« Il est temps pour l’industrie de développer une formulation de prix qui reflète les fondamentaux de l’alumine », disait récemment un industriel de l’aluminium.
Une tonne d’aluminium, c’est de l’énergie électrique (1/3 des coûts environ) et environ deux tonnes d’alumine extraites d’environ quatre tonnes de bauxite. L’aluminium, c’est de l’électricité solide.
Simplifions. Dans le passé, les principaux fabricants d’aluminium disposaient de mines de bauxite et d’une électricité relativement abondante et/ou bon marché. Ces fabricants historiques sont concurrencés par des usines situées, par exemple, dans le Golfe ou en Chine. Dans le Golfe parce ce que l’électricité à base d’hydrocarbures est bon marché, en Chine parce les sources de bauxite sont importantes.
Cependant l’accès privilégié vers l’amont (alumine) est à confirmer pour ces usines du Golfe. Celles de Chine souffrent d’une électricité rare et plutôt chère (production d’aluminium en baisse de 15 % sur le premier semestre 2010). De plus, bien que la Chine soit la première productrice d’aluminium au monde, son abondante bauxite n’est pas toujours d’excellente qualité. C’est pour ces deux raisons qu’une migration de la production chinoise vers la Sibérie, au nord, est en cours, comme je le rappelais déjà le 30 novembre 2009 dans L’aluminium de Rusal est une occasion en or.
Au total, ce ne sont qu’environ 50 % de la production mondiale d’aluminium qui bénéficieraient d’un prix de transfert d’alumine compétitif au sein de groupes intégrés. Les autres producteurs achètent l’alumine à un fournisseur, l’alliance AWAC entre Alumina Ltd et Alcoa par exemple. Il n’est pas rare que votre fournisseur d’alumine soit aussi votre concurrent dans l’aluminium.
Le dernier changement, une autonomie du prix de l’alumine, est l’héritier de cours de l’aluminium déprimés. Jusqu’à récemment, l’alumine coûtait environ 14 %-15 % du prix de l’aluminium mais, petit à petit, sous une période de 5 ans, le leader mondial souhaite que son prix prenne son indépendance. En effet, les producteurs d’alumine souhaitent déplacer les marges de l’aval de la chaîne de valeur (aluminium) vers l’amont (mine de bauxite) et augmenter le prix de la matière première. Le monde de l’aluminium deviendrait donc plus simple. Ceux qui auront accès aux gisements de bauxite seront plus performants, par exemple Rio Tinto ou Rusal et c’est aussi l’une des raisons de l’achat de mines de bauxite de Vale par Norsk Hydro.
C’est le même mouvement que nous venons de connaître sur le minerai de fer. Hausse de la matière première (minerai de fer) car la concurrence en aval (acier) détruit de la valeur. Par conséquent, de la même manière qu’il vous faut délaisser des actions d’aciéristes non intégrés et acheter des mineurs de fer, il vous faudra vendre vos actions de producteurs d’aluminium non intégrés et acheter celles des mineurs de bauxite fabricants d’alumine et celles des géants qui maîtrisent aussi la production d’aluminium. Je crois compter ici cinq sociétés qui répondent plus particulièrement à l’un ou l’autre de ces deux derniers critères.
Je n’occulte pas le débat sur le prix de l’électricité, le deuxième vecteur du prix de l’aluminium. L’origine de l’électricité (charbon, gaz, pétrole, nucléaire, hydro) et donc son prix, est essentielle pour définir la rentabilité de la production d’aluminium et son coût écologique.
C’est bien un effet ciseau qui risque de se mettre en place : augmentation du prix de l’alumine et privilège des groupes intégrés ; forte concurrence entre producteurs d’aluminium au regard du coût de l’électricité (Canada, Russie et Golfe avantagés, Chine désavantagée) ; sans oublier une probable élévation du prix de l’aluminium réclamé par une substitution liée à la hausse des prix du cuivre et à nouveau par les rumeurs, si elles se confirment, d’ETF aluminium qui absorberaient une partie des stocks disponibles.
Publié dans Les Échos le 26 11 2010