Nickel, embargo et dépression

Nickel, marché, Indonésie, acier, prix, krach, déroute…?

Le marché du nickel est d’une très grande simplicité depuis de très nombreuses années. Il y a trois ans, France Télévision me questionnait à propos des cours et de l’embargo frappant l’exportation de minerai de nickel indonésien . Qui disions-nous à l’époque ?


“L’embargo indonésien était « un évènement politique conduit par une Indonésie en pleine période électorale » de plus  « les prix ne remonteront pas suffisamment tant les stocks mondiaux de nickel connus mais également les stocks cachés ne serons pas absorbés, cela prendra probablement plus d’un an ; tant que les stock d’acier inoxydable chinois, notamment de série 300 fortement chargés en nickel, ne seront pas également absorbés (cette production chinoise était en hausse de plus de 23% en 2013) ;  tant que la progression  de la production d’acier inoxydable hors Chine ne sera pas avérée ; tant que Djakarta n’aura pas été confronté aux conséquences sociales locales, non encore cristallisées, de son embargo …Tant que Djakarta n’aura pas été confronté aux conséquences économiques de ce blocus et de l’augmentation de son déficit commercial ;  tant que les progrès techniques chinois permettront petit à petit le remplacement du minerai nickélifère indonésien par le minerais philippin.”

Comme cela fut annoncé à l’époque les prix du nickel sont restés sous pression parce que les stocks mondiaux se sont révélés immenses et certains étaient cachés aux non experts ; parce que des usines chinoises d’affinage de minerai ont été  construites en Indonésie ;  parce que dans les fours chinois, le minerai philippin s’est substitué au minerai indonésien ; parce que la Chine a développé ses aciers inoxydables en fragilisant les aciéries hors Chine. Ultime élément, après avoir vu sa part de la production mondiale de nickel  être réduite de 28% à 8% en trois ans, cette semaine, craignant ses propres difficultés économiques et sociales, l’Indonésie a décidé de redonner du travail à sa population en réduisant l’ampleur de son propre embargo.

Comme cela fut annoncé à l’époque, la conséquence de tous ces évènements n’a pas été une augmentation des prix du nickel, au contraire ; et comme cela fut également annoncé l’Indonésie redevient en 2017 un concurrent encore plus coriace qu’elle ne l’était en 2013.

Naturellement c’est une bonne nouvelle pour les consommateurs qui devraient voir les prix du nickel aller à rebours des dithyrambiques erreurs de prévisions d’analystes imprévoyants. Mais l’instabilité créée freinera probablement quelque temps les achats notamment dans l’acier inoxydable.
Pour les producteurs, la reprise des exportations indonésiennes  peut déclencher  une alarme, mais pour certains d’entre eux seulement.

En effet, les producteurs qui écoutèrent ces mises en garde de 2012 à 2014 ne sont pas pessimistes parce qu’ils n’ont pas été indécis dans le passé, parce qu’ils sont clairvoyants pour le présent et parce qu’ils anticipent l’avenir. L’un d’entre eux m’indiquait que depuis 3 ans son coût de production avait baissé de plus de 40% (et ce n’est pas terminé). Par  conséquent, au prix moyen du nickel de 2016 inférieur à 9500$ sa production est profitable. Au prix actuel, supérieur à 10 000$, c’est presque Byzance.

Pour d’autres c’est la Bérézina. Chez ces producteurs figés dans leurs maux – immobilisme, indécision, déni de vérité,  refus d’écouter, absence de stratégie – au fil des années, des situations sont devenues particulièrement graves. Décrit à l’époque, l’assouplissement de l’embargo indonésien, au potentiel dévastateur sur les prix, peut y avoir des conséquences opérationnelles fatales. Il deviendrait alors impossible d’écarter que l’actionnaire, s’il s’est senti abusé par la communication dirigeante, n’appellerait pas celle-ci à prendre ses responsabilités voire à rendre des comptes ?

Il y a quelques mois mon billet  Nickel, chagrin d’hiver , déclarait que l’Indonésie reprendrait sa place sur le marché avec un marketing plus fort. C’est fait. Les plus faibles en souffriront. Du chagrin d’hiver le nickel sombrera-t-il dans la dépression nerveuse de printemps ?
Publié dans Les Échos le 15 01 2017