BP : Bye bye Petroleum

BP a-t-il encore un avenir aux Etats-Unis après l’explosion d’une raffinerie au Texas en 2005, l’accident d’une plate-forme dans le golfe du Mexique la même année, la pollution de Prudhoe Bay en Alaska en 2006 et l’accident actuel de Macondo en 2010 ? Résumons la situation, le sigle de British Petroleum, BP, s’est récemment transformé en : British Polluters, Bad Petroleum, Big Problem, et peut être bientôt Bad Pensions…

Vous souvenez vous du naufrage de l’Amoco Cadiz en mars 1978, ainsi que des dommages du naufrage du Torrey Canyon de 1967 ?

En 1978, des milliers de volontaires nettoyaient les 223.000 tonnes de pétrole répandus sur 300 km de côtes du nord de la Bretagne. Petit à petit, le pétrole avançait, gagnant les plages les unes après les autres. L’atmosphère de défaite certaine et annoncée était partout. Sur une plage, la veille de son arrivée, au crépuscule, nous ne sentions dans l‘air du soir que l’odeur intense d’essence s’évaporant de l’immense nappe au large qui bientôt ravagerait tout. Je me souviens d’immenses fosses, véritables tombes, creusées à la hâte par les engins des militaires du contingent pour y enfouir toute cette glue noire et puante, lourde de sable et de cadavres d’animaux. Elle était évacuée des plages par un flux continu et presque pathétique de tracteurs d’agriculteurs bénévoles remorquant des tonnes à lisier reconverties en tonnes à pétrole, de voitures et camions la transportant par n’importe quels moyens et parfois à la main dans des caisses en bois… Depuis longtemps la nature y a repris ses droits et par la suite aucune pollution née d’un naufrage de pétrolier n’a été aussi importante au monde.

Les temps ont changé. A ce jour, les quantités déversées par l’Amoco Cadiz et celles de la plate-forme du site de Macondo sont, semble t-il, encore comparables. A cette époque les communes touchées ont été dédommagées 14 ans après le naufrage. Ici l’attente n’a pas été longue pour voir BP sanctionné une première fois par ses actionnaires avant de l’être probablement par l’administration américaine, l’Amérique ne pardonnera pas. Et, les scenarii lourds de conséquences sont nombreux : partition de BP en deux en séparant ce qui est sain de ce qui ne l’est pas ; vente aux concurrents (Total, Shell, Exxon…) mais aussi aux Chinois aux Japonais, Russes, Allemands, Brésiliens… voire aux sociétés nationales où sont situés les gisements de BP ; l’image de la firme nécessitera un nouveau nom ; les retraites par capitalisation adossées à l’action BP sont en danger. Prix du light crude oil

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Le golfe du Mexique approvisionne 30% des besoins des Etats-Unis. Le président Obama, au-delà du moratoire sur l’exploration et production au-delà de 500 mètres de profondeur, haussera le niveau de réglementation de l’offshore profond. Certes il existe de nombreuses productions sous-exploitées dans le monde. L’OPEP en aurait environ 5Mb/j alors que l’ensemble de la production en eaux profondes du golfe du Mexique avoisine 1,5 Mb/j, et donc le prix du pétrole ne s’envole pas, il ne bouge pas (voir le graphique). Prix du gaz naturel

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Mais la politique américaine réagissant à l’émotion l’administration Obama dispose d’une pression supplémentaire pour continuer de promouvoir d’autres énergies. La courbe du gaz naturel, en hausse depuis la moitié du mois de mai, en est-elle un signal faible (voir le graphique) ? En plus d’une promotion en faveur du gaz de schiste, la débâcle de BP propose à l’administration américaine tout autant d’arguments en faveur d’un renouveau du nucléaire. Gaz et Uranium qui bénéficieraient de la catastrophe : sommes-nous à un tournant dans l’histoire de l’industrie pétrolière ?

Est-ce une fatalité ou une culture d’entreprise ? La raffinerie BP située au Texas, qui débuta cette série noire en 2005, provenait d’une société rachetée en 1998, cette dernière s’appelait Amoco comme le pétrolier de 1978.
Publié dans Les Échos le 04 06 2010