Mais d’où vient exactement l’infox anti-voiture électrique ?

La propagation de fake-news des “métaux rares” anti-voiture électrique est-elle liée au lobby pétrolier  ?

In La Tribune 8/12/2020

Ces dernières années, on a vu se multiplier des critiques convergentes remettant en cause le bien-fondé du développement de la voiture électrique pour lutter contre le réchauffement climatique : pollution supérieure à celle des modèles à essence et diesel en terme de bilan CO2 ; utilisation croissante de terres rares et autres métaux pour les batteries, ce qui va accélérer l’épuisement de nos ressources minières et nous rendre dépendants de la Chine ; dégâts environnementaux et humains (le travail des enfants dans les mines de cuivre et cobalt en RDC est régulièrement pointé par des ONG).

Un récent documentaire que j’ai visionné, « À Contresens : Voiture électrique, la grande intoxication », réalisé par Jerôme Piguet produit de Suisse par Jonas Schneiter et Marc Muller de la maison NousProduction, corrobore mes articles publiés précédemment sur le sujet. Ces derniers démontraient que ces allégations anti-élctriques relèvent de fake news, de la désinformation, de l’escroquerie voire de la pitrerie.

Faits et témoignages

J’ai déjà écrit sur les fake-news des “métaux rares” concernant le cobalt et le travail des enfants en RDC, sur le basculement du pétrole vers les métaux, sur le lithium, sur le recyclage des batteries, sur l’inexistante « guerre de métaux » confondue avec le « Grand Jeu des métaux ». Ces « métaux rares » n’existent pas, en outre les « terres rares » ne sont pas rares, et contrairement à ce qui est martelé par les médias, ces dernières sont absentes de véhicules électriques, ce qui est loin d’être le cas pour les voitures essence et diesel.

l’infox des “métaux rares” s’est prolongée vers une vraie fausse solution : la voiture à hydrogène. Une aberration énergétique, car sur 1 kWh d’électricité stocké sous forme de d’H², seul 0,25 kWh à 0,35 kWh sont réellement restitués pour propulser la voiture à hydrogène, le reste disparaît dans l’électrolyse, la compression du gaz et son stockage, sa distribution puis sa destruction dans la pile à combustible. La perte électrique est en moyenne de 70 %, tandis qu’elle n’est que de 10% dans la filière véhicule électrique. H² ne doit donc être réservé qu’à deux secteurs : la décarbonation de l’industrie lourde -acier, ciment…- et la décarbonation du chauffage et des transports lourds, de longues distances ou bien fortement carbonés : camions, navires ou trains non encore électrifiés.

Ensuite, l’infox des “métaux rares” a abouti à la néantise de deux fictions pour subvenir aux besoins de la transition énergétique.

La première, les mines sous-marines: « l’exploitation propre d’hydrocarbures off-shore justifierait l’exploitation de mines sous-marines ». La lutte contre le carbone ne justifie pas un remède pire que le mal. L’impact sur la biodiversité de l’exploitation des monts hydrothermaux ou de nodules sous-marins est inconnu, non maîtrisé et donc incompatible avec une exploitation responsable. D’ailleurs nombre d’industriels s’interdisent d’utiliser une telle production.

Deuxième fiction : « l’exploitation de minéraux extraterrestres », à la manière du film « Don’t look up ». Elle n’offre à moyen terme aucune solution financière, technique ou bio-environnementale.

Point culminant de l’infox des “métaux rares” : elle a tant discrédité la mine qu’à l’aube du boum mondial des métaux, les ingénieurs miniers et géologues français, formés à Orléans, Nancy, Beauvais, Alès, Rennes…, sont au chômage en France. Perdus pour la nation, ils exposent sur le réseau social Linkedin leurs compétences absorbées dans le monde entier par l’industrie minière australienne ou canadienne. C’est en cela que la politique des « métaux rares » est populiste.

Si la RTBF, la télévision belge, s’apprête à diffuser ce documentaire « À Contresens : Voiture électrique, la grande intoxication », en revanche, le public français ne pourra pas le visionner dans l’immédiat. Au contraire, Les progarmmes d’Arte et Radio France font plutôt la part belle aux fake-news des anti-voitures électriques.

