Urgent, « hedger » mon minerai de fer

Nous avons tous un cousin de Shanghai, comme dans le passé nous avions un oncle d’Amérique. L’oncle était devenu l’Américain riche d’une fortune faite dans les affaires ; le cousin de Chine y reste un étranger qui n’a vu sa fortune croître comme celles des autochtones.

La grande question chinoise est et reste la bulle immobilière des grandes villes. L’investisseur chinois ne recherche pas la rentabilité immobilière mais la plus-value. Dans le centre de Shanghai, le m² s’échange à 15.000 €, et toute perte de valeur de ce côté provoquerait par un effet domino (ou plus exactement un effet Mahjong) un écroulement de l’édifice économique de ce côté-là.

Les mesures centralisées demeurent subtiles, même s’il est désormais interdit aux « étrangers », Hongkongais et autres Taïwanais, d’acheter plusieurs appartements. Une réaction saine serait-elle le dégonflement de la bulle, maintenant que les Jeux olympiques et l’Exposition universelle sont derrière nous et que le défi de l’espace n’a pas encore pris le relais à pleine puissance ? Ce déclin resterait un comportement peccamineux, en réalité, dans un pays ou la croissance est le seul ciment social.

Quel est l’effet de ces interrogations sur le minerai de fer, le nerf de la guerre de la construction immobilière via acier interposé ? À l’époque, à l’opposé d’idées trop rapidement lancées, nous avions prévu, à contre-courant sur le minerai de fer, que le prix de celui-ci baisserait. C’est chose faite. La nouvelle structure du marché y est pour beaucoup. Mais les meilleures choses ont une fin, nous atteignons les points vitaux des producteurs aux coûts marginaux les plus élevés et les prix remontent.

Si je n’ai pas raison, cela ne prouve pas que j’ai tort. Cependant, je pense sincèrement que le métier d’aciériste a muté, que de fabricant d’aciers il est devenu transformateur de minerai de fer (et de charbon coke demain).

Dans un marché du fer qui, en moins de six mois, a transmuté du long terme vers le spot ; où cohabitent des prix très différents mais tous aussi valables les uns que les autres ; où le prix marginal sera fabriqué sur une petite quantité et par un petit trader mais s’appliquera à tous ; qui se trouve de fait en contango alors qu’il est soumis à de fortes tensions ; que la volatilité des prix deviendra la règle ; que certains aciériste bénéficient d’intégration amont… Il est devenu urgent de gérer au mieux le risque prix du minerai de fer, en un mot : « hedger ».

Ce qu’il y a de bien avec le « hedging », c’est que l’imagination est au pouvoir. En cette période estivale, permettons-nous de dire que le « hedging », comme le tourisme, n’est pas une science exacte : la pratique réserve d’agréables surprises, une bonne anticipation est essentielle comme rester mobile et accumuler de l’expérience.
De plus, pour les financiers, c’est une merveille, une nouvelle vie, un nouveau marché du fer équivalent, en résonnance, à celui du pétrole et, dans ce domaine, les aciéristes qui n’auront pas modernisé leur fonction achat en un centre de profit disparaîtront de votre portefeuille boursier.

Dis-moi comment tu « hedges », et je te dirai qui tu es !
Publié dans Les Échos le 10 08 2010