Les plans locaux d’urbanisme (PLU) ont un impact électoral, pèseront-ils sur l’élection présidentielle et les législatives. Il faut être prudent avec le sacré, dans des mains anathématisées le PLU est imprudent.
Avant la prochaine élection présidentielle et les législatives, les plans locaux d’urbanisme (PLU) doivent être en place dans les communes françaises pour mars 2017. Ils s’appuient sur différentes lois, par exemple celle du Littoral, Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU), Engagement national pour l’environnement (ENE, Grenelle2), Avenir pour l’Agriculture, Accès au Logement et Urbanisme Rénové (ALUR),… Toutes ont souhaité remodeler les banlieues entassées, mais découragent l’étalement urbain par la densification des agglomérations et du péri-urbain. Elles demandent de rentabiliser le foncier en compactant l’habitat, en prévoyant des divisions parcellaires et des parcelles individuelles réduites, de l’habitat collectif et une créativité fiscale sur le non bâti…Si elles ont été comprises notamment pour la loi littoral et son anti-bétonnage, depuis elles ont un mantra : participation et adhésion des habitants. Le PLU doit être l’occasion d’un dialogue entre municipalités et citoyens.
Il est remarquable que des maires réellement issus de la région, connaisseurs des us et coutumes, sans peur de la confrontation directe et réellement à l’écoute de leurs concitoyens, informent véritablement ces derniers des nouveautés. Ils offrent une information aux électeurs, souvent personnelle, notamment aux ruraux et semi-ruraux (celui qui habite en appartement sera moins affecté) et conduisent à un vrai dialogue. Ces PLU sont réussis.
Mais les municipalités sont hétérogènes. Si l’édile diverge de sa population, qu’il a perdu sa souveraineté municipale parce qu’il a exagérément sous-traité le PLU à des sociétés d’urbanismes lointaines ou déshumanisantes, des habitants sont cruellement ruinés parce que leurs terrains sont brutalement déclassés, leur patrimoine réduit à néant. Leurs voix n’ont pas compté. La concertation dictée par la loi n’aura-t-elle été qu’une farce de communication gérée par des sociétés de consulting extérieures aux communes ? C’est en réaction à ces manipulations que des citoyens s’organisèrent notamment sous le sigle évocateur des PLUmés. Il est symptomatique que ce mouvement soit originaire de Bretagne. Les lois d’aménagement du territoire précitées tentent de réparer les maux des villes, mais elles sont souvent inadaptées aux campagnes et encore moins aux zones entre la ville et la campagne : les villages, les hameaux. Et justement, dans la mesure où la terre bretonne, si riche pour produire des ressources naturelles agricoles, dispose également d’une omniprésence d’eau et de sources, son habitat d’origine fut une succession de très nombreux hameaux intégrés dans l’architecture d’un paysage agricole lui-même souvent peu éloigné du littoral ; la vie y était partout. Elle y est restée, ces hameaux sont rarement abandonnés comme dans tant d’autres provinces françaises, ils sont restés tels quels ou ont évolué en des petits bourgs, des voisinages, des lieux dits, des petits quartiers éloignés et ruraux ou des villages. Nés en Bretagne, les PLUmés se propagent avec les indélicatesses de souverainetés municipales capitulant sous la forme d’arbitraires, sans discerner ni mesurer les adaptations des règles nationales nécessaires à leurs urbanismes. Dans le cas de ces municipalités divergentes quatre erreurs sont répertoriées.
1. La première est philosophique. Leur PLU touche à la terre sans
précaution, souvent violemment. Il malmène le patrimoine familial, celui
qui fut légué par les parents, les aïeux et qui sera légué aux enfants.
Ainsi, il touche au sacré. Il faut être prudent avec le sacré, dans ces
mains anathématisées le PLU est dévastateur.
2. La deuxième est agricole. Les agriculteurs craignent que leurs
terres nouvellement classées en zone humide soient contraintes par des
règles impossibles (ni engrais ni fumier, calendrier de fauche, talus…)
de la sorte qu’elles deviennent des friches, parfois non transmissibles
(pourtant la sécheresse de 2016 vit de très fécondes terres humides).
Les dangers ? Des emplois sont perdus ; puis après des terrains devenus
des friches via les zones humides, le PLU abandonne encore ces
exploitations en isolant leurs bâtiments sous la forme de patrimoine non
modernisables, et il interdit de nouvelles constructions, des serres
par exemple… Enfin, une contradiction, l’explosion des surfaces en
réserves foncières urbanisables pour les zone artisanales ou
lotissements qui sont gagnées … sur les terres agricoles non-humides. La
maison est dans le champ maïs.
3. La troisième est patrimoniale. Le cumul des lois ont apporté de
nombreuses contraintes et d’incertitudes juridiques dans
l’interprétation de concepts restés imprécis. Qu’est-ce qu’un hameau, un
village, comment mesurer la discontinuité de l’agglomération, où débute
une zone en habitat dispersé, ou s’arrête exactement une
agglomération,… ? Ne le sachant il est répondu par le multicritère,
c’est classique, et parce que les lois aux définitions vagues exigent
pourtant des mesurages précis, au mètre près, toutes les interprétations
sont possibles. Les citoyens oubliés, un hameau historique, ou bien un
village, perdent leurs terminologies, leurs toponymies, deviendront des
zones rurales indéterminées, ou bien leurs limites passant au raz des
maisons, ils oublieront les jardins et banniront les derniers voisins.
