Transition énergétique : quelle électricité verte ?

In Les Échos le 25 02 2012

La nature du sujet, la transition de l’énergie, impose un préambule parce que les sujets énergétiques sont passionnés et à haut risque. Il faut prendre des précautions pour, au sens propre, désarmer le débat.

Mon pays abrite plusieurs industries dont l’une, les Enerjix, est chargée d’apporter l’énergie à la société. Les Enerjix se divisent en plusieurs familles.

  • Les Turbinix recueillent une force qui entraine une turbine dont le mouvement engendre l’électricité.
  • Les Idrolix ont leurs barrages d’eau douce, les Marémotrix travaillent l’eau de mer.
  • Les Jéotermix chauffent de l’eau dans les profondeurs souterraines et leurs cousins les Sismix recueillent des profondeurs de la vapeur d’eau naturelle.
  • Les Fossilix brulent hydrocarbures et charbon importés pour produire de la vapeur d’eau.
  • Les Fissionnix exploitent l’uranium, peut-être un jour le thorium.
  • les Fusionnix, lance une nouvelle aventure autour du deutérium et du tritium.
    Les Turbinix rencontrent des questionnements : ennoyage de vallées, géomécanique des roches, combustibles usés…
  • Les Kirkix exploitent le vent sur terre mais développent des éoliennes maritimes autour d’alliages de terres rares critiques.
  • Les Astronomix exploitent le soleil et disposent de plusieurs points d’encrage autour des villages de Termix, de Termodinamix, de Fotovoltahix. A chaque fois une substance (silicium, gallium, indium, polymère, argent…) transforme la lumière en énergie.

Ethix, est un druide isolé dans sa ruralité, il pense qu’il se suffit très bien du bois des Naturalix pour subvenir à ses besoins ménagers. Mais il est émerveillé par la diversité des Enerjix tout en regrettant leurs oppositions fratricides. Certains imposent leurs nouvelles ressources accessibles grâce au progrès scientifique sans pour autant proposer une complémentarité, le temps que tous convergent vers une énergie ultime. Et là, la puissance de l’électricité des Fusionix le fascine.

Certaines prévisions annoncent un mur énergétique en 2050 pour des populations encore plus urbaines, de nouvelles industries et de nouveaux transports. C’est pourquoi Ethix participe aux réflexions sur un renouveau énergétique et, pour se fixer les idées, il parcoure le globe en compagnie de ses amis Démocratix et Enerjimix.
Pour les guider dans le monde, ils emportent toujours avec eux deux petits livres stimulants : « Le résident » sur l’ethnologie comparée et « Énergie et géopolitique » sur les différentes doctrines énergétiques mondiales. Ils observent notamment la lointaine tribu des Aziatix et en particulier les Maohix qui produisent tous azimuts plus d’énergie chaque jour. Ils pensent que ces progrès sont liés au fait que les présidents et 1er ministres Maohix sont tous des ingénieurs ad hoc depuis le départ du vieux chef Dengzihahopix. Ils comprennent ce qu’ils décident.

Lorsqu’Ethix revient de voyage, il se rend invariablement à la grande taverne commune à tous, Audébatpublix, celle qui appartient à son ami Politix, pour proposer des stratégies nouvelles à Transitionénerjétix, le chef des Enerjix. Malheureusement, ce dernier est flanqué de deux secrétaires qui ne s’entendent pas, Economix et Ecolojix. Le premier a l’esprit calme mais rigide, le deuxième le caractère nerveux mais insurgé ; leur méconnaissances techniques réciproques leur interdisent de concevoir une technologie nouvelle ; les suggestions énergétiques du premier sont rarement vertes celles du second souvent dans le rouge ; ils n’épaulent pas la créativité d’Ethix qui préfère écouter un mathématicien disserter sur « la théorie des cordes est-elle transverse aux fractales ? » plutôt que les arguments de ces deux « marchématiciens » à propos de l’impact du principe de précaution sur coût électrique.

