Où sont les terres rares de demain ?

In La Tribune 03/02/2025

C’est un petit évènement dans le milieu des métaux critiques. Une société états-unienne du Colorado a raffiné pour la première fois du minerai de terres en provenance d’un gisement texan.

Le groupe USA Rare Earths est verticalement intégré de la mine aux aimants permanents. La mine de lanthanides de Round Top au Texas est riche en terres rares lourdes, dysprosium, terbium, etc. et produira vraisemblablement d’ici 12 et 18 mois. Parallèlement l’entreprise a investi dans une usine de transformation située au Colorado. Celle-ci vient de raffiner à un lot d’essai de minerai texan en oxydes de terres rares. Simultanément son usine métallurgique de l’Oklahoma a fabriqué pour la première fois des aimants permanents.

Dans un passé récent, la Chine dominait la production des terres rares, mais elle n’en maîtrise plus que 60 % et nul ne doute que cette nouvelle brèche étatsunienne contribuera à continuer de rééquilibrer le marché.

De son côté, l’exploration minière découvre ou confirme régulièrement d’importants gisements de terres rares. Round Top au Texas sera une mine majeure en terres rares lourdes, mais également en gallium, béryllium et lithium. Alors que moins de 20 % du gisement ont été explorés, la taille des ressources d’Halleck Creek dans le Wyoming place ce site en 4e place mondiale en dehors de Chine, à égalité avec celui de Fen en Norvège, tandis que celui de Per Geijer en Suède est plus petit. Plusieurs autres projets de très grande ampleur ont été confirmés au Canada. L’australien Lynas, premier producteur mondial en dehors de Chine, continue le rapatriement de sa ligne de raffinage de Malaisie vers Kalgoorie-Boulder à proximité de sa mine de Mt Weld en pleine expansion, ainsi que la construction d’une autre usine de raffinage aux États-Unis. Le Vietnam, le Brésil, n’ont pas encore montré toute l’amplitude de leurs ressources minérales et le Chili investi dans l’extraction de terres rares dans ses stériles miniers. Le Groenland recèle les plus grands gisements mondiaux en dehors de Chine ; hélas le Danemark n’en a rien fait, mais ce n’est pas pour cette raison que Donald Trump souhaite « acheter » ce pays.

Compte tenu d’une montée en puissance de l’offre et d’une anticipation de nouvelles productions, le prix référence des terres rares est divisé par trois par rapport à 2022.

L’ensemble est une nouvelle confirmation que les « métaux rares », qui n’existent pas, étaient une imposture et que les terres rares ne sont pas rares… sauf en Europe.

À l’inverse du reste du monde, intoxiquée par le canular des « métaux rares », la réindustrialisation métallurgique européenne est lente. Les importantes découvertes minières de terres rares de Scandinavie sont toujours en attente, des ressources et occurrences en Allemagne, Espagne, France, Grèce, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Tchéquie et les Balkans restent peu explorées. Bien que la France fût leader mondial des terres rares grâce à l’usine Rhodia de La Rochelle fondée en 1948, cette dernière a définitivement perdu de sa grandeur à cause de la politique de désindustrialisation hexagonale. La volonté européenne de production d’aimants permanents pour le Green Deal est réelle, mais comment trouver une souveraineté palpable sans nos propres matières premières ?

La question n’est donc plus savoir d’où viendront les terres rares de demain, elles sont partout, mais combien aurons-nous réellement besoin de terres rares à l’avenir. Comme elles le furent pour le nickel et le cobalt avant l’apparition des batteries de véhicule électrique sans nickel ni cobalt, les perspectives de consommation actuelles apparaissent surestimées. La souveraineté n’est pas à rechercher dans les canulars, mais dans la production, la substitution et le progrès technique.