La France et l’escroquerie des « métaux rares »

In La tribune 7/11/2022

Je me suis longtemps interrogé comment le personnel politique français agissait sous l’influence d’une telle fake news. La réponse est qu’il agit assez mal. Il a été berné par les pitreries de communicants aux ordres des « métaux rares ». Les fonctionnaires de l’Union européenne ont quant à eux été intoxiqués ad nauseam par l’escroquerie notamment parce qu’ils ont intégré dans leurs équipes des taupes des « métaux rares ».

J’étais récemment invité par le Centre d’Analyse, de Prévision et de Stratégie du ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères (CAPS) à une table ronde sur « La France face à la demande de minéraux critiques et à l’instrumentalisation de la “rareté” à l’international : quelles dépendances ?  »

Voici les réflexions que m’inspire la question.

Début 2012, il y a plus de 10 ans, j’étais invité par l’Institut de France et j’annonçais pour la première fois en Europe à ses académiciens que le monde basculait d’une dépendance aux hydrocarbures vers une dépendance aux métaux. Mais je ne m’attendais pas à l’époque que cette annonce provoquerait autant de canulars.

À d’autres époques, le train fut accusé de faire tourner le lait des vaches, le téléphone d’attirer les esprits maléfiques, l’ampoule électrique de rendre aveugle, la radio de faire tomber la pluie, la neige de causer la sécheresse.

Aujourd’hui, la fake news des « métaux rares » aura tenté de démontrer que la voiture électrique détruira la terre parce qu’une Prius polluait plus qu’un Hummer, que la « voiture verte avait une batterie rouge », que 225 tonnes étaient nécessaires pour produire une batterie, qu’une excavatrice électrique de lignite en Allemagne était transformée en excavatrice de lithium dans les Andes et, alors qu’il y a 100 ans la voiture à essence était accusée d’être réservée aux riches, aujourd’hui la voiture électrique est accusée du même mal.

Trois catégories

Toutes ces légendes étaient des fake-news, celle des « métaux rares » en est également une, car ils n’existent pas.

Depuis mes premiers pas dans l’industrie métallurgique stratégique, je classe les métaux en trois catégories.

Un métal abondant a été recherché et découvert par un tissu industriel dynamique et une diplomatie inventive. Puis une gamme de technologies se révélait opportune pour l’extraire du sol, le raffiner et, grâce à l’écoconception, pour le consommer en des quantités unitaires décroissantes et des usages croissants. Enfin, il est recyclé. Si l’une des étapes précédentes est légèrement ou temporairement défaillante, il peut devenir métal sensible.

Il deviendra métal critique s’il existe des risques élevés et géologiques de déficit de l’offre par rapport à la demande parce qu’il n’y a pas de percée scientifique ouvrant vers des solutions de substitutions. Il sera également critique s’il n’existe plus de diplomatie des ressources naturelles favorisant l’accès et l’augmentation de la production minérale. Mais encore, si les quantités unitaires de métal à recycler deviennent si faibles que le recyclage sera défaillant parce que ce dernier n’aura pas de bon rendement et qu’il coûtera donc très cher.

Ce métal sera toutefois critique dans une industrie, mais pas dans une autre, dans un pays, mais pas dans un autre, et cela évolue avec le temps. Le platine sera critique dans les membranes d’échange d’ions nécessaires au fonctionnement des piles à combustible des véhicules à hydrogène, mais pas dans la voiture 100 % électrique.

Les équilibres d’offre et de demande

Prudents, le producteur ou le consommateur à la mémoire longue s’interrogeront régulièrement sur les équilibres d’offre et de demande de ces métaux, sinon le danger est de figer le caractère abondant ou critique, sans dynamique temporelle. En outre, si un métal est le sous-produit d’un autre métal, l’observation des équilibres de ce dernier est essentielle. Le chrome sud-africain utilisé dans les aciers est un sous-produit des platinoïdes, le dynamisme de sa production sera donc sujet à la demande de platine dans les pots catalytiques, la bijouterie ou la mobilité à hydrogène plutôt que sa propre consommation dans la sidérurgie.

Une matière dite stratégique est une matière politique, car elle s’éloigne de critères géologiques ou bien de marché. C’est une ressource indispensable aux missions régaliennes de l’État, à la défense nationale ou bien à des ambitions politiques fondamentales d’un pays consommateur ou producteur.

Le minerai de fer est abondant, mais il aura été très stratégique pour la Chine et sa production d’acier destinée à sa politique d’urbanisation.

Depuis la guerre en Ukraine, tous les métaux sont redevenus stratégiques, car ils sont consommés dans l’industrie de l’armement.

