In La Tribune 05/10/2021
C’est avec un intérêt non dissimulé que j’écoutais Sandra Regol, secrétaire nationale d’EELV, s’exprimer sur une chaîne d’information le 30 septembre 2021, à propos de l’Allemagne qui importe un gaz dont l’inflation attaque le pouvoir d’achat des Européens. En défense de la transition énergétique allemande, EELV affirmait que la France n’a pas d’énergie indépendante puisque « la France importe son uranium ».
L’Allemagne est-elle plus indépendante que la France ?
Bien qu’il désorganise le marché électrique allemand, le marché européen interconnecté et par voie de conséquence entraîne une envolée des prix français de l’électricité, le gigantesque plan d’Energiewende allemand a pour réussite l’impressionnante électricité éolienne intermittente produite outre-Rhin. Mais les bonnes nouvelles ont leurs propres limites, Berlin ne peut plus saupoudrer son territoire d’éoliennes, la population et la loi le refusent.
Moins de houille allemande signifie donc importer plus de gaz russe malgré tous les Navalny, plus de gaz de schiste étatsunien en dépit des futurs Trump, ou plus du gaz du Golfe malgré les droits de l’homme. Au final, la dépendance gazière allemande succède à l’indépendance charbonnière.
De même, les renouvelables allemands signifient dépendance aux métaux, car ni le vent ni le soleil n’engendrent de l’électricité, mais les métaux des turbines et des générateurs qui en sont l’interface. Quels métaux ? Non pas ceux de la stupide intox des « métaux rares », inventée et financée par les pro-pétroles pour rabaisser l’écologie et guider le populisme. Mais les métaux de base dont aucun n’est produit à partir du sous-sol allemand. L’Allemagne n’extrait pas non plus elle-même ces minerais à partir d’un territoire étranger. Il n’existe aucune entreprise minière allemande capable de le faire, elles sont cantonnées outre-Rhin dans le lignite et le charbon. C’est pour cette raison que les renouvelables allemands sont à double titre dépendants de l’étranger : les métaux d’une part, les entreprises minières de l’autre, voire également à travers les fabricants de renouvelables asiatiques.
Raisonner en dynamique
EELV pense que la France ne fait pas mieux que l’Allemagne avec son énergie nucléaire puisque « la France importe son uranium ». Cela fait plaisir d’entendre cet argument non idéologique, car dans l’énergie il ne faut pas raisonner en statique à la manière d’un Malthus qui intégrerait la secte du Temple Solaire dans le but d’anéantir le progrès humain, mais en dynamique avec la science et l’innovation qui accompagne la course de l’humanité.
Le raisonnement dynamique révèle que l’Allemagne sera toujours dépendante des mines situées à l’étranger puisque le recyclage des éoliennes et panneaux solaires est imparfait. Elle démontre donc que les « emplois verts » des renouvelables allemands sont adossés aux « emplois noirs » du charbon ou du gaz, sans ces derniers les « emplois verts » s’effondrent.
Côté France, le raisonnement dynamique révèle qu’une entreprise française produit de l’uranium à partir de ses mines à l’étranger, mais elle pourrait en produire en France puisque nous y avons des ressources uranifères. En outre, la part de cet uranium frais dans les centrales nucléaires françaises a déjà diminué grâce à l’utilisation de déchets nucléaires. C’est-à-dire que du combustible brûlé dans les réacteurs ne provient pas de mines, mais du combustible usagé et recyclé. C’est la première étape de l’économie circulaire du nucléaire et la première indépendance française d’aujourd’hui.
Des déchets gratuits à recycler
La seconde indépendance française consistera à brûler des charges atomiques qui soient à 100 % formées de combustible usagé dans des réacteurs à neutrons rapides (RNR). Pourquoi ? Là où 140 tonnes d’uranium minier sont nécessaires dans une centrale actuelle pour produire 1GWatt d’électricité, il suffit de 1,4 tonne de déchet recyclé et gratuit, puisque déjà stocké en France, pour produire la même quantité d’électricité dans un RNR. 100 fois moins. Et, tenez-vous bien, comme déjà expliqué de multiples fois, notamment un jour au dirigeant de Greenpeace France, notre pays dispose sur son sol d’une quantité de combustible usagé capable de produire de l’électricité gratuitement et en toute indépendance pendant 5. 000 ans à 10. 000 ans. C’est-à-dire que pendant 5 .000 ans à 10. 000 ans, l’imprécision du chiffre est ici un avantage, l’électricité française sera indépendante d’uranium minier, plus aucun besoin de payer pour l’extraire du sous-sol ni de l’importer à l’inverse d’autres pays qui auront perdu toute autonomie.
La difficulté est que cette indépendance électrique française anéantit un dogme écologiste. Elle supprime le problème des déchets, dès lors qu’ils sont brûlés et disparaissent dans les RNR.
Néanmoins, cette deuxième étape de l’économie circulaire du nucléaire assurera un prix de l’électricité maîtrisé pour toujours puisque la matière première est déjà chez nous gratis. Pour toujours, car après 5. 000 ans à 10. 000 ans, cette électricité pilotable, non intermittente et au combustible gratuit nous aura permis de découvrir une nouvelle forme d’énergie.
Cette dernière sera peut-être celle du thorium ou l’abandon de la fission nucléaire et l’embarquement pour ITER, l’énergie des étoiles. C’est-à-dire que deux seaux d’eau de mer permettront à chaque français d’avoir de l’électricité pour une vie entière, sans engendrer de déchets. C’est la troisième et dernière étape de l’économie circulaire du nucléaire.
Le problème n’est donc plus une question d’indépendance puisqu’elle est résolue pour 5.000 à 10. 000 ans ; ni de nouvelle ressource minière en uranium puisque le combustible usagé est chez nous et Gaïa économisera également l’extraction des métaux nécessaires aux renouvelables ; ni de pouvoir d’achat puisque le combustible usagé est gratuit ; ni technologique, des RNR fonctionnent déjà chez les leaders de l’économie circulaire du nucléaire.
Un problème politique
Le problème est politique. C’est-à-dire faire le distinguo entre le temps de sa propre existence et l’éternité de l’espérance de vie de l’humanité : les métaux des renouvelables sont dans le temps d’une existence, l’économie circulaire du nucléaire est dans celui de l’éternité.
Je sais, il sera facile de stigmatiser ce papier de lobbyisme du nucléaire, ce qu’il n’est pas. Mais un portrait de Madame Regol, dont les engagements valent considération, était diffusé en ligne à l’occasion de la campagne législative partielle d’Alfortville-Vitry de septembre 2020. Il indique que « si tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin quand on sait écouter, partager et travailler collectivement en faisant de nos différences une force et non un frein ». Comment ne pas approuver cette vision, et, dans le cadre de la prochaine présidentielle, mettre ensemble les différences sur le nucléaire et collectivement aller plus loin.