C’était un rendez-vous habituel chez le dirigeant d’un grand pays pour échanger quelques idées. Son pays est riche, lui aussi, ils n’ont pas de dette, son pays prête beaucoup.
La sonnerie de son mobile interrompit notre
entretien. Une conversation téléphonique s’engageât, son ton et les
prénoms échangés indiquaient au bout du fil le dirigeant d’une autre
nation. A l’image des difficultés financières de son pays,
l’interlocuteur avait la conversation hésitante, douloureuse. Et, tout
d’un coup, un grand silence marquant un ardent intérêt mutuel, puis un
au revoir. Seul un instant dans ses pensées, le gouvernant pivota vers
une grande mappemonde et, la faisant tourner, il pointa son doigt dans
une étendue bleue et m’adressa :
« Vous qui pensez « out of the box », à votre avis, combien coûte cet archipel ? »
Etonné, je regarde cet emplacement sur le globe et identifie ces îles.
« Mais, elles ne sont pas du domaine privé et appartiennent à un grand pays assez éloigné. »
« Exact. Mais le dirigeant de ce pays vient de me proposer de payer sa
dette nationale à l’aide de ces territoires inhabités. C’est tentant.
Ces îles sont bien placées pour les vacances et la plaisance. De plus,
regardez ici, elles sont proches de ces gisements sous-marins et là, de
ces minéraux. Il n’a plus les capacités financières de les exploiter, sa
notation a perdu depuis longtemps son dernier A. Qu’en pensez-vous ? »
Ce pays remboursera-t-il un jour cette montagne de dettes ? Ces ressources sont maintenant très limitées, sa monnaie est très dépréciée et estimer un prix par la contrevaleur du débit présente un avantage si le prix le couvre totalement, voire un peu plus. Je me rappelais une maxime de l’Almanach du Marin, lui qui pourrait couvrir ces îles « La mesure de la hauteur est celle de la chute ». Je n’ai rien trouvé de mieux que de suggérer que ces îles risqueront d’être submergées par une possible montée des eaux et que j’intègrerais ce facteur dans ma prochaine réponse.
Une entreprise cède bien des actifs, des filiales, des activités pour rembourser ou investir. Mais un état n’est pas une entreprise… et les territoires ne se vendent plus comme cela, c’est une autre époque. Certes la cession de la Louisiane (22% des USA actuels) ; certes celle de l’Alaska ; certes la plaque de l’ambassade du Texas du 1 place Vendôme, l’achat de Gadsden, les ventes des Philippines, la location de Hong Kong … Les prix de l’époque ne reflétaient-ils pas plus une opportunité qu’un renoncement de puissance ?
Quel est le prix d’une souveraineté sur de la terre et les matières premières qu’elle renferme sur le marché de gré à gré d’aujourd’hui ?
Anticipez, anticipez, il en restera toujours quelque chose.
Publié dans Les Échos le 04 01 2001