Plus que tout, il regrette que la taverne de Politix soit fermée à ses amis :

En effet, les Calculatrix et les Romillix sont bannis de la taverne Audébatpublix sous l’influence d’un quarteron de vieux serveurs : Idéologix, Dogmatix, Guerremédiatix et Sinix qui exploitent l’une de nos caractéristiques consubstantielles, la susceptibilité, pour engendrer des guéguerres internes. Vivement qu’ils partent en retraite et qu’ils soient remplacés par les jeunes Processusitératix, Pragmatix, Euripidix et Comix. Ceux là trouveront une place pour chacun

Achevons ce petit préambule d’une bande dessinée chez Transitionénergétix qui permettra, je l’espère, de détendre l’atmosphère.
Nous avons tous besoin du meilleur des énergies mais deux questions sont rarement posées. Qui décide ? Quels mécanismes captent les énergies ?

Qui décide ?
Les hommes d’Etat décident de doctrines matières premières pour la production de ressources naturelles nationales : si leur territoire est riche, ils dirigeront leurs pays vers l’indépendance énergétique, l’indépendance minérale et l’autosuffisance alimentaire. A l’inverse, si leur territoire comporte des faiblesses dans l’un de ces trois domaines ils relèveront le défi de ces dépendances en privilégiant la science à d’autres moyens belliqueux. Rien n’est pire qu’une dépendance imprévue, non choisie, impréparée : être indépendant c’est aussi choisir ses dépendances et ne pas les subir.
Il est naturel que ces choix doctrinaux appartiennent au débat politique tout comme il est normal qu’en démocratie les conclusions s’éloignent des visions des minorités. Ces modèles de dépendance et d’indépendance choisies bâtissent aussi la relation particulière et complexe entre les populations et l’idée de nation.

Les hommes d’état guident ces politiques de manière raisonnable, équitable en prix et en disponibilité, pour le compte de populations quelles soient urbaines ou rurales. Les nations se différencieront en fonction de ces doctrines et celle de l’énergie sera basée sur le charbon, le gaz, le pétrole, le nucléaire, l’hydroélectricité ou bien sur le climat. Il n’y a pas de « modèle matières premières » meilleur qu’un autre, mais des modèles différents adaptés aux contingences et qui évoluent dans le temps en fonction du progrès et des opportunités.

Ces choix se réalisent dans un XXI siècle qui voit sa population croitre vers les 10 milliards tandis que les relations d’États producteurs de matières premières et les États consommateurs de ressources naturelles ne sont plus des relations de marché mais des relations de souveraineté.

C’est une erreur que d’ouvrir un débat énergétique sans écouter les avancées de celle qui est à l’origine des éoliennes, du photovoltaïque, du nucléaire … : la science.
En préambule, cette dernière commencerait sans doute par rappeler ses normes : le détachement (dépassionné), l’universalité (sociale et éthique), le scepticisme (soumettre à l’épreuve des faits) et la publicité de ses découvertes (liberté de la connaissance). Puis elle insisterait sur un point : l’inverse du chemin de la découverte scientifique c’est celui de la précaution et les excès de son principe. Ce dernier repousse l’incertain, l’imprévisible, l’inconcevable, et en un mot l’inconnu alors que ce sont eux parfois entourés du hasard et de la chance qui président aux découvertes scientifiques.
Elle ajouterait sans doute que la société qui lui demande des progrès doit accepter ses règles de recherche c’est-à-dire observation, expérimentation, conclusion selon un processus itératif.
Elle remarquera enfin que les normes scientifiques d’aujourd’hui ne sont naturellement pas celles de demain et sans doute demandera-t-elle que la société évalue périodiquement l’éthique, la morale, ses règles de travail en fonction des découvertes. A ce sujet je vous encourage à consulter les travaux de la récente université d’été de l’Institut des Hautes Études pour la Sciences et la Technologie.

Au-delà de ces généralités, sommes- nous loin du mix-énergétique ? Au contraire, les avancées dans le nucléaire, les hydrocarbures de schiste, le solaire, les éoliennes… obéissent à ce théorème.

Quels mécanismes captent les énergies ?
La transition énergétique a deux fondements : l’énergie ultime est l’électricité et quatre critères sont discutés : l’épuisement des ressources, le CO2 et les déchets, le prix au consommateur, l’emploi.

