Immobilier, ménage, inflation… le cuivre à 15.000 dollars la tonne

Le 16 septembre 2009 nous légitimions ici même (Cuivre, pourquoi on est actuellement au juste prix) un nouveau prix plancher du cuivre deux fois plus élevé que par le passé. Sans déplaisir nous constatons aujourd’hui la pertinence de cette vision, le cuivre a quitté ce plateau des 6.000 dollars la tonne et se projette vers les 9.000$/T. Si des intérêts de grandes ampleurs se confirment, des cours aussi élevés que 15.000$/T ne sont plus à écarter.

Ne revenons pas une nouvelle fois sur les effets qu’auront les ETC cuivre sur la volatilité des cours du métal rouge. Ils sont amplement décrits ici Après l’or, ETF-ETC zinc-cuivre-argent-aluminium- palladium-platine et là ETF-ETC cuivre, nickel… Risk Management ou faillite.

La consommation est en Chine. Le pays fixe trois objectifs à son prochain plan à 12 ans : renforcement d’une répartition démocratique de la consommation, renforcement de revenu des ménages, renforcement du ciment social et solidarité entre les espaces urbains et ruraux. Autant d’éléments favorables au PIB, qui ne militent pas pour une décrue de l’utilisation du métal rouge, rouge comme la couleur chinoise du bonheur. Bonheur de consommer du cuivre dans des produits de grande consommation après l’avoir utilisé dans les réseaux électriques et dans l’immobilier dont le boum ne connait pas de pschitt. L’écart entre la cotation du cuivre à Shanghai et en Europe illustre beaucoup. Elle est en progression constante ; en moyenne à 500$ il y a cinq ans, elle est plus élevée en Chine de 1.300$ de nos jours. Le cuivre n’est-il pas à ce jour le seul métal industriel non revendu aux industriels par le stock stratégique chinois ? Cuivre et uranium sont gérés dans le même esprit. Le premier est stocké en situation d’aubaine – par exemple 2008-2009 – ; pour le second, la Chine se lie à un producteur en difficulté s’il brade sa situation. Un leader impose toujours son prix.

Analyser la production est presque sans intérêt tant la situation des producteurs est enviable. Ils connaissent des coûts marginaux stables et peu élevés permettant des primes aussi élevées que 150-200 % au regard des prix actuels (voir le graphique). Mais ils peinent a produire plus et les rares nouvelles mines ne suffiront pas à combler les déficits à venir qui s’accumuleront années après années. Elles travailleront avec des coûts d’exploitation plus élevés mais insignifiants, j’allais dire impertinents par analogie à l’EBITDA actuel des mines d’or ou de fer. Le risque de déséquilibre est tel que les prix de vente seront, quoi qu’il arrive, élevés et sans relation directe avec le coût marginal. Ce n’est pas une histoire de six mois mais de plusieurs années.

Plus loin, en aval, je suppose que les transformateurs ne sont pas totalement préparés. Si vous êtes actionnaire de l’un d’entre eux, je vous recommande un audit de leur gestion du risque et de leur centre de contrôle du hedging.

Plus proche de notre passé récent, si la victoire républicaine américaine du 2 novembre parvenait à contrebalancer les effets inflationnistes du QE2 sur l’or (alors le dollar se renforcerait, l’or baisserait), le cuivre, lui, n’a pas encore ce statut monétaire et, quoiqu’il arrive à l’inflation, il serait haussier.

A 15.000$/T la substitution est possible voire souhaitable mais le substitut, l’aluminium, c’est de l’électricité solide. Comprendre l’aluminium c’est analyser le marché mondial de la production d’électricité et son coût. Les deux sont contraints en Chine. Outre que l’aluminium n’est pas aussi conducteur que le cuivre, le ratio de prix cuivre/aluminium est assez stable sur un longue période. Rien ne dit qu’il ne le restera pas. L’aluminium disposerait donc d’une solide marge d’appréciation, affaiblissant d’autant les prévisions de commutation entre les deux métaux.

Les prix sont équivalents à ceux de 2008 et le déport est en construction. Les stocks de cuivre dans les entrepôts sont encore égaux à environ 3 % de la production mondiale – ils baissent depuis mars 2010 (voir le graphique)- mais il y a deux ans ils étaient quasiment à zéro. Jusqu’où iront les prix lorsque ces 3 % de stocks auront disparus ?

Le cuivre à 15.000$/T, rien n’est plus simple

Publié dans Les Echos le 09 11 2010