rares, les États-Unis étaient-ils à ce point impuissants de ne pouvoir financer un effort de guerre de 500 millions de dollars pour construire une industrie de terres rares à partir de la douzaine de gisements que contient leur sous-sol ; pourquoi connaîtrions-nous mieux la composition minérale de la surface de la lune que la présence dans nos propres sous-sols de minéraux indispensables aux véhicules électriques, est-ce Pékin qui entrave l’exploration de nos territoires ? Pourquoi laisser la Chine libre d’investir dans tant de mines stratégiques en Afrique et en Amérique du Sud ? Pourquoi laisser la Chine prendre paisiblement 20 ans d’avance dans la voiture électrique et à présent dans l’hydrogène comme dans les deux villes de Foshan et Yunfu ?
Une même raison, la géologie
Allons plus loin dans l’interrogation qui accuse aussi la Chine d’avoir éliminé ses concurrents dans les métaux. Si le premier producteur de cuivre mondial est le Chili, c’est non pas parce qu’il a éreinté des rivaux, mais parce que son sous-sol renferme beaucoup de cuivre. Pareillement pour l’Indonésie, les Philippines, la Russie et le Canada avec le nickel, la RDC et le cobalt, le triangle andin et l’Australie dans le lithium, l’Afrique du Sud et la Russie pour les platine et palladium, l’Australie et le Brésil dans le minerai de fer ou la Guinée et la bauxite . Tous ces pays excellent chacun dans leur métal non pas parce qu’ils ont cherché à éliminer des concurrents, mais simplement parce qu’ils ont de riches ressources minières. Si la Chine est forte dans les lanthanides, le lithium, le tungstène et d’autres métaux, ce n’est pas parce qu’elle a anéanti des adversaires au cours d’une imaginaire conflagration métallique, mais pour la même raison : la géologie. Elle dispose de riches gisements, elle les a exploités et transformés en aval dans ses industries et notamment pour la voiture électrique et les bus et camions à hydrogène.
Dernier point. Une liste de métaux critiques n’est ni une prise de guerre, ni une arme, ni une offensive, mais l’aveu de faiblesse de son émetteur, une reddition imbelle. S’il y avait eu un tel conflit, quels pays se sont-ils battus pour ces listes contre la Chine, où se trouve le champ de bataille, où sont les généraux, les armes et les armées ? Quelles étaient les prises de guerre, quel butin ? Aucune réponse, la fake-news reste muette et cloîtrée, ses pèlerins panurgiques trompés. Aucun pays n’a guerroyé, personne ne s’est opposé, l’imposture est un leurre, un canular antichinois.
Pékin a une Doctrine Ressources Naturelles
In fine, la vérité s’impose : au cours des 40 dernières années, la Chine grâce à la formation de ses dirigeants a ouvré une Doctrine Ressources Naturelles déployant des efforts considérables dans l’énergie, les métaux, mais aussi l’agroalimentaire pour assurer son développement, abaisser son coût de production et fabriquer des produits accessibles à sa population, dont ceux des ENR et des nouvelles mobilités. En outre, elle implémentait une politique industrielle de protection de l’environnement. Cette progression hors de page renvoie les infox à leurs origines, le canular. Elle nous renvoie également aux cruelles absences et vacuités de nos propres Doctrine Ressources Naturelles et à un outrage : leurs viduités industrielles.