In La Tribune 19/02/2020
L’affaire des batteries qui équiperont les modèles S de Tesla produits en Chine à partir d’une recette Lithium-Fer-Phosphore au lieu des batteries Lithium-Nickel-Manganèse-Cobalt est un coup de semonce.
En 2020, la demande de cobalt devait dépendre à hauteur de 30 % des batteries pour automobiles et 70 % d’autres applications dont les batteries pour les appareils électroniques, mais dans 5 ans la part automobile devait passer à 60 %. Comme nous l’indiquions il y a quelques semaines à propos des prix, la messe n’était pas dite, une substitution en grand des batteries NMC vers les batteries LFP serait révélatrice et un coup très sévère pour les petits producteurs de cobalt.
Pour le nickel l’affaire est moins importante, mais substantielle cependant. Les batteries pour automobile électrique représentent environ 2 % de la demande de nickel et elle devait s’équilibrer entre 15 % et 20 % d’ici à 5 ans. Cependant, la nouvelle perspective révolutionne aussi bien l’horizon des spéculateurs que celle des producteurs de nickel qui ont moins que par le passé l’assurance d’une nouvelle et importante clientèle.
La question vétérotestamentaire de Saint-Augustin se pose donc au nickel : doit-il abandonner un vieil ami, l’acier inoxydable, pour un nouveau compagnon qui se révèle moins fiable, les batteries ?
La technologie LFP rajeunie
Autre facette du panorama, le chinois CATL a donc rajeuni la technologie LFP pour Tesla, de façon à ce qu’elle soit plus performante en densité énergétique, endurance et sécurité, mais aussi en coût. Au forum « Paris City Life », organisé par la Tribune en décembre 2019, un autre constructeur chinois, BYD, me confiait être également sur ce thème. Naturellement, celle-ci assemble déjà en Europe des autocars et chariots élévateurs équipés de batteries LFP, notamment à Beauvais. Par ailleurs, les constructeurs de pièces de batteries, notamment les cathodes, qu’ils soient européens ou asiatiques sont nombreux. Trop nombreux sous un regard industriel. Les prémices d’une consolidation sont déjà en cours au risque de temporairement fragiliser la filière.
Au total, c’est bien un pan entier de la demande du cobalt et du nickel qui pourraient être menacés par cette substitution NMC-LFP. Le choix qui se présente aux ingénieurs de la propulsion électrique est d’une part celui de voitures électriques citadines à faibles coûts, et le LFP est au moins 30 % moins cher que le NMC. Ils doivent d’autre part encore optimiser le couple coût-technologie pour les voitures plus puissantes et endurantes qui circuleront en dehors des villes. L’éventail des futures solutions pour les unes comme pour les autres est encore large et provoque d’autres indécisions liées aux souhaits de l’Investissement Social et Responsable entre les batteries NMC, Sodium, Lithium métal…
L’hydrogène quant à lui porte la difficulté d’utiliser au niveau de l’échange d’ion le même platine venant d’Afrique du Sud, de Russie et du Canada qu’un catalyseur de voitures diesel ou à essence. C’est pourquoi il apparaîtra contradictoire que la résistance de ces dernières soit favorisée par les bien-pensants critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.