In La Tribune 29/10/2020
D’aucuns le regretteront, mais la bourse ne reconnaît guère la générosité et n’exprime pas ses remerciements aux bonnes actions. En 2020, malgré le Covid et à l’inverse de ses confrères du luxe, Tiffany voyait son cours ne connaître qu’un bref « trou d’air » mi-mars. Divergence boursière liée à la généreuse « bouée de sauvetage » dl’OPA de LVMH qui, malgré des ruptures et des tremblements, soutenait le cours de Tiffany tout au long de l’année jusqu’à la conclusion du mariage fin octobre.
Personne n’aurait l’idée de convoquer des juges ou des lois pour dire le droit sur les prix des diamants, il aurait été regrettable que des juges et des lois décident de ce mariage LVMH-Tiffany. Démarche judiciaire singulière, où l’on passait d’une OPA consentie à un mariage forcé. Une fusion exigée à la demande de la cible questionne toujours.
Une fusion exigée à la demande de la cible questionne toujours. Cette dernière était-elle inquiète d’une surinterprétation de son propre futur au point d’obliger un mariage, ou bien y avait-il une énigme que les pierres précieuses ignoraient ?
Nouvel accord LVMH-Tiffany : une bonne nouvelle
Peu importe désormais, le nouvel accord LVMH-Tiffany est une bonne nouvelle, car il est en ligne avec la résurrection du marché du diamant en Chine et aux États-Unis. Les belles années du marché du diamant de 2016 à 2018 précédaient l’affaissement de 2019 et, puisqu’à l’inverse de l’or, les gemmes n’ont pas le statut de valeur refuge, ils se sont écroulés au premier semestre de 2020 à cause de la crise du Covid-19. Toutefois, l’optimisme revenait cet été, depuis juin le marché du diamant va mieux.
Chacun sait que l’offre minière connaîtra une réduction d’environ 20% à la suite de la disparition de petites mines incapables de survivre à la pandémie, mais également après la fermeture de la mine d’Argyle de Rio Tinto cette année. En outre, si les stocks mondiaux de diamants bruts restent importants, ils sont cependant merveilleusement contrôlés par le couple Alrosa-De Beers. Enfin, le diamant naturel est certes concurrencé par le diamant de culture. Mais pour des raisons de production, la place de ce dernier, malgré ses atouts de modernisme, d’éthique et d’environnement reste largement en deçà de son potentiel, notamment dans l’horlogerie de luxe.
Face à cette baisse de la production, côté consommation, les diamantaires – ceux dont les stocks de pierres déterminent la dynamique du marché parce qu’ils font le lien entre les diamants bruts des mineurs et les bijoux des joailliers – se sont remis au travail, notamment en Inde. Les États-Unis (50% des ventes mondiales) se préparent à une relance fiscale postélectorale ; depuis mars la Chine est également en surcompensation acheteuse post-Covid d’environ 15%. Chiffre corroboré par de massives importations de platine par Pékin, la consommation bijoutière de ce métal étant jumelle de celle des diamants. Le leader asiatique du luxe, Chai Tai Fook, retrouve d’ailleurs des ventes immunisées et à la mesure du siècle asiatique dans lequel nous sommes entrés depuis 20 ans.
Ces perspectives se matérialisant, les diamantaires reconstituent leurs stocks. Résultat, en trois mois, de l’été à octobre 2020, De Beers voyait ses ventes augmenter de 300% – son dernier cycle est même supérieur à celui d’octobre 2017 - et le russe Alrosa connaissait une même vigueur et ses chiffres s’alignent déjà sur 2019. Ils augmentent également leurs marges : les mineurs offrent des prix de diamants bruts adaptés et une flexibilité sur les volumes tandis que les prix des diamants taillés remontent.
Ce marché du diamant est un prodrome du marché du luxe. Dans « Breakfast at Tiffany’s » (Diamants sur canapé), Audrey Hepburn rêve d’un milliardaire qui lui achètera les gemmesdu joaillier. Dans la vraie vie, dans « Dîner à Tiffany », ce même marché des diamants laissait prévoir que LVMH ferait bien l’acquisition de Tiffany en bas de cycle.