Qui décide ?
Les hommes d’Etat décident de doctrines matières premières pour la production de ressources naturelles nationales : si leur territoire est riche, ils dirigeront leurs pays vers l’indépendance énergétique, l’indépendance minérale et l’autosuffisance alimentaire. A l’inverse, si leur territoire comporte des faiblesses dans l’un de ces trois domaines ils relèveront le défi de ces dépendances en privilégiant la science à d’autres moyens belliqueux. Rien n’est pire qu’une dépendance imprévue, non choisie, impréparée : être indépendant c’est aussi choisir ses dépendances et ne pas les subir.
Il est naturel que ces choix doctrinaux appartiennent au débat politique tout comme il est normal qu’en démocratie les conclusions s’éloignent des visions des minorités. Ces modèles de dépendance et d’indépendance choisies bâtissent aussi la relation particulière et complexe entre les populations et l’idée de nation.

Les hommes d’état guident ces politiques de manière raisonnable, équitable en prix et en disponibilité, pour le compte de populations quelles soient urbaines ou rurales. Les nations se différencieront en fonction de ces doctrines et celle de l’énergie sera basée sur le charbon, le gaz, le pétrole, le nucléaire, l’hydroélectricité ou bien sur le climat. Il n’y a pas de « modèle matières premières » meilleur qu’un autre, mais des modèles différents adaptés aux contingences et qui évoluent dans le temps en fonction du progrès et des opportunités.

Ces choix se réalisent dans un XXI siècle qui voit sa population croitre vers les 10 milliards tandis que les relations d’États producteurs de matières premières et les États consommateurs de ressources naturelles ne sont plus des relations de marché mais des relations de souveraineté.

Les pays producteurs sont souverains sur un sol ou bien un sous-sol et exercent des stratégies de puissance que l’on résume sous le terme de Nationalisme des Ressources naturelles. Ils auront tendance à valoriser davantage leurs exportations voire à les réduire pour privilégier leurs populations. Cette idée est résumée dans un billet précédent sur ce blog : « quand le consommateur africain se réveillera la Chine tremblera ».

Les pays consommateurs sont en général souverains sur une industrie, sur le développement de filières industrielles et des stratégies d’influences qui y sont associées mais dans de nombreux domaines ils enregistrent de réelles menaces.

C’est une erreur que d’ouvrir un débat énergétique sans écouter les avancées de celle qui est à l’origine des éoliennes, du photovoltaïque, du nucléaire … : la science.
En préambule, cette dernière commencerait sans doute par rappeler ses normes : le détachement (dépassionné), l’universalité (sociale et éthique), le scepticisme (soumettre à l’épreuve des faits) et la publicité de ses découvertes (liberté de la connaissance). Puis elle insisterait sur un point : l’inverse du chemin de la découverte scientifique c’est celui de la précaution et les excès de son principe. Ce dernier repousse l’incertain, l’imprévisible, l’inconcevable, et en un mot l’inconnu alors que ce sont eux parfois entourés du hasard et de la chance qui président aux découvertes scientifiques.
Elle ajouterait sans doute que la société qui lui demande des progrès doit accepter ses règles de recherche c’est-à-dire observation, expérimentation, conclusion selon un processus itératif.
Elle remarquera enfin que les normes scientifiques d’aujourd’hui ne sont naturellement pas celles de demain et sans doute demandera-t-elle que la société évalue périodiquement l’éthique, la morale, ses règles de travail en fonction des découvertes. A ce sujet je vous encourage à consulter les travaux de la récente université d’été de l’Institut des Hautes Études pour la Sciences et la Technologie.

Au-delà de ces généralités, sommes- nous loin du mix-énergétique ? Au contraire, les avancées dans le nucléaire, les hydrocarbures de schiste, le solaire, les éoliennes… obéissent à ce théorème.

Quels mécanismes captent les énergies ?
La transition énergétique a deux fondements : l’énergie ultime est l’électricité et quatre critères sont discutés : l’épuisement des ressources, le CO2 et les déchets, le prix au consommateur, l’emploi.

Épuisement des ressources :

pour fabriquer de l’électricité les pays ont tous choisis un vecteur dominant : le charbon, le gaz, le pétrole, le nucléaire ou le climat… . Il n’y pas de modèle énergétique optimal, sinon nous l’aurions tous adopté et nous aurions tous ensemble déjà épuisé la même ressource.

