Aluminium, cuivre, nickel, zinc, le super cycle en question

Fin 2009 nous avions déjà isolé la crise de dette souveraine dans Echange dette nationale contre archipel et début janvier nous nous demandions comment réinvestir dans les ressources naturelles en 2010. Mi-juin 2010 il est temps de faire un bilan de nos prévisions.

Une anticipation est souvent une certitude oubliée et nos estimations de janvier sont en cours. Le détricotage des taux de changes est en mouvement. Les métaux précieux suivent les chemins que nous annoncions : l’or, la dette de personne, est toujours dans les 1200$ ; comme convenu tout n’est pas si facile pour le platine et le palladium a progressé jusqu’à 40% alors que nous en attendions 50%. Nous l’indiquions, le cuivre s’est légèrement comblé ; le nickel est toujours en recherche d’un leadership, d’une personnalité ; l’aluminium est toujours en recomposition ; le zinc est le seul métal sur lequel nous avons une déception par rapport à nos prévisions. Le minerai de fer, le charbon thermique, le charbon coke, le molybdène évoluent comme nous l’attendions.

Regardons un instant la situation de quatre métaux au comptant et à terme.

Cuivre

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Le cuivre est à un prix plateau (courbe en haut) dont nous parlions déjà en septembre dernier. En bas s’affiche la différence entre prix spot et terme (court terme en rouge et long terme en gris). A la différence des années 2005-2008 où les prix du cuivre à terme étaient inférieurs au comptant (backwardation), depuis le crash et la reprise des prix de l’an dernier, le terme est hésitant. Dominant un jour (contango) dominé l’autre (backwardation), cette configuration ne favorise ni les prises de position ni leurs reports. Le graphique l’indique, la relance des prix de l’an dernier ne s’accompagnait pas d’un creusement de la backwardation, les financiers se sont absentés. Les variations des prix au comptant sont de plus grande ampleur que les prix à terme. En conséquence les stocks (aire derrière les prix) se sont moyennement élevés.

Nickel

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Le nickel est à peu près dans la même configuration que le cuivre à l’exception de ses stocks, qui sont là très élevés. La reprise ne s’accompagne pas d’un creusement de la backwardation, au contraire. Le marché est en déshérence, malgré des grèves prolongées il ne progresse pas et de très mauvaises surprises sont sans doute à attendre du côté des producteurs notamment de latérites.

Aluminium

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L’aluminium est pauvrement arbitré, son contango est maintenant très élevé, ses stocks pléthoriques.

Zinc

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Le zinc est plus proche de l’aluminium que du nickel et dans une position fragile et sans repère.

Le super cycle est-il en panne ? La première règle de première année d’économie se visualise sur ces graphiques : les matières premières évoluent entre le prix marginal accepté par le dernier consommateur (le zénith d’une bulle) et le coût marginal du premier producteur à résister à la fermeture (le nadir du crash). La nouvelle situation révélée par les prix des métaux reste qu’au plus fort de la crise et de son effet de massue, les prix des quatre métaux étaient largement au dessus des plus bas précédents (avec un petit bémol pour l’aluminium). Les coûts marginaux des producteurs se sont élevés. Nous avons déjà largement signalé ce fait précédemment (Cuivre, pourquoi on est actuellement au juste prix), il existe un nouveau plateau en dessous duquel les prix auront de la difficulté à descendre.

Cependant, les producteurs qui sortent de cette crise sont dans un état très contrasté. Ils sont nombreux à avoir brûlé du cash pour se maintenir sur ce plateau et dans la course.

Dans l’aluminium, si un producteur sur dix est au point de rupture, le coût de l’énergie n’a pas encore suffisamment pesé pour qu’une redistribution de la production se réalise.

De même pour le nickel, mais à cause vraisemblablement d’une gestion improvisée.

Le zinc reste un point d’interrogation. Dans l’attente d’une forte reprise il verra aussi et très probablement une recomposition de son paysage.

A ce jour, le cuivre est le seul qui s’en sortira par le haut. Les voyants sont au vert pour les besoins d’infrastructures électriques dans les pays émergents mais ils sont aussi bien orientés dans les pays développés pour les nécessaires nouvelles interconnexions et raccordements entre les réseaux intelligents, les nouvelles énergies renouvelables (solaire, éolien terrestre et maritime, marémotrice, biomasse) avec les infrastructures existantes.

Le super cycle des métaux n’est sans doute pas en question, il suffirait que l’Inde prenne le relais de Chine pour que la machine s’emballe de nouveau. Surveillons les signaux faibles de la backwardation.
Publié dans Les Échos le 14 06 2010