Si les deux dernières notions critique et stratégique fusionnent, c’est-à-dire si géologie et politique fusionnent, cela entraînera deux phénomènes. D’une part, une destruction de la demande, puisque le métal est « introuvable » et son prix élevé. D’autre part, une consommation compétitive s’impose, c’est-à-dire une compétition politique et économique entre différentes consommations de ce métal qui exige que le producteur choisisse toujours le consommateur le plus proche de ses propres objectifs stratégiques : ce choix revient en général à l’État qui privilégie en premier lieu son industrie nationale. Là encore, l’invasion de l’Ukraine est un révélateur : le gaz russe est dans une compétition compétitive. C’est aussi la Chine qui peut privilégier par une politique de quotas son industrie consommatrice de lanthanides, communément appelés terres rares, à ne pas à confondre avec la fake-news des “métaux rares”.

Le rôle du lobby pro-pétrole texan

Fake-news en effet, car dans cette hiérarchie, aucun minerai ou métal n’est classé dans ce que les médias ou la politique ont désigné avec ignorance des « métaux rares ». Cette catégorie de métaux n’existe pas. Son apparition depuis 2017 ne résulte que de la fake-news environnementale et complotiste promue pour contrer la voiture électrique. Financée en millions de dollars par un lobby pro-pétrole texan, ses créateurs ont volontairement mélangé les terres rares qui existent, mais étaient sous le feu de l’actualité chinoise, et les canulars des « métaux rares ». Relayée en France en toute impunité, l’infox avait pour but de discréditer la mine, ses emplois et ses métiers, puis les usines d’affinage et métallurgiques et enfin la voiture électrique, considérée comme dangereuse par le lobby texan.

Le canular des « métaux rares  » est l’escroquerie intellectuelle construite pour contrer la transition électrique. C’est le wokisme géologique, la néantise anti-science et climato-sceptique par excellence. Alors oui, comme l’indique la question de la table ronde, la rareté des « métaux rares » est une instrumentalisation, elle frise le complot.

En outre, 2022 démontre que la fête est finie pour les «  métaux rares » et leurs promoteurs puisque la guerre menée en Ukraine par la Russie, leader mondial de nombreux métaux, n’a pas déclenché une guerre autour des «  métaux rares  », mais une guerre du gaz. Les exportations de nickel et d’aluminium russes ont en effet augmenté entre mars et juin 2022 vers l’Europe de respectivement de 22 % et 13 %, et vers les États-Unis de 21 % et 70 %. Quant à la Chine, ses exportations de terres rares ont augmenté de 6,3 % en 2022 par rapport à 2021.

Cette introduction sur l’objectif de discrédit véhiculé par l’infox des “métaux rares” est très nuancée compte tenu des moyens tordus qu’elle a utilisés, mais qui restent à révéler bien qu’ils soient connus. Introduction nécessaire, car elle en parallèle la réalité des industries des métaux de la transition électrique est bien différente. Elle démontre également dans les faits que les « métaux rares » n’existent pas.

Les terres rares ne sont plus indispensables

Prenons quelques exemples qui démontre l’évolution de la consommation industrielle de métaux.

Je constate que grâce aux efforts et à la pédagogie, l’ouverture en France d’une mine de lithium est en bonne voie. Le lithium est une matière abondante dans la croûte terrestre, il y en a en France.

Les aimants permanents sans terres rares dégagent l’industrie des moteurs électriques des mains chinoises. Cette découverte a en outre l’effet rebond de libérer l’industrie d’une surconsommation de cuivre. Les terres rares qui ne sont donc pas rares  ne sont plus indispensables.

J’ai vécu par ailleurs dans mes entreprises une division de la consommation de platine par 6 pour un même produit et dans d’autres outils un changement quantitatif gigantesque lié au remplacement d’alliages de platinoïdes massifs par l’électrodéposition. Le progrès signifie économie de métaux et non pas l’inverse.

En 2022, la catalyse automobile consomme 30 % de platine en moins qu’en 2012, mais la même quantité de platine est recyclée qu’en 2012 ; tandis qu’elle consomme 25 % de palladium en plus et en recycle 50 % de plus qu’en 2012. Le recyclage des batteries des voitures électriques qui est déjà opérationnel ne cessera lui également de progresser.

Elon Musk a préféré la voiture à batterie, car son rendement énergétique est 3 fois supérieur à celui de la voiture à hydrogène. Cette dernière n’a aucun avenir sans une électricité surabondante, elle est en revanche intéressante pour les transports fortement carbonés : maritimes, ferroviaires ou poids lourds.