Qu’observons-nous ? Des plateaux de productions pétrolières remplacent les pics pétroliers et gaziers annoncés grâce aux nouvelles techniques et aux découvertes (schiste, zones pré-salifères brésiliennes…) ; le charbon semble inépuisable ; les STEP hydrauliques prolongent indéfiniment l’eau si nous disposons d’une production électrique « fatale » par exemple éolienne ou du solaire ; le vent, le soleil et les courants marins sont à notre échelle infinis ; les réacteurs nucléaire à neutrons rapides (RNR) permettent une indépendance électrique d’environ 8000 à 10000 ans en brulant le combustible usé de nos centrales actuelles ; A notre échelle humaine la fusion nucléaire est sans limite ; les déchets organiques sont en croissance avec la démographie… L’épuisement des ressources est de moins en moins un critère décisif.

CO2 et déchets :

on connait les responsables. Mais l’enfouissement du CO2 est une avancée scientifique, les RNR réduiraient considérablement les besoins en uranium minier ainsi que stocks de combustibles usés. En revanche, les éoliennes de deuxième génération à aimant permanent en alliage de terres rares critiques (néodyme et dysprosium notamment) demandent un accroissement de la production minière.

Le prix au consommateur :

la consommation est différente dans les pays développés et les pays en croissance, mais les attentes vis-à-vis du prix sont les mêmes : le moins cher possible et une disponibilité maximum.

Comparez la consommation électrique entre industries et ménages en Chine avec celle des pays de l’OCDE et mesurez l’impact de la future croissance de consommation mondiale d’électricité. Aujourd’hui, en France le coût de production du nucléaire est le moins cher et fonctionne à la demande ; l’éolien terrestre à un coût médian aux environs de 1.5 à 2 fois celui du nucléaire, le coût de l’éolien maritime est annoncée entre 2.5 et 3.5 fois celui du nucléaire, le coût du photovoltaïque baisse continument mais reste encore entre 3 et 3.5 fois celui du nucléaire. Éolien et solaire fonctionnent en fonction de l’offre de vent et du soleil.
Le prix de l’hydraulique est enviable, mais pourrions-nous ennoyer de nouveaux des vallées en Europe ?
Si le citoyen doit exprimer un choix de production électrique, il doit aussi être conscient d’un nouveau prix, ce dernier sera d’autant plus élevé que la régularité de production sera incertaine. En résumé, le prix est moins élevé si l’énergie est nationale, massive et régulée par la demande plutôt que par l’offre.

-L’emploi :

si l’énergie électrique est fabriquée en Europe, alors elle engendre des emplois. c’est le cas du nucléaire, des hydrocarbures de la Mer du Nord et des hydrocarbures de schiste, un peu moins pour les énergies climatiques si les modules Hi-Tech restent fabriqués en Chine. Technologie locale est égale à emplois locaux.

Selon ces quatre critères chaque modèle connait des avantages symétriques d’un accès aux ressources locales, à la gestion des rejets, à la demande du consommateur et à l’emploi.

Cinquième critère
Un autre critère, un cinquième, la disponibilité des ressources naturelles qui donne accès à une énergie massive, apporte une autre vision décisive.

Hydrocarbures et uranium
Gaz, pétrole, et uranium sont captés directement grâce à de l’acier c’est-à-dire du minerai de fer, du charbon, du nickel, du chrome… : ce sont les appareillages de forage d’extraction, de transports, de raffinage, des engins de chantiers (camions, tractopelle…), des énergies (diesel, électricité…) pour les mouvoir … Ensuite la destruction du pétrole, du gaz, du charbon ou de l’uranium produira de l’électricité via de la vapeur d’eau turbinée et l’on utilise du béton, de l’acier, du cuivre, l’aluminium…
Le schéma est différent pour d’autres énergies « à turbine » (hydroélectrique, géothermie, méthanisation …) mais les capteurs utilisés (béton, acier) sont les mêmes.

Il n’y a pas de difficulté pour ces capteurs. Certes, les prix du minerai de fer, du charbon ou de l’aluminium, par exemple, sont versatiles mais il n’y a pas de rupture de production. Ce critère ne discrimine pas ces matières.

