Métaux stratégiques et économie circulaire

Le monde est une transition permanente. La transition énergétique nous entraine vers les métaux stratégiques.

Depuis le big-bang, le monde est une transition permanente : démographique, énergétique, géopolitique, industrielle. Les mines ont suivi ces transitions depuis l’âge de la pierre, du fer, du bronze, du charbon, puis au XX siècle les mines d’or, d’uranium et de métaux de base qui étaient situées en surface se sont progressivement éloignées en profondeur dans la croute terrestre.

Nous vivons une nouvelle transition minière, celles des métaux stratégiques et critiques. Un métal stratégique s’éloigne de critères géologiques ou bien de marché et répond à des ambitions politiques essentielles de l’État. Un métal critique connait des risques élevés de déficit sans percées scientifiques permettant une substitution. Les uns comme les autres voient ces classifications évoluer d’un pays à l’autre, d’une industrie à une autre et tout ceci est  hautement évolutif avec le temps.

  A la différence de celles du passé notre transition des métaux stratégiques et critiques est omniprésente, globale, pandémique. Tout le monde veut ces métaux pour tout et en même temps : pour toutes les industries  – aérien, automobile, domotique, électronique, industrie lourde…-  et surtout pour « l’après électricité carbonée » (le charbon est encore à l’origine de 40% de l’électricité mondiale). C’est pourquoi le colloque  organisé à  l’Assemblé Nationale le 12 juin dernier par Global Links, l’Orée et parrainé par le Député Serge Bardy et regroupait toute la profession passionnée par les métaux stratégiques et l’économie circulaire.

  Cette transformation nécessite une chaine de valeur des métaux stratégiques et critiques qui commencera dans l’industrie minière, puis elle évoluera vers des utilisations industrielles diverses  avant de voir les métaux recyclés dans 10 ans pour les premiers mais après 2050 pour la plus grande partie.

  Au départ il faut donc un stock de métaux important, et la première difficulté minière est la distribution géologique. Sauf exception, il n’existe pas de mine de métaux rares. Dispersés pour la plupart, leur production est issue de celle d’un métal primaire, par exemple l’indium provient de la mine de zinc. La construction de la croute terrestre à cependant donné lieu à des accidents géologiques qui, de temps en temps, ont concentré une famille de métaux rares en un endroit. C’est le cas des platinoïdes en Afrique du Sud et en Russie, le Béryllium aux Etats-Unis, le Bore en Turquie, … Naturellement, cette distribution géologique hétérogène donne une prime aux pays producteurs et elle est bien différente de l’exploitation économique hétérogène  des terres rares par la Chine. Bien que les terres rares légères soient plus abondantes que les terres rares lourdes, les 17 terres rares ne sont pas rares. Comme chacun sait, elles sont globalement aussi abondantes ( faillite des terres rares ) que le cuivre et sont également présentes dans le sous-sol européen.

  Ensuite, il y a la manière. Notre époque précautionneuse réclame plus de métaux stratégiques et critiques, mais elle les réclame avec une  mine durable et responsable placée à l’intersection de quatre forces: l’environnement, l’économie, le social et le gouvernement. La mine doit interagir avec ces quatre parties prenantes, elle doit apporter de l’information, dialoguer, emporter l’adhésion sans oublier ses propres difficultés, les mines sont structurellement construites pour le très long terme mais avec de nombreux risques de court terme : variations des prix des ressources naturelles ; évolution du droit notamment à l’égard des licences d’exploration – d’exploitation, des taxes minières et de l’environnement ; compromis d’utilisation d’eau et d’électricité.

Enfin, il y a la demande. La demande de métaux stratégiques et critiques s’accroît tout comme augmentent les consommations des autres métaux. Au total nous pourrions avoir à fournir une consommation équivalente 2.5 à 3 fois la Chine de 2000 à l’horizon 2050. En effet, la Chine n’a fait que la moitié du chemin, l’Inde arrive suivit de l’Asie du Sud-Est puis l’Afrique ( lorsque le consommateur africain se réveillera, la Chine tremblera ) . Dans le même temps  la transition énergétique mondialisée qui doit éliminer l’usage du charbon est au moins une nouvelle Chine en termes de métaux stratégiques, critiques mais également de métaux communs et de matériaux.

  Cet empilement  de demandes préoccupe.
Les quantités augmentent certes mais le qualitatif évolue également. Les états et les industries se focalisant en même temps sur les mêmes ressources naturelles, celles-ci cumulent les deux classifications de stratégique et de critique, c’est en général explosif.


Basée notamment sur l’éolien et le solaire et s’engouffrant dans des illusions rédemptrices telle que l’hydrogène, la transition énergétique mondiale cumulera d’ici à 2050 une immense demande de ressources classiques (cuivre, aluminium, béton, acier) et stratégiques & critiques qu’il faudra pourtant produire … à partir d’énergie carbonée.

  Ultimo, il risque de ne pas avoir assez de métaux stratégiques et critiques pour tout le monde en même temps, nous rentrons par conséquent de plein pied dans le monde de la consommation compétitive : l’allocation des ressources y est décidée par le producteur et non plus par le consommateur armé de son prix.

  Comment faire ? Comment produire à partir de mines responsables autant d’infrastructures pour une électricité décarbonée ? Il existe deux pistes.

La première réside dans le développement des mines locales, notamment en Europe, de façon à réserver les productions minières de pays émergents à leurs propres transitions vers le « sans charbon ». C’est le mouvement du Locamine parallèle dans ses objectifs à celui du Locavore : produire et exploiter localement. Mais avant d’exploiter il faut explorer, par exemple en France sait-on que l’horizon géologique est inconnu sous les 100-150 mètres !

  La deuxième est dans l’économie circulaire. L’économie circulaire n’est pas une menace pour la mine. Parfois le recyclage est réaliser dans les équipements des mineurs ; parfois le recyclage évite aux prix des métaux d’exploser ; parfois la re-conception de produits finis permet non seulement de consolider la consommation des métaux parce qu’elle diminue le coût des produits finis, mais en outre elle développe la demande car des prix de métaux stables favorisent de nouvelles applications.

Mais le recyclage des métaux rares s’accompagne d’une complexité encore irrésolue.
1. La collecte  reste un métier à part entière. De nombreux métaux n’ont pas un taux de recyclage satisfaisant. Si le consommateur est plus sensible à une incitation économique plutôt que l’incitation politique ou morale actuelle, peut-on adapter les éco-organismes ?
2. Les assemblages et alliages industriels de métaux sont différents des polymétalliques naturels et demandent des dislocations, identifications, séparations innovantes avant les étapes d’hydrométallurgie ou de pyrométallurgie classiques.
3. Les quantités unitaires industrielles sont parfois plus difficiles à concentrer que celles connues dans la nature, parfois les couches sont si minces que les métaux ne sont pas recyclables.
4. À la différence des platinoïdes qui se recyclent quasiment sans fin, les incapacités ou pertes  d’affinage ne permettent pas de recycler 100% des déchets. Ce recyclage n’est pas infini.

Mines, métaux, économie circulaire, rares sont les colloques qui regroupent les professionnels de toute la chaine de la valeur, à refaire !