 
Guerre fratricide : l’extérieur était accusé de détruire l’emploi local, aujourd’hui un autre outremer en serait le sauveur.
Publié dans Les Échos le 06 08 2015
Trop de temps immobile et paralysée, la Nouvelle Calédonie connait une crise profonde, seule la mise en œuvre immédiate d’une stratégie communément réfléchie permettrait de la surmonter. Non seulement cette communauté de vue n’existe pas encore, mais des querelles corrompent la pensée : à Nouméa le diable du nickel a profité des derniers mois pour métastaser en politique. Dans les pays producteurs de ressources naturelles en crise, c’est une contagion classique : rompant avec le marché, la politique impose ses obsessions à l’industrie. À Nouméa, les désaccords s’incarnent en particulier sur les 51% de la SLN, les chantages qui aboutissent aux menaces de mort, les exportations de minerai brut en général et celles vers la Chine en particulier.
	Cette dernière monomanie est particulièrement contradictoire. Il y a  
quelques mois, c’est l’extérieur – les exportations vers l’usine 
offshore calédonienne coréenne- qui était accusé de détruire l’emploi 
local (l’expérience démontre qu’il n’en est rien, bien au contraire), 
mais aujourd’hui un autre outremer – d’indicibles traders chinois ou 
suisses et des usines offshore chinoises – deviendrait le sauveur des 
mineurs mais sans les revenus métallurgiques. Quelle logique justifie 
ces idées contraires ? Ces exportations vers la Chine 
n’ajouteraient-elles pas du surplus aux excès mondiaux ? Ne 
favoriseraient-elles pas une nouvelle baisse des prix ? 
N’annihilerait-il pas l’effort calédonien car aucun gain métallurgique 
ne reviendrait vers Nouméa ?
 La tentation chinoise met en scène le conflit des rouleurs. Mais que  dit l’audit global de la filière de ces sous-traitants ? Indiquera-t-il  que les volumes de minerais exportés, et donc roulées, sont en hausse de  42% entre 2011 et 2014, en progression en 2015 ?  Indiquera-t-il que  les tonnes roulées sont payées à un prix fixe mais que les prix  d’exportation de minerai vers la Chine sont variables et beaucoup moins  élevés que les prix de l’an dernier ? Indiquera-t-il que la Chine  construit une concurrence entre le minerai philippin et le minerai  calédonien dans le but de jouer les prix à la baisse, et que cela  fonctionnera ? Indiquera-t-il enfin avec transparence les enjeux  financiers globaux, les déficits, les besoins de trésorerie ?
 L’obsession chinoise concerne donc les mineurs et non pas leurs   sous-traitants. Justement, que dit l’audit global de la filière  exportation de minerai ? Produire plus, telle l’Arabie Saoudite qui  augmente sa production et divise par plus de deux les prix du pétrole  dans le but de marginaliser ses concurrents moins compétitifs est un  comportement qui s’appuie sur une stratégie globale du Royaume et un  coût de production ultra performant. Rien de tout cela n’existe dans le  nickel calédonien, pourquoi produire encore plus pour gagner moins et  sans revenu métallurgique ? 
Car l’obsession est une source d’erreurs, elle calcule qu’en contrepartie de l’exportation de minerai, il est reçu Y% de la valeur du métal au lieu d’un plus petit X% auparavant. Mais entretemps le prix du métal s’est effondré – encore en baisse de 21% en dollars sur le trimestre-, et malgré l’évolution du taux de change euro/dollar, comparer en valeur Y% à X% devient un débat dérisoire et éloigné des réalités des marchés. En outre, s’accumulant avec d’autres origines, les importations chinoises de minerai calédonien ne fragiliseront-elles pas de nouveau les cours ?
En effet, si de petites sociétés minières freinent leur production tels Deacon ou Mirabela en Australie, en 2015 Norilsk Nickel produira encore environ 265 000 tonnes de nickel métal livrées partiellement à Shanghai et en payant des dividendes ; la production canadienne restera une valeur sure ; du ferro-nickel sino-indonésien sortira d’usines construites en Indonésie ; les producteurs philippins seront ravis si El Nino leur permet d’exporter vers la Chine en sécurité jusqu’à la fin de l’année ; les stocks du LME (plus de 8 années de la production de SLN) seront toujours élevés en dépit de la montée en puissance de ceux du SHFE. L’obsession d’exportation de minerai n’est donc pas une stratégie de long terme,. N’aboutira-t-elle pas à une controverse encore plus aiguë dès que l’Y% deviendra Z% ? Z précédant la faillite ?
	L’opportunité politique de long terme est d’œuvrer à l’apport d’une 
lumière dans une stratégie commune, adaptée aux  conditions difficiles 
de marché et basée sur la métallurgie. À court terme, aider les 
entreprises en difficulté ne passe ni par l’ombre de la Chine ni par des
 affrontements qui portent toujours les risques illustrés par le 
tragique exemple de Marikana.
 Ultimo, le Grand Homme eut-il dit « vers la Nouvelle Calédonie  compliquée, je volais avec des idées simples » ? Dilapidant son temps à  chercher d’où l’on parlait, celle-ci  n’écoutait plus ce qui lui était  dit, la crise du nickel la fera-t-elle changer