Éolien et Solaire
Le raisonnement de captation d’une force par des matériaux prend parfois une tournure différente.
Éolien
L’éolien terrestre est mature et il capte l’énergie du vent avec les mêmes ressources abondantes que ci dessus (acier, fibre de carbone, béton…). Mais, la fréquence des vents marins pousse les éoliennes en mer. Elles y seront géantes : 5 à 10 MW l’unité contre 2MW en moyenne sur terre. Dans ce milieu maritime l’usure lié à l’environnement (sel, tempêtes, ouragans) est un coût bien connut de l’industrie pétrolière off-shore. C’est pourquoi, l’entretien des nacelles d’éoliennes et leurs poids seront minimisés grâce, notamment, aux aimants permanent à base d’alliages de terres rares critiques qui suppriment l’usage et l’encombrement d’un multiplicateur de vitesse.

Mais le déséquilibre entre l’offre minière insuffisante de terres rares critiques (dysprosium, europium, néodyme, terbium, yttrium) et la demande globale sera un verrou à cette version maritime des éoliennes. En effet, la quantité de terres rares critiques par MW est substantielle, environ 180Kg, alors qu’elle n’est que de quelques grammes dans un ordinateur, quelques dizaines de décigrammes pour un vélo électrique, moins de 3 kilogrammes pour une voiture électrique.

Ce changement d’échelle dans la consommation provoque une question : qui décidera la stratégie de distribution des terres rares critiques entre toutes ces industries en « consommation compétitive » les unes contre les autres ? Dépassant le simple problème des terres rares critiques et en l’étendant à d’autres métalloïdes critiques répertoriés sur ce blog, c’est évidemment le producteur de matières premières qui oriente les flux. S’il privilégie des critères marchands, cela porte le risque de ruiner les objectifs d’écologie lorsque ces biens deviennent des produits de luxe réservé à une minorité. Cette dépendance économique s’effacera au profit d’une dépendance stratégique si la volonté coercitive d’un l’état producteur domine le marché. Après le choc pétrolier d’il y a près de 40 ans c’est le choc de métalloïdes.

En résumé, nous connaissions le modèle mondial de contagion lente de l’acier en plus d’un siècle, de la construction de la tour Eiffel aux tours des villes chinoises. Pour les métaux stratégiques, nous assistons à une épidémie mondiale galopante aussi bien dans des éoliennes maritimes que dans la voiture électrique ou l’électronique par exemple. Ces industries se sont engouffrées dans des solutions techniques sans se préoccuper de l’offre de ressources naturelles minérales nécessaires et une interrogation taraude les stratèges : si nous réservons ces matières critiques à la production électrique, recyclage inclus, en aurons-nous assez pour aussi consommer l’électricité d’une manière moderne et économe ? Il nous faut peut-être admettre les effets d’une pénurie relative de métalloïdes et, en un mot, proposer de réduire leur utilisation dans la production électrique et privilégier leur affectation à la consommation : voiture électrique, nouveaux avions, diodes, puces électroniques, téléphones intelligents, écrans OLED, stockage de l’électricité, piles à combustible, lasers, … etc.

Autres perspectives ?
Les abondants hydrocarbures de schiste aux États-Unis ont l’effet collatéral d’une transition énergétique inattendue : retrait de l’éolien et du charbon. Les crédits d’impôts destinés à l’exploitation des éoliennes sont supprimés et pourraient par la suite entrainer une baisse de la consommation des aimants permanents aux États-Unis. Ce dernier mouvement est à vérifier.
Certes, avec des aménagements, il possible d’utiliser la technologie terrestre pour les nouvelles éoliennes maritimes géantes mais le coût marin sera largement plus élevé que le coût terrestre.

La recherche substituera un jour de nouveaux matériaux aux métalloïdes critiques mais les équilibres de ces autres marchés s’en trouveront probablement aussi altérés, éternel recommencement.

Ces matières critiques sont dans la croute terrestre mais parfois elles sont des coproduits d’autres métaux majeur et connaissent des productions opportunistes. Cela complique grandement les raisonnements et provoque souvent des erreurs d’addition lorsque l’on ajoute des ressources disponibles sans se préoccuper des réserves économiques ni des modèles d’extraction.

De toutes petites mines de terres rares critiques vont ouvrir mais lorsque l’on contemple la sinuosité du projet australo-malais de Lynas, il n’y a nulle élasticité, ni quantité suffisante, ni souplesse technique du coté de l’offre. De plus, nous ne disposons pas de leader minier en France capable d’assumer cette tache et il nous faut construire rapidement une Task Force dirigée de manière incontestable pour reconstruire l’outil industriel

Certes de nouvelles ressources de terres rares critiques seront découvertes mais comment seront-elles exploitées ? Rappelons qu’un projet minier est accompagné de pratiques environnementales connues comportant un inventaire préalable de la biodiversité, une étude d’impact notamment sur la pollution de l’eau, puis le réaménagement et la réimplantation de la biodiversité après exploitation. Comment évaluer ces éléments dans le cadre des nouvelles mines sous-marines ? Ne serait-il pas préférable de commencer par explorer notre continent européen, mais sommes-nous prêts à de nouvelles mines en Europe ?

Le critère ressource naturelle discrimine les éoliennes maritimes équipées d’un alliage en terres rares critiques sauf si des réserves minières devenaient soudainement économiques et substantielles. Toutefois, les capacités de la production d’aimants chinoises sont compétitives, elles ne sont utilisées qu’à environ 50% et il y a peu de fabricant en dehors de Chine…

Solaire
Le solaire connait une situation en évolution et radicalement différente de l’éolien. Plusieurs ressources naturelles encadrent le photovoltaïque, le thermique et la thermodynamique.

Photovoltaïque Silicium 80% à 90% des cellules photovoltaïques sont équipées de silicium et il n’y a pas risque de pénurie de ressource. Dans le passé l’industrie solaire utilisait des déchets de silicium monocristallin pur et cher en provenance de l’industrie micro-électronique. Les rendements étaient de 17% à 22 % Depuis 5 ans Le poly-silicium solaire remplace le monocristallin. S’il est légèrement moins pur que son ainé et son rendement inférieur de 1%, son procédé métallurgique de fonte affinante de quartz est deux fois moins cher à environ 25 dollars le kilo. Le coût du procédé baissait considérablement, passant de 1€/W à 0.5€/W-0.6 €/W.

Le silicium a deux points faibles. Le premier est l’emploi d’argent métal pour la connectique. Il peut être remplacé par du cuivre mais le rendement s’en ressentirait et il vaut mieux s’aider d’outils financiers de gestion des risques pour résoudre les tensions de prix d’un métal qui n’est pas rare.
La deuxième difficulté est l’avantage compétitif chinois qui provoquait une baisse des prix mais aussi les drames de l’industrie solaire européenne et celle des États-Unis.

Couches Minces

Les couches minces au tellure de cadmium ont des rendements situés entre 14 % et 16%. Mais cette technologie est devenue moins compétitive que le silicium, la disponibilité de la ressource peut devenir une difficulté comme la réputation de toxicité du processus de fabrication. Le coût du procédé de fabrication est de l’ordre de 0.7€/W à 0.8 €/W.

Les couches minces Cuivre-Indium-Gallium- Sélénium ont un potentiel de rendement entre 14% et 16%. Mais l’accès à la ressource, notamment l’indium et le Gallium, est très mal anticipée par les acteurs, ces imprévus seront lourdement sanctionnés. Le coût du procédé de fabrication est de l’ordre de 0.7€/W à 0.8 €/W.

Les couches minces polymères ont un rendement de 3 à 5% et sont réservées aux utilisations marginales : jetable, publicité…

Les couches minces de silicium ont un procédé de fabrication peu économique de l’ordre de 0.9€/W

Au total de 20 à 40% du coût de la cellule photovoltaïque sont des matières premières et le solde est le coût industriel.

Thermique 

Le solaire thermique est dépendant de métaux communs notamment cuivre et aluminium et la tendance est de revisiter le support actif pour des polymères. Il fort est regrettable que ce système ne soit pas systématisé dans l’habitat aussi bien individuel que collectif.

Thermodynamique La présence de l’argent métal dans les miroirs des concentrateurs solaires explique qu’ils représentent 30 % du coût de la centrale. L’argent métal n’est pas rare.

Le silicium et le solaire forme une couple solide pour l’avenir. Nous ne devrions pas lâcher prise.

Nucléaire

Fission Les Réacteurs à Neutrons Rapides permettent de multiplier par 50 les réserves économiques d’uranium. Mais avant d’exploiter de nouvelles mines, l’utilisation de ces réacteurs transformerait instantanément le combustible usé de nos centrales actuelles en stock de combustibles utiles équivalent à environ plusieurs milliers d’années de consommation électrique. A l’échelle de temps humain, bénéficier une indépendance électrique de 2000 ans, 4000 ans ou bien 10 000 ans ne fait plus de différence. Si l’Europe s’en donnait la peine elle bénéficierait d’un relais de grande ampleur pour franchir le mur énergétique de 2050. Mieux vaut partager ces combustibles au sein d’une politique énergétique européenne commune et se donner le temps de progresser dans d’autres domaines.

Le thorium partirait d’un principe analogue et il n’y à pas de pénurie de thorium. D’importantes possibilités ont été décrites sur ce blog il y a quelques semaines.

Fusion 

La fusion nucléaire est bien différente de la fission. Elle consomme du deutérium filtré à partir d’eau et du tritium en provenance du lithium commun. C’est quantitativement la filière la plus économe en ressources naturelles. Comparons les quantités de ressources consommées en 25 ans pour une puissance annuelle de 1GW :

  • 62.5 millions de tonnes de charbon.
  • 45 millions de tonnes de pétrole.
  • 40 millions de tonnes de gaz naturel.
  • 720 tonnes de terres rares critiques sans régénération.
  • 625 tonnes d’uranium.
  • 8.7 tonnes de deutérium-tritium.

C’est en 2027 qu’ITER produira dix fois plus d’énergie qu’il n’en consommera à partir de son premier plasma Deutérium-Tritium. C’est la vision d’une énergie alternative quasi infinie pour l’avenir de l’humanité. Les ressources naturelles sont à cet échelle sans limite et le procédé ne souffre d’aucune intermittence ni de nécessité de stockage de l’électricité produite. Les déchets d’hélium ont une durée beaucoup plus courte que la fission, on ne parle plus de milliers d’années mais de dizaines d’années. C’est un projet sur lequel, passez-moi l’expression, nous devrions « mettre le paquet ».

Conclusion
Au regard du cinquième critère, favoriser les capteurs d’énergie en abondance, les choix fondamentaux sont simples : priorité sur le solaire et le nucléaire.

L’avenir des terres rares critiques dans les éoliennes maritimes apparait laborieux pour deux raisons : le manque de ressources immédiates et le monopole chinois sur la fabrication industrielle des aimants permanents. Ne faut-il pas réserver les métalloïdes à la consommation électrique, et non pas la production, pour innover dans des modes de consommations économes ? Alternativement, une version marine d’éolienne terrestre sans terres rares critiques comporterait le risque de coûts d’adaptation et d’entretien inadaptés aux budgets des consommateurs.

Au contraire le solaire est à encourager.
L’énergie solaire thermique est libre de verrou et apparait sous utilisée pour l’habitat. A quand le chauffe-eau solaire systématique ? Les possibilités du solaire photovoltaïque sont remarquables. L’abondance des matériaux est l’élément important.
Le modèle économique en progrès notamment dans les pays au mix énergétique moins performant que la France, l’Allemagne par exemple : le prix de l’électricité y est deux fois plus élevé qu’en France. Cependant, l’amélioration performances modulera le coût moyen en fonction de l’ensoleillement, du coût d’entretien (notamment le remplacement de la connectique) et de la durée de vie des panneaux solaires. Cette dernière est prévue pour 30 ans mais ne pourrait-elle pas être doublée compte tenu de la durée de vie d’équipements installés il y a 25 ans et encore en état.
Enfin, la théorie nous enseigne que le ratio de transformation de l’énergie lumineuse en énergie électrique est limité à 27% et la science permettra sans doute d’atteindre des rendements proches des 24% à 25%.
Ce domaine ne devrait-il pas être favorisé pour l’électricité destinée aux territoires ensoleillés, moins industrialisés ou bien sans réseau électrique développé ?

Le nucléaire à un avenir qui est le nucléaire lui-même. La fission permet l’usage des combustibles usés dans les RNR et une électricité pendant plusieurs milliers d’années. La fusion assurerait les 30 années de consommation électrique de l’européen moyen avec un seau d’eau et une pile au lithium de téléphone mobile. Ce dernier choix est celui d’une source d’électricité permanente et quasi infinie