In Les Échos 20 04 2017
L’or des minerais de sang se prolonge en or du terrorisme. l’OCDE combat l’or du terrorisme ?
C’est début mai que l’OCDE rassemblera près de 1000 délégués d’états, d’ONG et d’entreprises à Paris au cours du 11ème forum sur l’approvisionnement responsable en minerais. Comme nous le rappelions « ici » l’an dernier, cet évènement annuel trouve ses racines dans la tragique région des Grands Lacs et autour des minerais de sang (tungstène, étain, tantale, or) qui permettent le financement des bandes armées.
La situation des Grands Lacs et de la RDC en général n’est pas excellente. Le pays est une zone de conflits, il souffre de deux guerres depuis des décennies. La première que l’on qualifiera d’interétatique sur la frontière orientale, la seconde que l’on nommera « guerre civile » entre les forces étatiques et les bandes armées de l’intérieur du pays. Selon le philosophe, une guerre juste « est celle qui combat contre des conditions de vie que les peuples n’acceptent plus ». N’épiloguons pas, il est souhaitable que même juste elle soit la plus courte possible. Cependant, en RDC, depuis le temps que durent ces deux guerres, on s’interroge: pourquoi l’armée ne réussit-elle pas à mettre un terme à la « guerre civile », et pourquoi des solutions politiques ne sont-elles pas trouvées entre Kinshasa, Kampala, Kigali et Bujumbura sur la frontière orientale ? À qui ces deux conflits profitent-ils alors que l’économie de guerre qui en découle soutient les affres entachant les revenus de l’artisanat minier local ?
Toutefois, des progrès sont enregistrés dans les filières du tungstène, de l’étain et du tantale, grâce notamment à la mobilisation des entreprises des pays consommateurs. Les réseaux de ces métaux industriels sont plus simples à améliorer dès que les consommateurs se mobilisent pour enrayer les trafics. Après les succès de l’OCDE dans ce trio tungstène-étain-tantale en RDC la prochaine avancée pourrait avoir lieu dans d’autres pays dans le secteur du mica ; là, ce sont les industries des cosmétiques et des peintures, dont l’automobile, qui seront aux premiers rangs.
Mais l’or reste un problème. Bien que des organisations telles que Fairmined, l’or équitable et la joaillerie éthique valorisent avec succès un artisanat minier aurifère, notamment en Amérique du Sud et en Afrique de l’Ouest en favorisant des d’emplois stables dans les zones rurales et donc un développement économique local, la situation globale reste incertaine. J’auditais récemment une affinerie de métaux précieux et les possibilités de filières d’écoulement des lingots, sont toujours plus nombreuse et plus diverses.
Nombreuses, car malgré les progrès, quelques régions du monde couvrant l’Est et l’Ouest de l’Afrique, le Golfe et l’Inde, n’appliquent pas ou peu les normes de traçabilité démontrant que l’or artisanal n’est pas entaché d’atteintes aux droits des hommes, des femmes et des enfants.
Diverses car l’or artisanal est l’un des moyens les plus sûrs pour blanchir, frauder et pour financer le terrorisme. Après qu’ils aient été rançonnés auprès d’une mine artisanale du Sahel, de Colombie ou du Pérou (ou bien surpayé auprès d’une mine d’Afrique de l’Ouest) , après qu’ils aient été échangés contre la migration d’êtres humains en route vers l’Europe puis contre des narcodollars puis contre des armes destinées aux milices locales, aux bandes armées ou au terrorisme, et enfin après que leurs provenances aient été falsifiées via un faux certificat d’origine sud-américaine ou asiatique, il est si facile de faire voyager ces quelques kilos d’or artisanal sur les lignes aériennes à destination d’Europe, du Golfe, de l’Inde ou des États-Unis pour terminer de blanchir toute la filière. C’est ainsi que l’or des minerais de sang se prolonge en or du terrorisme.
Au 1er janvier 2021, les entreprises européennes devront certifier que leurs filières d’approvisionnement en métaux sont conformes à la nouvelle norme européenne sur la traçabilité des minerais…; sauf dans le cas particulier de l’or si les approvisionnements annuels de l’entreprise sont inférieurs à 100kg …
Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible !