Pétrole & gaz : raisonner vrai avec des éléments faux

Une grande messe de l’OPEP est toujours un évènement car ce qui est rare dans le monde du pétrole, ce n’est pas le pétrole mais les bonnes informations. Cette réunion de l’OPEP entérinera probablement un prix long terme (75$-80$) assez éloigné des coûts de production des meilleurs champs (3-4$/B) et de l’offshore profond.

En 2008, le pétrole était à 150 $/baril. Pourtant, lorsque s’offraient les premières statistiques de production et consommation, le marché n’affichait pas un déficit abyssal à cette époque. L’incompréhension de l’inflation des prix se transformait en accusation contre les spéculateurs qui avaient travaillé avec outrance. Récemment, ces chiffres de 2008 étaient améliorés et inversaient une tendance. Ils rendaient compte, d’un important déficit cumulé de l’offre par rapport à la demande pétrolière de fin 2006 jusqu’à début 2008.

Comme les idées, les statistiques, s’améliorent en vieillissant et c’est un beau travail de l’AIE que de re-proposer des solutions chiffrées sur l’inconnu : la consommation de la moitié du monde ou presque (le non-OCDE) et la production du non-OPEP (60% de la production mondiale).

Ce n’est pas du tout le même état des lieux dans le gaz. Il n’existe pas une entente équivalente à l’OPEP, mais, selon l’agence Reuters, le ministre algérien de l’Energie appelait récemment à une baisse de production du gaz. En effet, la situation est rendue difficile par un excès de production (cf Le divorce à l’italienne du pétrole et du gaz non-conventionnel) et les prix spots américains proches de 4$/btu sont trop bas. Pourtant, à ce jour, une entente entre les gros producteurs (Algérie, Qatar et Russie) semble prématurée tant les objectifs, les investissements récents et à venir ainsi que les enjeux politiques poursuivis semblent différents. Sur le même sujet.

Les deux énergies sœurs évoluent l’une dans un marché régulé par des producteurs (pétrole), l’autre dans un marché révolutionné par les nouvelles productions (gaz non-conventionnel) et cependant, le prix du pétrole formate encore en grande partie les prix de référence du gaz (à long terme).

Que conclure ? Si le pétrole reste aussi haut et le gaz durablement aussi bas, ces forces divergentes seront-elles assez puissantes pour détricoter totalement les liens unissant leurs prix et réorienter une partie de la consommation vers l’énergie la plus économique ? A ce moment, le prix d’équilibre du pétrole et du gaz se stabilisera-t’il entre 80$/b et 4$/btu ?
Publié dans Les Échos le 17 03 2010