Toutefois, si vous êtes impatients d’en apprendre davantage, ce billet de Claudio Rumolino « spoile » le sujet du documentaire, dont deux séquences attirent l’attention..

Lobby pétrolier ?

La plus importante : la propagation de fake-news anti-voiture électrique est-elle liée au lobby pétrolier  ? Au milieu du documentaire les journalistes s’interrogent notamment sur l’activité des richissimes frères Koch, d’origine texane, industriels du pétrole mais aussi du négoce de matières premières, activistes et soutiens financiers de Donald Trump. Ils ont financé une thèse anti-électrique dont l’orientation mélangeant les notions de terres rares (qui ne sont pas rares) et de de l’infox “métaux rares” épousait tant celles des porte-voix et des “porte-livre” anti-voiture électrique qui radicalisent l’opinion et les débats, que le film ne peut s’empêcher de les rapprocher. Le spectateur s’interroge alors sur les interactions financières ou autres qui pourraient lier les pro-pétrole aux reporters anti-voiture électrique.

Il s’interroge également sur les médias qui relayent ces thèses sans examiner, sans étudier le contradictoire, sans regarder les faits, sans s’interroger et favorisent le sensationnalisme, l’émotion délétère, la caricature. 

Chaînes de télévision, radios, journaux ne sont certainement pas complices du lobby, mais sont-ils devenus les victimes de ses messagers, chroniqueurs et auteurs de palimpsestes sans nuance ? Une séquence du film est d’ailleurs cocasse lorsque la mystification et l’ignorance d’un intervenant, célébré par nombre de médias, y sont révélées ; une autre sur la martingale entre pro-pétrole et un journaliste désarçonne ; que dira-t-on lorsqu’une telle enquête renversera le château de cartes anti-électrique en examinant les conditions de publication d’un tristement célèbre livre pamphlétaire sur les “métaux rares”?

Autre moment révélateur du film : les outils médiatiques des anti-voitures électriques. Notamment les études censées établir que la mobilité électrique émet plus de CO² que les voitures à essence ou diesel. Les spécialistes qui s’y intéressent ont toutes les peines à établir les sources de ses études, et donc leur financement, alors qu’elles se focalisent avant tout sur les métaux contenus dans les batteries.

En revanche, elles sont reprises en boucle par nombre de porte-voix autoproclamés spécialistes de l’énergie, des métaux et de l’éco-blanchiment de la voiture électrique. Il n’est donc pas étonnant de les entendre citées sur les médias grand public : LCI, France 5, BFM, Eric Zemmour leur donnait même son propre poids sur Cnews, etc.

Retour à la réalité

Au contraire, le documentaire fait un véritable travail de vérification. Par exemple en se rendant en République Démocratique du Congo, où est concentrée la production mondiale du cobalt ou au Chili avec le lithium.

Tous les acteurs expliquent leur point de vue, plutôt nuancé et loin des clichés vus de Paris. De même, des scientifiques ou des industriels répondent de façon étayée aux fausses informations qui à force d’être répétées sans être vérifiées deviennent des « vérités » médiatiques.

A l’exemple de ce professeur de l’Université de Lucerne qui déconstruit la célèbre étude affirmant qu’un Hummer pollue moins qu’une Toyota Prius : méthode incompréhensible, données sans origine de source, présentation biaisée, calcul des résultats opaque et donc erreurs dissimulées. La vérité est inverse.

Et à la longue, le retour à la réalité va s’imposer. D’ores et déjà, les véhicules électriques sont un succès en Europe et en Asie, comme l’atteste le nombre croissant de ventes. Ce n’est pas encore le cas aux États-Unis, où les lobbies émanant notamment du secteur pétrolier qui a bénéficié du soutien de l’administration Trump demeurent encore très puissants.

Quoi qu’il en soit, la manipulation anti-voiture électrique et le trauma sur l’intégrité de l’information provoquent un tel malaise chez le spectateur que l’ensemble restera sans doute un cas d’école qui servira d’enseignement dans les écoles de journalisme et d’infoguerre !