Rhodium et palladium : une crise des métaux liée à la crise de la voiture

In La Tribune 14/02/2020

Chacun sait qu’il y a une pénurie organisée de rhodium depuis 6 mois. Il est évident pour tous que le rhodium comme le palladium sont des produits secondaires de la mine de platine en Afrique du Sud et de la mine de nickel en Russie et au Canada. Au total, ces pays produisent chaque année moins de 35 tonnes de rhodium alors que la production de platine est 8 fois plus grande, 10 fois plus pour le palladium et 120 fois plus pour l’or. Nul n’ignore qu’au moins un constructeur automobile européen n’a pas assez de rhodium, métal indispensable aux pots catalytiques des moteurs à essence pour traiter le NOx, et que chaque véhicule intègre 2 à 4 grammes de platinoïdes.

Chacun sait que cette petite crise est amplifiée par quelques investisseurs qui ont chacun acheté 1000 t.oz (once troy) (31Kg) de rhodium entre 1.600 dollars et 2.500 dollars/t.oz, pour les plus chanceux. Ils espèrent tous les revendre à 15. 000 dollars ou 20. 000 dollars alors que le prix actuel de 11. 000 dollars ressemble déjà à une grenade enveloppée de chocolat.

Trading à Noisy-le-Sec

Jusqu’ici rien de nouveau. Je vis ici ma quatrième crise du rhodium, et ce que chacun ignore c’est qu’au cours des crises précédentes le quartier parisien du Marais et la ville de Noisy-le-Sec devinrent le centre mondial du trading du rhodium.  Nous y importions le métal de Moscou et Johannesburg, nous l’exportions de la Rue de Paris à  Noisy Le Sec vers Washington, Tokyo et toute l’Europe. Les lots unitaires étaient de 3.000t.oz à 5.000t.oz et les marges conséquentes. Les connexions sont toujours vivaces.

Cette mini crise du rhodium et du palladium n’est donc pas le reflet d’une insuffisance de l’offre, qui produit plus que par le passé, mais comme à chaque fois d’une augmentation de la demande liée au durcissement des normes de dépollution automobile : tout le monde en veut plus, en même temps, de manière désordonnée compte tenu du dieselgate et de l’effet démultiplicateur des nouvelles normes de dépollution en Chine.

Du sang sur les murs

Comme à chaque fois l’histoire se terminera avec du sang sur les murs lorsque le soufflé retombera grâce à la substitution. Cette dernière pourrait temporairement venir du platine qui remplacerait le palladium et allégerait la consommation de rhodium. Il est plus probable cependant qu’elle vienne de la voiture électrique et non pas du véhicule hybride. Ce dernier est le meilleur compromis pour les constructeurs, mais le moins raisonnable pour les métaux. L’hybride cumule la consommation des platinoïdes pour les pots catalytiques et celle des métaux de la batterie. Certes, ces derniers sont moins lourds dans une batterie hybride qu’une batterie d’un véhicule 100 % électrique, mais les quantités de platinoïdes sont identiques entre une voiture classique et une propulsion hybride.

En résumé, la crise de la voiture est devenue celle des métaux, et la solution viendra des métaux.