Comme je l’avais annoncé il y a 9 ans, l’Allemagne reviendra vers le nucléaire et l’échec gazier berlinois est le moteur puissant qui replace le nucléaire parisien sur sa trajectoire tracée il y a 50 ans. Discuter en France de l’économie circulaire du nucléaire n’est donc plus interdit depuis que quelques-uns ont écouté et compris que le stock de «  déchets nucléaires  » stocké dans le département de la Manche sera le combustible du circuit fermé de demain. Il sera brûlé et détruit en produisant une électricité autonome et souveraine pendant 5.000 à 10. 000 ans, sans recours à l’uranium minier ni déchets, confortant ainsi les écologistes. L’avenir du nucléaire est bien dans l’économie circulaire du nucléaire avant d’évoluer vers la fusion nucléaire, l’énergie des étoiles, dont l’avènement s’est récemment accéléré.

La fabrication de diamant de culture en France, en Chine ou aux États-Unis en remplacement de diamants naturels est une percée scientifique qui aura des applications dans les technologies quantiques. Les diamants eux-mêmes ne sont pas rares et de nouvelles techniques permettent le progrès technologique.

Un téléphone à roues

D’aucuns dénigrent la voiture électrique en l’assimilant à un téléphone à roues. C’est une piteuse comparaison lorsque l’on songe au téléphone de 2022 par rapport aux téléphones portables des années 1990. Ils sont plus petits, plus efficaces et moins gourmands en métaux, la voiture électrique suivra le même chemin : plus légère, plus efficace, plus autonome.

Ses batteries étaient en effet chargées en cobalt, puis en nickel, aujourd’hui la batterie LFP sans cobalt ni nickel est chargée de matières abondantes. Elle est d’ailleurs déployée par Tesla, Toyota, BYD, BMW… Notons au passage que cette technologie de souveraineté brevetée au CNRS par Michel Armand a été vendue par… le CNRS et que c’est… la Chine qui l’a développée puis déployée à l’international dès que les droits du brevet sont tombés le 21 septembre 2021. Les progrès techniques, avec des batteries sans lithium, mais du sodium et du manganèse, feront encore baisser le coût des batteries. Il y a donc peu de doute que la production de véhicules électriques répondra à la demande de la transition écologique à des prix abordables.

Les « métaux rares » n’existent pas, l’industrie le démontre, tout comme le décryptage de son origine remonte jusqu’au pétrole texan.

Je me suis longtemps interrogé comment le personnel politique français agissait sous l’influence d’une telle fake news. La réponse est qu’il agit assez mal. Il a été berné par les pitreries de communicants aux ordres des « métaux rares », pitres aveuglés par l’argent du pétrole ou un désir infantile de notoriété. Sans aucune expérience professionnelle métallurgique ou minière, ces derniers ont agité et répété sans les comprendre des résultats d’études biaisées et financées par les millions de dollars texans, telle celle opposant la Prius au Hummer.

Les fonctionnaires de l’Union européenne ont quant à eux été intoxiqués ad nauseam par l’escroquerie notamment parce qu’ils ont intégré dans leurs équipes des taupes des « métaux rares ». Ces communicants, campés dans les mêmes pitreries de la communication statique, ont librement fait prospérer leurs influences néfastes à Bruxelles, alors que l’Europe industrielle est contre-intuitive et dynamique.

Est-ce pour cela qu’un état d’esprit éloigné de la réalité et anti-science aura autant été remarqué dans nos administrations et à Bruxelles ? C’est sans aucun doute pour répondre à cette question que nous sommes réunis ici aujourd’hui, car le CAPS et le ministère s’interrogent avec raison.

Pour conclure, la fake news des «  métaux rares  » ressemble de plus en plus aux interminables discussions sur le pic pétrole côté offre, alors qu’il fallait anticiper le pic pétrole côté demande. Autre vérité cachée au personnel politique par cette escroquerie : si l’industrie est entravée par une restriction, un embargo, une guerre ou un canular, elle ne reste pas dans une pitrerie statique, mais elle se libère en trois phases : Crise, Innovation, Substitution.

Retards industriels

La crise c’est la conséquence directe de l’escroquerie des «  métaux rares  ». Ce sont nos retards industriels dans la transition énergétique qui nécessitent la réindustrialisation et la casse sociale liée à nos atermoiements dans la mobilité électrique. L’innovation et la substitution, ce sont l’utilisation de ressources naturelles plus abondantes ou en quantités plus faibles qui limiteront l’intérêt de listes de métaux critiques.

La rareté des «  métaux rares  » était bien une instrumentalisation, une escroquerie, une intoxication comme indiqué dans cette ITW:

Mon interview sur Radio Classique sur la mine, les métaux stratégiques, nucléaire et la fake-news des “métaux rares”