Pourquoi est-ce important ? L’intérieur du hameau peut être construit, pas l’extérieur. Une fois le terrain déclassé plus de maison, abri de jardin ou cabane à outils, les enfants s’interrogent sur l’avenir de la cabane, le chien sur celui de sa niche! Les problèmes abondent dans ces hameaux comme en périphérie d’agglomération : si le terrain est déjà construit (parce que constructible depuis des générations), la maison actuelle entourée de son jardin devient un bâtiment au milieu d’une zone agricole non constructible (plus facile d’exproprier une terre agricole périphérique qu’un jardin en vue d’une future rocade?) ; reçu en héritage, la vente d’un terrain en mode constructible est interdite du jour au lendemain, déclassé il ne vaut plus rien ; avec un emprunt a rembourser un terrain est acheté en vue de construire pour la retraite, il dispose parfois du certificat d’urbanisme ou d’un permis de construire, mais il devient inconstructible et le rêve un cauchemar ; pire encore, le frère et la sœur ont hérité à la mort des parents l’un de la maison évaluée à 150 000€, l’autre d’un espace constructible dont les droits ont également été payés au notaire à hauteur de 150 000€. Mais cette terre ne vaut plus rien depuis que le PLU l’a réformée. Conséquences ? Désaccord familiaux, ruines, patrimoines perdus, des retraités retournent travailler en « technicien(ne) de surface » à 65ans et plus ; adieu à la future maison de vacances des enfants que l’on voulait construire au fond du jardin devenu une zone agricole de … 500M², adieu à l’habitat Bimby dans les « dents creuses » qui permet de valoriser du foncier (par exemple les maisons en bois sans fondations, sans béton et sans sable) ; adieu également au rêve d’une future maison sur un terrain acheté il y a quelques mois (ou il y a dix ans) parce que déclassé ; adieu à l’épargne pour les périodes difficiles que représentait une parcelle constructible devenue inconstructible et dont le prix s’écroule de 200€ M² à 1€ M² ; adieu enfin à l’entente familiale à cause d’un PLU destructeurs. A l’inverse des terrains non constructibles sont étonnamment préemptés avant l’épreuve du PLU, puis après le PLU ils gagneront la constructibilité. Le PLU et les affaires.
Et au milieu de ce fatras, les pertes de patrimoine s’accélèrent via les fameuses zones humides : parfois les terres sont humides, parfois elles ont été asséchées, parfois elles sont oubliées parce qu’un bizarre projet immobilier doit s’y installer. Des Espaces Boisés Classés (EBC) appauvrissent aussi, classements baroques ou bien punitifs : parfois il n’y a pas d’arbre sur ces terres devenues inconstructibles…, à l’inverse, suivant le propriétaire, parfois il y a de beaux arbres, des pins par exemple, mais pas d’EBC ! Et ne parlons pas des périmètres autour des monuments historiques cuisinés à toutes les sauces. Régulièrement, les PLU révèlent l’incapacité technique de ces édiles et en corolaire leurs turpitudes ou sectarismes : l’habitat n’est pas du social !
4. La quatrième erreur est sociétale. La population abhorre la densité urbaine, la « sarcellite » est une maladie névrotique touchant les habitants de grands centres urbains et pour y échapper de nombreux citadins deviennent néo ruraux. Mais cette maladie peut muter et gagner la campagne dès lors qu’au lieu de trouver de l’espace des maisons individuelles sont construites en lotissements, éco-quartiers, zones à urbaniser dans des champs de maïs sur des parcelles de 200 M² à 500M². Pourquoi limiter les anciens hameaux mais en construire de nouveaux sous forme d’immeubles horizontaux ?
Au mieux ces PLU seront modérés grâce à
l’intervention des services de l’État ; au pire la situation dégénère :
untel négocie un arrangement directement avec l’édile ou avec la
communauté de commune, la constructibilité reste sauve; tel autre n’a
pas les mêmes connexions, il est victime d’une vendetta municipale
mâtinée de règlements personnels ou bien familiaux à la Gide et filmée
par Chabrol, son patrimoine est perdu. Les citoyens deviennent inégaux
devant la loi.
La gravité de cette situation n’échappe pas à l’intuition de ces
victimes. Certes, ils espèrent encore, mais cette espérance est de la
famille du temps et comme lui elle à des ailes, volera–t-elle trop vite
pour qu’ils puissent la rattraper et la changer en bienfaisante réalité ?
L’enjeu est qu’au-delà des inquiétudes, désarrois et malheurs l’impact
global semble incompris, le PLU peut tuer ou tuera l’esprit de l’habitat
de ces régions PLUmées de la sorte que ruinées, les périphéries
d’agglomérations ou les campagnes révèlent parfois des résultats
électoraux provocants. Maire bâtisseur, maire battu ; réélection, un
banc à l’assemblée nationale, élections de 2017 ? Le PLU est passé par
là. Regrets.
Que faire ?
• Premièrement, écouter les parlementaires qui ont fait remonter les dérives locales ; pour les PLU non encore adoptés, auditer, scruter qu’ils ne prospèrent pas en complications.
• Deuxièmement les zones d’ombres des lois ALUR et Littoral doivent être clarifiées ou bien éliminées : limites d’un hameau, d’un village, discontinuité d’agglomération, habitat diffus.
• Troisièmement, sauf intérêt public majeur, protéger la propriété individuelle : un terrain doit rester constructible au fur et à mesure de l’évolution de la législation, d’un POS à un PLU, d’un PLU à un autre PLU. Ne ruinons pas des familles pour le plaisir : l’héritage n’est pas une spéculation immobilière, la maison familiale ou celle destinée à la retraite non plus.
• Quatrièmement, les exploitations agricoles doivent pouvoir vivre et connaître de nouvelles vies, une loi écologique peut-elle condamner l’agriculture à la friche et des agriculteurs à la ruine ?
• Enfin un moratoire doit être instauré dans l’attente d’une clarification de la réglementation.
Publié dans Les Échos le 26 09 2016